L’informel peut contribuer au développement durable. C’est pourquoi les instances internationales, telles que la Banque mondiale, le FMI et les nations unies, conseillent de s’en servir comme source d’esprit d’entreprise.
Sur les 2,5 millions de très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) recensées en République démocratique du Congo, seulement quelque 12 500 ont bénéficié d’un crédit classique auprès des banques commerciales. L’absence de statut légal est un handicap majeur pour les structures qui fonctionnent dans l’informel. Beaucoup de portes leur sont fermées, notamment l’accès à des sources de financement même si le développement de la microfinance permet actuellement de les bancariser et de leur trouver des solutions de financement à court terme. De même, les structures du secteur informel sont privées de toute possibilité de concourir aux appels d’offres des marchés publics du fait qu’elles ne sont pas assujetties au paiement des impôts.
Avec la crise économique, insidieuse bien avant les années 1970, le secteur informel de l’économie a pris de l’ampleur au point de concurrencer, à son avantage, le secteur formel. Paradoxalement, l’informel, censé frauduleux, fonctionne allègrement au nez et à la barbe de tous. Toutes les activités des secteurs primaire, secondaire et tertiaire y sont représentées. Banques traditionnelles, ateliers de réparation, cybercafés (téléphone et Internet), immobilier (location et vente de logements), hôtellerie (flats), médecine de proximité (dispensaires), marchands ambulants…, tous s’y côtoient.
Droit de cité
En République démocratique du Congo, le secteur informel a désormais droit de cité. Le sociologue Jules Bilomba donne les raisons de son expansion : « Entre 1950 et 1980, l’Afrique s’est distinguée par un boom démographique inversement proportionnel à la croissance économique. Le développement du chômage urbain, conséquence logique de la crise économique, s’est accompagné de l’émergence du secteur informel. C’est une question de survie de la population rejetée par le secteur formel ». L’informel se caractérise par ses opérations de financement novatrices et l’insuffisance de ses liens avec le secteur moderne. En l’absence de prêts bancaires, les chefs d’entreprises du secteur informel ont innové et introduit de nouveaux types de marché financier : associations d’épargne et de crédit par roulement, prêts sur gages…, explique Jules Bilomba.
D’après lui, la ristourne permet d’avoir du crédit par roulement. Ces marchés financiers, non structurés, se sont dotés d’instruments qui répondent aux besoins de leur clientèle : celle qui aimerait épargner et celle qui serait en quête de fonds pour investir. La croissance économique tirée essentiellement de l’exploitation des matières premières n’est pas synonyme de progrès social. Les forts taux de croissance ne se sont pas traduits par la réduction du chômage ni par l’amélioration du pouvoir d’achat des citoyens. L’informel a pris une importance telle que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont pris la bonne résolution de l’encourager – fait rare de la part de ces deux institutions financières internationales – et d’insérer ses activités dans les stratégies de développement. En supposant que l’État lui facilitera l’accès aux crédits bancaires afin d’améliorer ses conditions de travail. Les activités du secteur informel jouent un rôle dynamique dans l’économie. C’est même le point de vue du Bureau international du travail (BIT) qui met l’accent sur les aspects positifs de ce secteur rentable, productif et créatif.
La nouvelle donne
La contribution du secteur informel au Produit national brut (PNB) est évaluée en moyenne à 20 % et hors secteur agricole à 34 %. Le commerce représente environ 50 % de sa production. La production manufacturière 32 %, les services 14 % et les transports 4 %. Selon les Nations unies, les pays africains doivent se proposer d’utiliser le secteur informel, source de créativité, d’esprit d’entreprise et terrain fertile d’apparition d’une éthique du travail. Cette éthique est fondée sur une forme nouvelle d’autonomie qui pourrait, en fin de compte, constituer la base solide d’un développement durable. D’où l’idée de repenser le processus évolutif spécifique de l’économie informelle qui est un facteur de développement. Le vrai problème qui se pose est celui de l’articulation des deux secteurs. L’idéal serait qu’ils fassent bon ménage. « Le développement se fera dans ce dualisme ou ne se fera pas », estime Jules Bilomba.
Dans un contexte de crise économique, le secteur informel tend à tirer vers le bas les activités génératrices de revenus. Comme d’autres chercheurs qui se sont penchés sur le phénomène, Jules Bilomba est favorable au développement des PME, étant donné qu’elles représentent une part importante de l’emploi et de la redistribution des richesses.
Cependant, encore faut-il en saisir les besoins et les modes de fonctionnement. De prime abord, les PME peinent à se développer en République démocratique du Congo. Elles sont enclines à de multiples contraintes dont la disparité des acteurs, le manque d’accès aux sources de financement, l’instabilité juridique et judiciaire, la faiblesse de l’offre de travail… Le programme économique du gouvernement encourage l’esprit d’initiative, favorise la création de valeurs et vise à renforcer les liens sociaux et économiques entre les différents acteurs et agents de l’économie. En réalité, le soutien aux PME demeure timide du fait également de la disparité des structures et des politiques. Les conditions de marché sont encore largement absentes ou insuffisantes. Ce sont, par exemple, des infrastructures adéquates, un cadre réglementaire favorisant le développement de l’entreprise tout en limitant ses effets préjudiciables pour l’homme et son environnement, des compétences réparties au sein d’un vivier de populations entreprenantes, des flux d’informations permettant l’accès à des opportunités d’affaires comme à des sources de financement.