À l’occasion, ce 12 août, de la Journée internationale de la jeunesse, orientée cette année sur « l’engagement civique des jeunes », l’institut Afrobaromètre publie un rapport très intéressant sur l’engagement politique de la jeunesse africaine.
Si on y perçoit l’intérêt prononcé de 56 % d’entre eux pour la chose publique, la question de l’engagement formel est, quant à elle, encore problématique. Triste constat, dont les conséquences pourraient être, à terme, dramatiques. Puisque le continent, qui se trouve au cœur d’une généreuse prophétie économique, risque de ne pas exploiter à juste mesure son potentiel avant tout caractérisé et incarné par cette jeunesse, qui constitue sa première force.
Certes, une partie de la jeunesse africaine profite des opportunités de croissance des prémices du réveil africain. Elle est glorifiée partout et souvent montrée en exemple, quand elle explose le plafond de verre en occident ou devient symbole de « success-stories » chez elle. D’ailleurs, l’entreprenariat est devenu le moteur de croissance d’une partie de la nouvelle élite africaine. Mais cette réalité, faut-il le mentionner, parfois exagérée, est l’arbre qui cache (mal) la forêt de la misère sociale, voire le désespoir.
Gagnée par l’incertitude constante du lendemain, le recul des barrières de l’inacceptable et de la dignité et l’irresponsabilité de politiques peu soucieux d’imaginer un futur de justice et de prospérité, cette jeunesse reste une équation à résoudre. Or, l’avenir de l’Afrique, c’est aussi, au-delà des chiffres macroéconomiques rassurants, une puissance publique capable de porter un développement endogène, qui sera la transformation de la croissance par le changement de vie des populations, notamment des plus jeunes.
Hélas, dans les trente pays qui constituent l’échantillon du rapport d’Afrobaromètre, une tendance se dégage concernant la manière par laquelle ils sont gouvernés. On remarque que ce sont des pays où le système politique est perfectible et mérite d’être réformé. Ce qui irrigue le scepticisme des jeunes à s’engager en politique et leur absence de confiance vis-à-vis des gouvernants.
En Afrique de l’Ouest notamment, 71 % des jeunes interrogés concèdent n’avoir jamais contacté une autorité locale de l’État pour lui soumettre une requête. Un fait représentatif du fossé qui se creuse de jour en jour entre des politiques souvent aux antipodes de leurs missions de service public et une jeunesse qui, face aux horizons interminablement bouchés, a fini par ne plus rien attendre.
Cette distorsion entre la politique et le citoyen est un mal des démocraties africaines qui construisent des modèles « d’État prédateur », comme le théorise l’historien sénégalais Ibrahima Thioub. Ces systèmes politiques soucieux de préserver les intérêts matériels de ceux qui s’y agitent tout en écartant une jeunesse envieuse de prouver ses capacités des strates de la gestion publique.
Or, le débat démocratique est biaisé et son issue un échec dès le départ quand on pense organiser un système politique qui prétexte décliner des solutions durables et un horizon nouveau sans entendre la voix de cette masse réduite à un silence rempli de mots et de volonté. Jusqu’où ira la jeunesse bridée pour faire entendre sa clameur ? Telle restera la question.
Source : Le Monde.fr