Entreprises publiques : le cadet des soucis des candidats présidents

Aucun des vingt et un candidats à la présidence de la République n’a évoqué de manière concrète sa recette pour la relance des entreprises du groupe du Portefeuille de l’État.

LES MÉDIAS recrutés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) pour réaliser des émissions avec les candidats présidents ne s’intéressent guère à la question. Toutefois, Samy Badibanga Ntita, ancien 1ER Ministre, lui aussi candidat à la magistrature suprême, propose, par des canaux particuliers, une deuxième conférence, une fois élu, afin d’obtenir 25 à 40 milliards de dollars de crédits pour les entreprises qui vont investir dans la reconstruction du pays.  

Et pourtant, selon les projections du secrétariat général du ministère du Portefeuille, ils sont très loin pour être réalisés à fin décembre 2018, les résultats escomptés lors de la signature des contrats de performance et de mandat, le 23 avril 2018, entre Wivine Mumba Matipa, la ministre du Portefeuille, et des mandataires de l’État au sein des entreprises publiques transformées en entreprises commerciales.

Contreperformances 

Les dividendes de la vingtaine d’entreprises publiques transformées en sociétés commerciales n’ont été que de 1 469 578 111 FC, soit moins de 910 mille dollars sur des prévisions semestrielles de 2 923 743 850 FC, soit un peu plus de 1,8 million de dollars, à fin juin 2018. Et selon les projections de la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD), les dividendes des entreprises commerciales qui relèvent du Portefeuille de l’État ne devraient guère excéder les 51 % de leurs assignations annuelles, soit 5 847 487 700 FC environ 3.6 millions de dollars.  Ce qui représenterait une contreperformance par rapport à l’exercice 2017, où ces dividendes avaient rapporté 3.8 milliards de francs, contre des prévisions de 2.8 milliards de francs. Par ailleurs, les dividendes des sociétés d’économie mixte, sans la Minière de Bakwanga (MIBA), versées au Trésor public se sont chiffrées à 1 505 309 610 FC pour des prévisions linéaires de six mois de 3.2 milliards de francs et annuelles de 5 milliards de francs. 

Déficits chroniques

Selon le Conseil supérieur du Portefeuille, ces contreperformances sont dues « aux déficits chroniques des entreprises publiques transformées en entreprises commerciales ainsi qu’à l’imputation par les entreprises du secteur minier des pertes antérieures aux résultats de l’exercice clos ». Contrairement à d’autres ministères, le Portefeuille n’a pas rendu publiques les projections-phares qu’il compte réaliser pour capter davantage des recettes pour l’exercice 2019, sinon que le ministère du Portefeuille a annoncé, pour l’an prochain, l’élaboration du manuel de procédure de désengagement de l’État, la construction du bâtiment devant abriter le secrétariat général au Portefeuille, l’acquisition des équipements divers pour le Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP) et pour le Conseil supérieur du Portefeuille ou encore la prise de participation à la Cimenterie de Lukaya (CILU) et à la Sucrerie de Kiliba. 

Pour ce faire, le ministère du Portefeuille avait sollicité 49 932 689 900 FC mais le Budget n’a accordé que 23 274 370 076 FC, soit 13 316 380,65 dollars. Il sied de rappeler que les deux contrats signés le 23 avril 2018 par la ministre du Portefeuille et les mandataires de l’État portent, l’un sur la performance et l’autre sur le mandat, en vue de faire des entreprises du Portefeuille un centre d’intérêt financier pour l’État. 

Patrimoines immobiliers

Le contrat de performance intègre les principaux axes de la nouvelle approche de gestion, basée notamment sur « le résultat à impact visible, la bonne gouvernance et les exigences de la clientèle ou des usagers ». Le contrat de mandat, quant à lui, est l’acte par lequel l’État congolais donne à un mandataire le pouvoir d’agir, en son nom et pour son compte, au sein des organes statutaires d’une entreprise du portefeuille. 

Ainsi, en signant ce contrat, les mandataires publics doivent veiller à « la protection » et à « la sauvegarde » de tous les biens sociaux de l’entreprise. Ce contrat interdit à ces derniers de prendre une décision qui puisse conduire à « une diminution de la valeur du patrimoine » ou « rendre un bien de la société indisponible pour une longue durée ». 

L’opinion se souviendra comment l’inventaire des biens immobiliers des entreprises publiques transformées en sociétés commerciales a posé problème, voilà dix ans. Et selon le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, la « spoliation des biens immobiliers de l’État se poursuit avec la prévalence des interférences politiques provinciales ».  

Objectifs ratés

En son temps, le COPIREP soutenait, en effet, que l’État gagnerait 5 milliards de dollars l’an à travers les entreprises publiques transformées en sociétés commerciales. Rien de tel n’est venu. En 2015, l’État a même créé le Fonds spécial du Portefeuille pour poursuivre la réforme des entreprises publiques. Mais le financement du Fonds fait défaut. Et pourtant, en 2016, le ministère du Portefeuille via la régie financière a quasiment réalisé 100 % de ses assignations, soit 7,6 milliards de francs sur 7,7 milliards attendus. 

Mais Wivine Mumba note « une faiblesse de récupération des dividendes de l’État », [là où il est] actionnaire minoritaire à cause de la fiscalité nationale basée sur la déclaration du service. Elle déplore également « l’absence de missions de contrôle mixte entre la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD) et le service attitré du Portefeuille ». 

Autres griefs ayant entraîné la minimisation des recettes de participation, selon la ministre du Portefeuille : la prise en compte de la libéralisation du secteur des assurances, longtemps monopole de la Société nationale d’assurances (SONAS) et le déficit énergétique qui a influé négativement sur la production, entre autres, des sociétés telles SODIMICO, SACIM et MIBA. 

Par ailleurs les créances de la REGIDESO et de la SNEL sur l’État ont causé un déficit de 30 milliards de francs. Le ministère du Portefeuille compte désormais organiser des missions d’encadrement et de suivi conjointes avec la DGRAD en vue de la mobilisation des recettes auprès des sociétés concernées. 

Alors que la Direction générale des impôts (DGI) espère recouvrer auprès des entreprises du portefeuille de l’État des restes constatés au 13 février 2017, soit 276 802 milliards de francs, une note du ministère du Budget renseigne que lesdites entreprises (établissements, services de tous secteurs confondus) ne participent qu’à peu de choses au budget de l’État. Dans le cadre du budget 2017, les recettes provenant des entreprises publiques et établissements publics ont été de l’ordre de 11,7 milliards de francs, soit environ 8 millions de dollars. 

Les recettes des participations relevant du ministère du Portefeuille sont encadrées par la DGRAD. La ministre du Portefeuille compte faire plus. Pour cela, Wivine Mumba a obtenu, certes sur papier, des dirigeants de chaque société relevant du Portefeuille de l’État un engagement ferme de tenir à leurs obligations. Elle veut aussi revitaliser la DGRAD qui collecte les recettes des participations.

Problématique des dividendes  

Pour l’exercice 2019, les prévisions des recettes attendues du Portefeuille sont de 14 195 680 672 FC, soit 8.122.028 dollars. Une seule entreprise transformée envisage d’atteindre la barre symbolique de 1 milliard de francs, soit un peu moins de 572 150 dollars. Il s’agit de la SNEL SA, avec 1 032 000 000 FC, contre 492 000 000 FC pour la compagnie sœur de la REGIDESO. Viennent ensuite, la Régie des voies aériennes (RVA SA) avec des prévisions des dividendes de 780 000 000 FC, puis la société commerciale des produits pétroliers Cobil avec 750 000 000 FC. 

La Générale des carrières et des mines (GECAMINES) et la Société commerciale des transports et des ports (SCTP), ex-ONATRA se sont engagées pour 600 millions de FC, soit un peu moins de 345 000 dollars. La Société congolaise des postes et des télécommunications (SCPT SA), ex-OCPTt, ne prévoit que 72 petits millions de francs, soit environ 40 000 dollars, alors qu’un projet de révision à la hausse des taxes du secteur est annoncé pour 2019.