Eskom plongée dans la crise énergétique

Avec des infrastructures vétustes, l’entreprise publique  de production et de distribution d’énergie électrique, impose des délestages dommageables pour l’économie de la nation arc-en-ciel.

Les délestages sont réguliers en Afrique du Sud, où le parc électrique,  essentiellement composé de centrales à charbon et qui fournit à lui seul 46% de l’électricité consommée sur le continent, est vieillissant. Sur 43 000 mégawatts (MW) de capacité installée plus de 8 000 sont à l’arrêt, en raison notamment d’une mauvaise maintenance, tandis que la construction de deux centrales à charbon géantes accuse d’importants retards. Mais l’objet de la rage d’une bonne partie des 54 millions de Sud-Africains, c’est surtout Eskom.

Ayant institutionnalisé ses défaillances, l’entreprise publie à l’avance, comme pour un bulletin météo, ses délestages de niveau 1, 2 ou 3. Son incapacité et  celle du gouvernement à y remédier paraissent totales.

En l’espace de  cinq ans, la disponibilité du parc a chuté de 10 points, à 75 %. Les futures centrales à charbon de Medupi et Kusile doivent soulager le réseau. Ces projets géants ont déjà trois ans de retard, en partie dû à des grèves à répétition. Eskom pointe la responsabilité d’Alstom, l’un de ses gros contractants. À Medupi, on attend, sans y croire, la mise en route en juin d’une tranche de 794 MW.

Le 19 mars, Standard & Poor’s a dégradé au rang d’obligations pourries la dette d’Eskom, dont le besoin en capitaux sera de 20 milliards d’euros d’ici à 2018.

Cette situation irrite aussi les entrepreneurs. Le secteur manufacturier a plongé en janvier (- 2,3 %), notamment à cause des délestages qui coûtent au pays 0,5 à 1 point d’une croissance déjà anémique. Le secteur minier n’a d’autre choix que de renforcer ses générateurs à grands frais. Les propriétaires des  supermarchés Shoprite sont également obligés d’engager des dépenses supplémentaires.

L’accumulation des problèmes  d’ordre technique, financier, managérial au sein de cette entreprise publique de 30 000 salariés disposant d’ une capacité de 45 GW de charbon essentiellement, avait occasionnée le limogeage de quatre cadres  dont le directeur général. L’entreprise continuant de naviguer sur une pente raide, Zola Tsotsi, président du conseil d’administration a été, lui aussi, contraint de rendre le tablier le 30 mars. Et, à l’issue « d’importantes délibérations », le conseil d’administration décida d’accepter la démission de l’ancien président, qui occupait ce poste depuis 2011, pour le remplacer par Baldwin Sipho Ngubane, ancien ministre des Arts et ex-ambassadeur d’Afrique du Sud au Japon.

Eskom entre privatisation et intervention de l’Etat

Actuellement, en Afrique du Sud, la crise énergétique que traverse Eskom est au centre des préoccupations dans les salons politiques et les milieux d’affaires.

Le ministre des Finances, Nhlanha Nene, à travers une correspondance adressée au journal Engeenering News, a évoqué la possibilité d’ouvrir le capital d’Eskom à des investisseurs privés. « Parmi les options, il y a la possibilité de scinder les actifs d’Eskom et de céder une partie à des investisseurs privés », a-t-il révélé.

À l’en croire, l’intervention du secteur privé dans le capital de cette entreprise pourrait lui permettre d’acquérir les pratiques professionnelles nécessaires pour le renforcement de ses performances techniques. « En plus, cela permettra à l’entreprise de  mobiliser les ressources financières dont elle a cruellement besoin pour assainir ses comptes », a ajouté Nhlanha Nene.

Des experts estiment que le gouvernement sud-africain ne manque pas d’alternative. Pour eux, l’État  peut augmenter le prix de l’électricité, ce qui est la pire des solutions, ou alors injecter les fonds publics, ce qui revient toujours à faire payer les contribuables. À coté de la première option, d’autres schémas peuvent aussi être explorés. Notamment celui consistant à donner aux privés la possibilité de produire leurs propres énergies et de réinjecter le surplus sur le réseau national. Une solution qui n’est pas loin d’une récente approche prescrite par la Banque mondiale, mais qui souffre elle aussi de ses limites et de ses défis.