COUP de théâtre ? En tout cas, la polémique enfle à Kinshasa sur le récent voyage (officiel ou officieux) d’une délégation économique allemande en République démocratique du Congo. Il semble que le gouvernement allemand n’a pas donné sa caution pour cette mission de repérage qui serait tout simplement l’exploit de l’ingénieur et homme d’affaires de Leipzig, Gernot Wagner. Jusqu’au 15 juin 2019, il était le consul de la RDC dans sa ville, avec comme circonscription les régions de Bavière, Saxe, Thuringe ainsi que les États de Baden-Wuerttemberg, Hesse, Rhénanie-Palatinat, Sarre et Saxe-Anhalt. Dr Gernot Wagner, comme on aime bien l’appeler, est souvent présenté comme un homme qui s’est fait un nom pour « ses investissements réussis à l’échelle mondiale » dans plusieurs domaines, notamment dans l’extraction et le traitement des matières premières, l’industrie chimique et le ciment, mais aussi dans le secteur de l’énergie et la construction des centrales électriques. Bref, Gernot Wagner est une référence à l’international, grâce au réseau international qu’il a tissé auprès des décideurs de ce monde : scientifiques, hommes d’affaires, dirigeants politiques et financiers… Ce qui lui permet de mettre en œuvre des projets dans le commerce international. En effet, Evagor GMBH, l’entreprise de Gernot Wagner qui a son siège à Leipzig, Sachsen, en Allemagne, fait partie de l’industrie des planificateurs financiers et des conseillers en investissement. À la tête d’un consortium des 10 grandes entreprises allemandes cotées à la Bourse de Franckfort, Evagor dit avoir un paquet d’investissements directs estimés à 50 milliards de dollars, avec à la clé 1 million d’emplois à créer. Objectif : faire de la RDC la capitale mondiale de l’hydrogène et des batteries électriques à partir de l’exploitation des puits des gaz de l’emphythéose de Moanda dans le Kongo-Central et dont les gaz naturels et liquéfiés seront exportés dans le monde.
Cependant, malgré cette carte de visite enviable du fondateur d’Evagor et cette belle présentation de son projet, les autorités congolaises se sont montrées pour le moins « prudentes » vis-à-vis de la mission économique conduite à Kinshasa par cet ingénieur et homme d’affaires allemand. Pourtant, nombreux en RDC ont vu dans cette visite des investisseurs allemands les signes d’une coopération économique tous azimuts entre l’Allemagne et la RDC. Maintenant que Kinshasa se montre frileux quant aux prétentions d’Evagor, que va-t-il advenir pour les projets Grand Inga et Hydrogène de Moanda ?
Inga III et Congo Green H2
Evagor GMBH tablent sur la construction de la centrale hydroélectrique d’Inga III, avec une capacité de production de 11 500 MW. Cette infrastructure qui sera érigée sur le site des chutes d’Inga dans le fleuve Congo en RDC, est censée produire une énergie propre en respectant l’environnement et les règles de protection des écosystèmes. Dans le plan de développement d’Evagor, la construction de la centrale hydroélectrique d’Inga III se fera concomitamment avec la construction de l’usine de production de l’hydrogène de la société Congo Green H2 développée par Evagor GMBH et ses partenaires.
Ce sont Deutsch Bank, Transgaz (spécialisée dans le transport de gaz en Europe), VNG AG (fournisseur de gaz en Europe), VOITH Hydro (producteur d’équipements pour les centrales hydroélectriques et spécialisée dans le BTP), Hydro Agrit (producteur d’équipements pour les centrales hydroélectriques), HPC AG (spécialisée dans la planification et la réalisation des usines chimiques), Siemens AG (spécialisée dans la construction des équipements), IND AG (spécialisée dans la production de l’hydrogène), TSK AG (spécialisée dans la construction) et les entreprises chinoises spécialisées dans le génie civil.
Si Evagor s’intéresse à Inga III, c’est parce que l’usine d’hydrogène de Congo Green H2 qui sera construite dans la ville de Banana dans la province du Kongo-Central, deviendra la plus grande consommatrice de l’énergie produite par la centrale hydroélectrique d’Inga III. Pour Evagor, le développeur du projet, ce sera un grand gain pour le refinancement durable d’Inga III. L’hydrogène qui sera produit à Banana, sera exporté sous forme de liquide en Europe où il va être gazéifié pour servir de combustible aux centrales thermiques.
Une fois l’usine de production en marche, l’hydrogène de Banana représentera un marché important en croissance « non seulement pour les Congolais mais aussi pour les Européens ». D’après Evagor, les Congolais vont tirer « un bénéfice économique énorme en vendant chaque jour et de manière ininterrompue de l’hydrogène au continent européen ». Le groupe allemand évalue les recettes annuelles à plus de 300 milliards de dollars. Les bénéficiaires directs de cet investissement sont : les constructeurs automobiles (BMW, Mercedes, VW, Audi, Porsche), Siemens, Bosch, Deutsch Bahn, Deutsch Bank et Deutsch Qualitat.
Aujourd’hui, les usages de l’hydrogène sont connus : il peut être utilisé comme combustible carburant pour la mobilité des trains. Il peut être utilisé aussi comme combustible pour les centrales thermiques. Les sous-produits de l’hydrogène sont également connus : le méthanol utilisé comme carburant pour les véhicules et l’hydrogène peut être utilisé comme un engrais chimique dans l’agriculture.