LAVAGE de cerveau politique, attaque délibérée contre la complexité de la pensée ou « main invisible qui conduit à obtempérer sans en avoir conscience » pour certains historiens et spécialistes, la propagande s’ancre peut-être dans « notre capacité à rester sciemment dans l’ignorance », écrit le journal français La Tribune. Inhérente à l’idée même de pouvoir, elle serait aussi essentielle à tout État moderne. Des statues édifiées à sa propre gloire par Alexandre le Grand jusqu’à l’absurdité inquiétante des fake news, un documentaire richement illustré défait la pelote des fabriques à histoires les plus emblématiques, nommées « story telling » par les conseillers en communication d’aujourd’hui.
Outre les célébrations de masse en Corée du Nord, les rumeurs distillées de part et d’autre du mur de Berlin pendant la Guerre froide ou les tours de passe-passe de Donald Trump, ce documentaire évoque aussi les manipulations propres à la religion et surtout à l’art, à la fois force d’illusion et contre-pouvoir. « Tout art est propagande. Il ne s’agit pas de celle d’un État puissant, mais du cœur d’un individu », assène Ai Weiwei, le sculpteur, photographe et blogueur chinois, célèbre pour ses performances anti-establishment.
Spécialistes des médias, psychanalystes, philosophes ou artistes activistes commentent avec force, archives à l’appui, les mécanismes de cet art du mensonge aussi vieux que le langage. Ces dernières années, le phénomène des fake news s’étend sur le Web aux dépens des internautes. Ces fausses informations peuvent être propagées dans des buts différents. Certaines ont pour objectif de tromper le lecteur ou d’influencer son opinion sur un sujet particulier. D’autres sont fabriquées de toute pièce avec un titre accrocheur pour densifier le trafic et augmenter le nombre de visiteurs sur un site.
Le phénomène des fake news a pris une ampleur médiatique au cours de l’élection présidentielle de 2016 aux États-Unis. Cette tendance a fait son apparition en France quelques mois plus tard lorsque le peuple a également été appelé aux urnes pour élire son nouveau président. Si internet fourmille de ressources, il est également un parfait vecteur pour les fake news. Google News, Facebook ou encore Twitter ont indirectement participé à la propagation de ces informations trompeuses.
Face à ce phénomène, les géants du Web ont tous mis en place des dispositifs afin de pénaliser les médias véhiculant ces mensonges dans le but de regagner une forme de crédibilité pour leurs utilisateurs respectifs. Par exemple, dans le cadre des élections présidentielles en France en 2017, la firme de Mark Zuckerberg a fermé 30 000 comptes. De son côté, Twitter a identifié plus de 50 000 bots rattachés au gouvernement russe afin d’influencer les élections présidentielles américaines de 2016.
Comment se prémunir ?
L’identification d’une fausse information relève d’un travail journalistique. Plusieurs questions doivent ainsi être soulevées afin d’identifier la véracité d’une information.
Il est tout d’abord important de vérifier la source de cette information. Cette dernière est-elle fiable ? A-t-elle pour vocation d’être neutre ? A-t-elle un intérêt particulier dans la propagation de cette information ? Enfin, il est important de souligner que certaines études en apparence très sérieuses sont parfois commanditées par un tiers souvent dans le but d’en améliorer son image.
La désinformation n’est pas un phénomène nouveau. Ce qui l’est en revanche, c’est son ampleur et la vitesse avec laquelle les fake news et autres fausses informations se répandent, grâce aux médias numériques. Si elles obligent les journalistes et organes de presse crédibles à se remettre en question, elles sont aussi l’occasion pour eux de les combattre fermement. Tandis que, partout dans le monde, se multiplient les signes d’ingérence dans les processus démocratiques, le débat sur les moyens de lutter contre les fake news est appelé à s’intensifier. Mais il est brouillé par une mauvaise compréhension du phénomène, de ses origines et de ses réels dangers.
Pour tenter d’éclairer le problème, le Réseau du journalisme éthique (EJN) en France a élaboré cette définition de l’information truquée : « Information fabriquée et publiée sciemment dans le but de tromper et d’inciter un tiers à croire à des mensonges ou à mettre en doute des faits vérifiables ». Elle devrait nous permettre séparer plus aisément le journalisme de la propagande, des faits « alternatifs » et des mensonges malveillants.