Pendant trois jours, Abidjan a accueilli du 28 au 30 mars la 2è édition de la Conférence internationale sur l’émergence de l’Afrique (CIEA) sous le thème « La mise en œuvre des plans d’émergence en Afrique ». Plus de 400 délégués représentant les États et les organisations non étatiques africaines ainsi que des experts venus du monde entier ont débattu dans la capitale ivoirienne des conditions de développement du continent noir. La conférence a été rehaussée de la présence de chefs d’État, Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), Macky Sall (Sénégal), Helen Johnson Sirleaf (Liberia) et Alpha Condé (Guinée), qui ont échangé sur les bonnes pratiques africaines en matière de mise en œuvre des plans d’émergence sur les plans institutionnel, économique et social.
Organisée par le gouvernement ivoirien et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), en partenariat avec la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD), la 2è édition de la CIEA a été voulue comme une tribune qui allait « permettre aux leaders africains d’approfondir le débat sur la problématique de la mise en œuvre des plans d’émergence des pays africains à la lumière des expériences menées en Afrique et ailleurs ».
Faut-il inventer un modèle propre ?
Le partage des outils et méthodes de mise en œuvre pour accélérer la transformation structurelle et l’industrialisation dans le but de créer des emplois pour les jeunes et les femmes a été également au menu des discussions. Parallèlement, des études seront menées dans plusieurs pays africains, entre autres, l’Algérie, le Sénégal, le Kenya, le Maroc… Dans la même perspective, des panels de haut niveau constitués de séances plénières autour de deux principaux thèmes, la gouvernance des institutions publiques, et la transformation structurelle, inclusive et durable, ont été à l’ordre du jour de la conférence. Qui a aussi abordé la question d’un nouveau modèle de développement pour le continent africain aujourd’hui à la croisée des chemins. « Dans ce nouvel environnement incertain et complexe, il lui faudra réinventer son modèle de développement conformément aux principes édictés dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA) et l’Agenda 2030 sur les Objectifs de développement durable (ODD) », ont soutenu les organisateurs.
Instituée dans le but de soutenir et faciliter le développement des capacités des pays africains à mieux planifier et mettre en œuvre l’émergence, mutualiser leurs expertises et documenter les bonnes pratiques en la matière, « Ce rendez-vous du donner et du recevoir » internationale sur l’émergence de l’Afrique, a été organisé pour la première fois à Abidjan, du 18 au 20 mars 2015. Elle a permis de débattre sur les thèmes suivants : l’État développementaliste et l’émergence, les changements dans les modes de production et de consommation et l’émergence et enfin le développement humain. À l’issue de cette première édition sanctionnée par une déclaration qui en appelait à « l’organisation tous les deux ans d’un forum sur les bonnes pratiques en matière d’émergence et la mise sur pied d’un centre de veille stratégique », plusieurs recommandations ont été prises visant à dynamiser les performances économiques de l’Afrique. Les chefs d’État sont montés à la tribune pour livrer leurs « recettes » pour parvenir à l’émergence. Pour le président Alassane Ouattara, « la quête de l’émergence ne peut se faire sans une ferme volonté politique destinée à engager des réformes structurelles nécessaires. » Ces réformes, a-t-il assuré, peuvent être difficiles à mettre en œuvre, mais il revient aux dirigeants africains de « faire preuve d’engagement pour en expliquer le bien-fondé aux populations. » D’après lui, les populations africaines devraient davantage s’approprier le concept d’émergence, car elles doivent être le moteur de cette émergence. Le changement de comportement doit être le moteur du développement économique, a-t-il insisté.
Pour sa part, le président sénégalais, Macky Sall, a estimé que l’émergence, ce n’est pas seulement des projets d’infrastructures à exécuter mais aussi et surtout des habitudes à changer. « Ces changements sont ceux qui suscitent le plus de réticence et de résistance au sein des populations, freinant du coup le développement ». Pour ce faire, il a appelé à « un changement de la gouvernance économique afin d’offrir plus de souplesse aux États africains dans la quête de financements pour les projets de développement. » Macky Sall souhaite « un assouplissement des conditions de financement des projets de développement mais tout en respectant les règles de bonne gouvernance ». Lui qui a initié dans son pays le « Plan Sénégal Emergent en 2035 », est convaincu que « la marche vers l’émergence requiert non seulement une bonne cadence mais aussi la persévérance dans l’effort ». Le président sénégalais a donc appelé à prendre en charge les besoins urgents, notamment relatifs à la prise en compte des populations les plus défavorisées et le désenclavement des zones rurales.
« C’est là une des conditions pour consolider les bases d’un développement », pense-t-il.
Quant au président guinéen, Alpha Condé, l’accent doit être mis sur l’emploi des jeunes. Le président en exercice de l’Union africaine a déploré « l’exode des milliers de jeunes africains vers l’Europe par manque d’opportunités sur le continent ». Comme quoi, « les défis majeurs auxquels fait face l’Afrique sont la transformation de l’économie et de la société africaine ainsi que la nécessité d’accroître les investissements pour plus de croissance ».
S’adapter au nouveau contexte
L’administrateur du PNUD, Helen Clark, a pris acte du message des dirigeants africains. Pour elle, le nombre impressionnant de participants venus des pays d’Afrique et du monde entier souligne l’importance de l’émergence de l’Afrique. Depuis la 1ère édition de la CIEA, le contexte international a changé, a tenu à rappeler Helen Clark. La communauté internationale a convenu d’un Programme de développement durable à l’horizon 2030 ambitieux et universel et des Objectifs de développement durable (ODD) qui lui sont associés. Les ODD aspirent à éradiquer la pauvreté et la faim, à lutter contre les inégalités et la discrimination, et à s’attaquer au changement climatique. Ils reconnaissent également l’importance de construire des sociétés pacifiques et ouvertes à tous pour la réalisation d’un développement durable. « L’émergence de l’Afrique contribuera grandement à la réalisation du Programme 2030 et de l’Agenda 2063, qui traduit l’approche visionnaire de l’Union africaine », a-t-elle souligné. Et d’ajouter : « L’émergence devrait non seulement accroître le PIB par habitant, mais promouvoir aussi le développement humain au sens le plus large. » Ce constat est également celui de l’important programme des « Cinq grandes priorités » de la BAD, qui met l’accent sur l’amélioration de la qualité de vie des populations africaines.
La Déclaration d’Abidjan de 2015 adoptée à l’issue de la première Conférence internationale sur l’émergence de l’Afrique a reconnu les potentialités de l’émergence à l’échelle du continent et fait état des progrès déjà réalisés dans ce domaine. Elle a également préconisé des recommandations sur la façon d’accélérer les progrès à cet égard. La deuxième conférence aura été une belle occasion de faire le point sur ce qui a été réalisé depuis, sur le plan de l’émergence en Afrique, et de partager les expériences qui y sont liées, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la région. Cela permet également de réfléchir à la façon dont l’émergence pourrait contribuer au succès des programmes de développement.