UNE RÉCENTE étude de « Nature Climate Change » avance que si l’adoption de la cryptomonnaie se faisait au même rythme que d’autres technologies, le seul minage de ces jetons virtuels pourrait conduire à un réchauffement climatique de l’ordre de 2°C sous trois décennies. Des allégations corrélées par un rapport relayé aujourd’hui par Nature.com, constatant que le minage de cryptomonnaies était plus énergivore que l’extraction de cuivre, d’or et de platine.
Miner 1USD de Bitcoin = 4,72 KWh
Pour leur étude comparée, les chercheurs Max J. Krause et Thabet Tolaymat de l’Institut pour la Science et l’Éducation d’Oak Ridge, Cincinnati, Ohio, se sont lancés dans une drôle d’expérience. Souvent assimilé comme le « nouvel or », le Bitcoin se voit ici mis à l’épreuve des métaux sonnants et trébuchants. Les chercheurs ont ainsi calculé l’énergie nécessaire à la production d’un dollar en se basant sur le cours des cryptomonnaies les plus en vogue (Bitcoin, Ethereum, Litecoin et Monero), et sur celui de l’aluminium, du cuivre, de l’or et du platine.
Il ressort de leur étude qu’un dollar de Bitcoin (soit environ 0,00016 BTC) demande environ 17 mégajoules d’énergie, soit 4,72 KWh. Un montant atteint avec 7 MJ en Ethereum et en Litecoin, et en 14 MJ pour le Monero. En parallèle, miner un dollar de cuivre ne demande que 4 MJ, 5 MJ pour de l’or et 7 MJ pour le platine. Seul le minage d’aluminium explose le compteur avec pas moins de 122 MJ nécessaires à la conversion d’un dollar.
Pour obtenir ces résultats, Krause et Tolaymat se sont basés sur des données accumulées entre le 1 janvier 2016 et le 30 juin 2018. Deux années et demie pendant lesquelles ils ont pu assister à la grande volatilité de ces valeurs refuges d’un nouveau genre. Les chercheurs avancent en outre un chiffre effarant : les quatre cryptomonnaies citées plus haut sont responsables du rejet de 3 à 15 millions de tonnes de CO2 sur la période observée. L’équivalent d’au moins 1 492 537 de vols Paris-Los Angeles.
Les transactions en Bitcoin reposent sur la blockchain, et plus particulièrement sur l’algorithme dit de Proof-of-Work. C’est-à-dire que chaque transaction doit être « validée » par les maillons de la chaîne pour parvenir d’un point A à un point B. Un travail effectué par les fameux mineurs qui, en mettant à profit la puissance de calcul de leur ordinateur, permettent aux transactions de s’effectuer.
Seulement le principe même de la blockchain fait qu’elle s’allonge à mesure que la monnaie qui la mobilise (ici par exemple : le Bitcoin) est populaire. Plus nombreux sont les détenteurs de Bitcoins, plus nombreux doivent être les mineurs qui valident les blocs, et donc plus énorme est la consommation électrique y étant dédiée.
À ce sujet, les estimations sont aussi nombreuses et variées que l’est le cours des différentes cryptomonnaies. Krause et Tolaymat se font le relais de différentes sources avançant des chiffres allant du simple au double. Ainsi en 2017, le réseau Bitcoin aurait consommé environ 44 TWh en 2017, soit l’équivalent de la consommation électrique de Hong Kong.
Une autre étude avance le chiffre de 22 TWh pour la même année, soit la consommation d’un pays comme l’Irlande. Des estimations bien plus mesurées existent, et positionnent la consommation énergétique du Bitcoin au niveau de celle annuelle du Yémen (5,2 TWh). Décentralisée par nature, il est extrêmement difficile de quantifier avec exactitude la consommation électrique demandée par la blockchain du Bitcoin, ce qui explique les énormes disparités entre les études citées.
Bouleverser le climat
Une autre étude, toujours relayée par Nature.com, dresse un constat encore plus alarmant.
Dépendant du degré d’adhésion de l’humanité à la technologie de la blockchain et, plus particulièrement au Bitcoin, la consommation énergétique en découlant pourrait grimper de manière exponentielle. En résulterait une hausse du mercure de l’ordre de 2°C d’ici, au plus tard, 22 ans.
Plus précisément, si l’appropriation du Bitcoin était aussi rapide que celle de la carte bancaire, l’augmentation fulgurante du nombre de transactions causerait un réchauffement climatique de 2°C entre 11 et 16 ans seulement. Car si les transactions en cryptomonnaies demandent déjà une quantité astronomique d’énergie, elles ne représentent qu’une partie infime de la masse de transactions dématérialisées ayant lieu chaque seconde. Selon la même étude, près de 315 milliards de transactions bancaires sont effectuées tous les ans dans le monde. Celles en Bitcoin n’en représentaient que 0,033 % en 2017.
Prenons ainsi l’exemple de la consommation énergétique du système Visa. D’après les informations de Hackernoon relayées par Cryptoast, Visa consommerait environ 100 TWh par an dans le monde. Un nombre incroyablement plus élevé que celui du système Bitcoin, à ceci près que l’échelle de valeur est loin d’être identique. Là où Visa a enregistré près de 141 milliards de transactions dans l’année, Bitcoin n’en a supporté que 300 millions. Le rapport d’efficience est donc infiniment plus faible pour la cryptomonnaie, qui consomme jusqu’à 400 000 fois plus d’électricité que Visa pour mener à bien une seule transaction.
Pour autant, le minage de Bitcoins n’est pas une fin en soi. En effet parmi les critiques de cette théorie de l’effondrement causé par les cryptomonnaies, on trouve les militants du Lightning Network, qui aurait pour fonction de faciliter grandement les validations de transactions dans la chaîne de blocs. Très grossièrement, cette technologie permettrait de créer des passerelles au sein de la blockchain afin d’acheminer plus rapidement les cryptomonnaies entre portefeuilles ; ce qui consommerait par conséquent beaucoup moins d’énergie.
Seulement l’adoption de ce genre de système sera forcément parcellaire, au sens où il créerait de facto une sorte de centralisation entre les portefeuilles qui serviraient de hub aux transactions. De plus, le Lightning Network rendrait obsolète le minage, ce qui risque de ne pas beaucoup plaire à celles et ceux ayant investi massivement dans des ASICs pour accroître leur rendement.