FÉLIX Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, s’est prononcé en faveur de la levée du paradoxe de l’électricité en République démocratique du Congo lors de son intervention au premier forum national sur l’énergie électrique, dont les assises ont eu lieu du 20 au 22 août à Matadi, le chef-lieu de la province du Kongo-Central. Pour le chef de l’État, « nous avons une responsabilité historique ». Il est vraiment inadmissible que le pays qui se trouve dans le top 5 des pays au potentiel électrique élevé au monde, soit au dernier rang en matière d’accès à l’électricité. Actuellement, le taux d’électrification en RDC est très faible, environ 8 % dont 1 % en milieu rural pour une population estimée à 80 millions d’habitants, alors que la moyenne sur le continent africain est de 42 %, selon les chiffres de la Banque mondiale.
Qui souligne que si l’électrification se poursuit au rythme de ces 10 dernières années, 80 % de la population vivra encore et toujours sans accès au réseau électrique d’ici 2030. Pourtant, le pays dispose d’un potentiel énergétique exploitable de 100 000 MW, avec une capacité installée de 2 500 MW et une production disponible de 1 000 MW. De l’avis du président de la République, voire des experts, la faible électrification freine non seulement le processus d’industrialisation du pays, mais également elle affecte l’environnement, car 90 % de l’énergie consommée dans le pays provient de la biomasse.
Le forum de Matadi sur l’électricité a réuni des acteurs étatiques du secteur électrique, mais également des partenaires de la RDC, notamment la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD), l’Union européenne (UE), des organismes internationaux ainsi que les membres de la société civile congolaise. Le forum va se pencher sur « la gestion et l’impact de l’électricité sur l’industrie et le développement durable en RDC ». Il s’est agi de matérialiser la vision et la volonté politique du président de la République sur l’électrification de la RDC.
Partenariat public-privé
À la présidence de la République, on rassure que Félix Antoine Tshisekedi tient à l’augmentation de la production et la sécurisation de la distribution de l’énergie électrique à travers un accroissement adéquat des investissements. Tout comme à l’émergence de nouveaux producteurs privés grâce à de meilleurs contrats de partenariat public-privé ainsi qu’à un suivi adéquat des activités de régulation assurées par l’autorité de régulation du secteur de l’électricité.
On indique également que ce forum devait offrir un cadre de mise en œuvre des mécanismes d’utilisation rationnelle de l’énergie disponible avec des équipements économes, de sensibilisation des usagers à de pertes et au gaspillage ainsi que de promotion et de vulgarisation des énergies renouvelables (le solaire, l’éolien, la petite hydraulique, etc.). Les discussions devaient porter sur le potentiel énergétique (énergies renouvelables et non renouvelables), l’état des lieux du secteur de l’électricité, les sites énergétiques et leur dispersion géographique, l’état des lieux de l’exploitation et de la gestion de l’énergie électrique… Depuis juin 2014, le secteur de l’électricité est libéralisé en RDC. Mais l’ouverture aux privés a du mal à se concrétiser. La loi de 2014 permet désormais la production de l’électricité par des entités privées, afin de faire face au déficit énergétique en cours dans le pays et qui entrave principalement son secteur minier. En effet, la demande d’énergie électrique par l’industrie minière concentrée dans le Grand Katanga est estimée à plus de 1 400 MW pour une production électrique nationale de 751 MW.
Des pesanteurs continuent d’attirer vers le bas la mise en application de cette loi. Les membres de l’Autorité de régulation de l’électricité (ARE), instituée pour réguler le secteur avec la venue de nouveaux opérateurs ne sont pas toujours désignés. En attendant, le déficit énergétique pourrait entraîner un manque à gagner de près de 20 milliards de dollars, d’ici à 2025, pour le secteur minier. En 2017, la SNEL et les minings sont tombés d’accord pour importer le courant sud-africain. Eskom a présenté un surplus de 1 000 MW. Malheureusement, les contraintes de transfert, notamment le transit par le Zimbabwe et la Zambie, ne permettent pas que tout cet excédent arrive au Katanga. Seulement 200 MW peuvent, pour le moment, traverser ces deux pays et arriver au Katanga. Voilà deux ans, déjà, que le dossier est en mode veille. Jean Bosco Kayombo qui avait négocié, pour le compte de la Chambre de mines de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), aux côtés des experts de la SNEL, avec les Sud-Africains, est aujourd’hui le directeur général de la Société nationale d’électricité (SNEL). Ancien de la SNEL, il était, à l’époque des négociations avec Eskom, en charge de la gestion de l’énergie électrique dans l’entreprise minière MMG. Il avait confié à « Business et Finances » que la SNEL n’est plus en mesure de fournir l’électricité en quantité suffisante, et que, par conséquent, les sociétés minières sont astreintes à se tourner vers des sources alternatives. Certains miniers se sont donc équipés en groupes diesel, d’autres ont choisi carrément d’importer de l’énergie des pays voisins. Jean Bosco Kayombo pensait à l’époque de notre entretien que la solution d’importer de l’énergie électrique pouvait être une « bonne chose », à condition que le prix fixé par le vendeur soit « acceptable ». En effet, un réseau dédié pour atteindre le client a pour handicap le tarif qui est du reste un aspect technique. Vincent Noël Vika di Panzu, le directeur général de Katen, et ancien directeur général de la SNEL, fait remarquer que le tarif reste « l’élément essentiel ». Il faut un tarif rémunérateur pour être rentable et pour attirer les investisseurs. Par ailleurs, laisse-t-il entendre, l’importation devient une « mauvaise chose » dans le long terme.
Comment alors faire face au déficit croissant au Katanga ? Les miniers ne sont pas maîtres de leur destin en matière de prix du cuivre et du cobalt sur les marchés internationaux des matières premières. Les cours des métaux obéissent donc à la loi de l’offre et de la demande. Si l’électricité coûte cher, les miniers ne pourront pas vendre de manière concurrentielle sur ces marchés.
La SNEL prévoit quatre grands projets dans la seconde phase de son plan d’action. Il est prévu d’abord la construction de la centrale hydroélectrique de Luapula (800 MW à répartir à parts égales entre la RDC et la Zambie). Jusque-là, la SNEL est à la recherche du financement après la signature des protocoles d’accord intergouvernementaux et inter-sociétés (SNEL et ZESCO). Les études sont déjà réalisées.