La capitale congolaise a découvert le travail de la photographe espagnole Isabel Muñoz au travers d’une exposition dédiée aux femmes victimes des violences sexuelles.
C’est à l’Institut français de Kinshasa – Halle de la Gombe, que l’exposition « Mujeresdel Congo el camino a la esperanza » (Femmes du Congo, la route vers l’espérance) a été présentée pour la première fois. Selon Francisco Javier Herguela, ambassadeur d’Espagne « cette exposition se veut un hommage aux femmes congolaises à travers Caddy Adzuba, prix Prince des Asturies de la Concorde pour son activité en faveur des femmes victimes des violences sexuelles dans l’Est de la République démocratique du Congo. »Ce projet qui s’est concrétisé est le fruit d’une rencontre fortuite, à Kinshasa, entre ces deux femmes remarquables : la photographe espagnole, d’une part, et de l’autre la reporter de Radio Okapi, dont le travail exceptionnel a permis à plusieurs femmes violées de se reconstruire à travers des projets de microcrédits financés par son ONG, Alliance des femmes pour le développement et la promotion humaine.
En noir et blanc, les photographies offrent une vision positive et pleine d’espoir, démontrant comment, avec un peu d’effort et de persévérance, il est possible de passer d’une réalité très négative à une autre positive. « Nous avons intitulé cette exposition «De la peine au pouvoir », s’est exprimée Caddy Adzuba en porte-parole de toutes les femmes. Pourquoi ? « Tout simplement parce que nous voulons montrer que le viol n’est pas une fatalité : en tant que femmes violées, nous avons encore de la dignité. L’espoir est possible. Nous sommes capables de diriger ce pays », a-t-elle expliqué.
Chaque visage a une histoire
Le sens que prend l’exposition aujourd’hui démontre que « le viol ne nous a pas volé notre âme même s’il nous a laissé des blessures.» D’ailleurs, conclut-elle, en indiquant que le sourire n’est pas qu’un acte banal, « les femmes qui ont été abusées ne veulent plus être considérées comme victimes mais comme actrices du développement ».
« L’exposition porte essentiellement sur les portraits des femmes. Chaque visage a une histoire qui raconte l’histoire de beaucoup d’autres qui ont vécu la même chose », indique Isabel Muñoz.
D’un côté se trouvent des portraits de femmes qui traduisent la réussite. Ils représentent des femmes journalistes activistes qui militent pour la cause des victimes et dénoncent au quotidien les forfaits commis par leurs bourreaux. Une vidéo produite par la documentariste OsvaldeLewat rend compte du témoignage de quelques victimes. De l’autre côté, on perçoit les images des femmes rurales qui portent sur leur tête les produits destinés au marché. Ces femmes ont pu s’en sortir et se reconstruire à travers le programme de microcrédit, explique la photographe.
Violées puis abandonnées dans la brousse
À l’entrée de la grande salle d’exposition se trouvent les photos de trois petites filles représentant de nombreuses fillettes qui ont été accusées de sorcellerie et abandonnées. Sur les deux murs latéraux sont placardées les images des petites filles de Kavumu, une cité de Kabare située à 25 km de Bukavu. La légende explique leur vécu : « Depuis 2014, un phénomène nouveau touche la population de cette partie de la province du Sud-Kivu : les violences sur les jeunes filles dont l’âge varie entre 0 et 10 ans. Ces enfants sont enlevées de nuit de leurs maisons, violées puis abandonnées dans les champs ou dans la brousse par des personnes non identifiées. Les enfants victimes souffrent de plusieurs traumatismes… Jusque-là, aucune solution n’a été trouvée car les criminels restent inconnus. »
La problématique du viol et des violences sexuelles demeure épineuse en RDC. On aurait souhaité entendre la conseillère spéciale du chef de l’État en matière de lutte contre les violences sexuelles à d’ouverture de la cérémonie. Mais Jeannine MabundaLiokos’est présentée à la clôture, avant de repartir sur la pointe des pieds.
Il n’empêche que l’exposition a été rendue possible grâce au concours de l’ambassade d’Espagne, de la délégation de l’Union européenne, du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNDH), de la Fondation Hirondelle et de l’Institut français de Kinshasa. Elle reste à la Halle de la Gombe jusqu’au 4 juillet. Elle ira ensuite à Goma, Bukavu et Madrid.