Financer oui, mais pour quel résultat ?

Dans l’opinion, on a pensé que financer les partis politiques leur permettrait d’avoir un meilleur comportement dans la vie politique du pays. Si les politiciens se nourrissent déjà aux mamelles du Trésor public, pourquoi financer alors les partis politiques avec l’argent de l’État ?

FINANCER les partis politiques pour leur fonctionnement ne servira à rien. Tant que les politiciens ne changeront pas leur comportement vis-à-vis de l’État. En réalité, peu d’entre eux pensent à la modernisation de la vie politique congolaise. D’aucuns expliquent ce comportement par la prégnance de la corruption dans les milieux politiques pour parvenir à ses fins. Les opposants, malgré leurs tenaces ambitions, finissent par décevoir leurs supporters. 

Le fonctionnement des partis politiques en République démocratique du Congo est anecdotique, voire démagogique, selon certains. La modernisation de la vie politique paraît à ce point un vœu pieux, sinon, une vision populiste. 

Problématique

Dans sa « 8è Tribune » intitulée : « RDC, un royaume d’aveugles conduit par des borgnes », publiée le 21 septembre 2015 (Editions L’Harmattan, Paris 2016), Adolphe Muzito Fumunsi, ancien 1ER Minsitre, « relève la faiblesse des partis politiques dont il était difficile de témoigner de leur existence réelle du point de vue de leur taille électorale, de leur légitimité, de leur ancrage dans le peuple ». 

Il écrit en introduction : « Dans les démocraties modernes, le succès des États et des économies, dans leur processus de construction et de développement, est fonction de la force et de la solidité historique et idéologique des partis politiques qui les conduisent et s’alternent à la tête des pays. »,Adolphe Muzito plaide en faveur des révisions de textes légaux en vue d’aboutir, entre autres, à « la matérialisation des financements des partis ou des regroupements politiques à des conditions strictes, de manière à les épargner de la précarité et de leur subordination vis-à-vis de leurs cadres ou mandataires au pouvoir ». Qui généralement les soumettent à « leurs intérêts conjoncturels ».

Par ailleurs, estime Muzito, la loi électorale a érigé « une discrimination fondée sur l’argent », alors que le pouvoir d’achat des Congolais ne fait que se dégrader au jour le jour. « Nous sommes donc en face d’un scrutin censitaire, sans en contrepartie appliquer la loi relative au financement public des partis politiques », déclare-t-il. 

Pour preuve, le total des montants de la caution, soit 4 227 180 dollars est énorme et n’est à la portée d’aucun parti politique congolais par ses propres finances. À ce « montant exorbitant » s’ajoutent des frais de campagne (voyages, meetings, rassemblements et rencontres) qu’il faut évaluer, selon lui, à plus ou moins 5 000 dollars par candidat. 

Pour moderniser la vie politique, Muzito appelle les dirigeants des partis politiques à les doter « des identités politiques, idéologiques ainsi que des projets de société et des programmes sur lesquels ils devront communiquer en direction du peuple en général et de leurs militants et sympathisants en particulier » et à « signer des alliances sur base des principes, des valeurs portées par des programmes gouvernementaux ou électoraux, d’idéologies et non pas sur base de l’appétit du pouvoir ». 

Il pense qu’il faut « tordre le coup au concept d’autorité morale qui n’est pas de nature à garantir les principes de responsabilité et le devoir de recevabilité ».

Conclusion : « le financement des élections et du fonctionnement des partis politiques en RDC serait un gain à la vie politique du pays.

Ce financement répond aux exigences de la constitution qui voudrait donner l’égalité de chance à tous les partis, y compris ceux au pouvoir afin que ces derniers ne soient pas les seuls à disposer des moyens financiers pour leur fonctionnement ».

Mettre fin au débauchage

Comme Muzito, d’aucuns pensent que le financement public des partis politiques va mettre fin au « débauchage tant décrié de la part de ceux qui gèrent les deniers publics pour déstabiliser ceux de l’opposition dépourvus de ressources ». Et il donnerait aux partis politiques « le pouvoir d’affirmer leur autorité face aux mandataires et aux membres de l’Exécutif et d’assumer leur rôle dirigeant ». 

Pourquoi la loi n° 08/005 du 10 juin 2008 n’est pas appliquée ?  Pourquoi l’État doit-il financer les partis politiques ? Quelle est la conséquence du retard survenu dans l’application de cette loi ? Quel est le préjudice subi par les partis politiques et comment compte-t-on le réparer ? Autant de questions qui restent pendantes.