Trois maux caractérisent la perception des impôts, taxes et redevances en République démocratique du Congo : complexité, contrariété et petits intérêts personnels au détriment de l’État. Le forum national sur la réforme du système fiscal en RDC (FONAREF), organisé à Kinshasa, du 11 au 14 septembre 2017, par le ministère des Finances a tenté de résoudre cette équation à trois inconnues en proposant des pistes de solution. Il faudra une bonne dose de volonté politique pour y parvenir. C’est l’avis unanime des 450 participants à l’issue de ces assises dont les débats avaient été dépouillés de toute langue de bois.
La volonté, tout court, suffit pour réformer, car, dit-on, qui veut peut. Pour cela, il faut oser pour réformer et commencer quelque part, avait confié un participant au sortir du FONAREF. Un des invités de marque du forum, le sous-directeur des douanes et accises de la Côte d’Ivoire, N’Da Tigori, a eu les mots justes, en soulignant que la réforme a un coût. « C’est le coût du changement, c’est-à-dire le changement de culture et de mentalité ». Selon lui, la réforme est avant tout « un processus qui ne doit plus s’arrêter quand il est déclenché ». Aux Congolais, donc, de transformer les faiblesses de leur système fiscal qui ont été méthodiquement identifiées en goals ou objectifs à atteindre, a-t-il insisté.
Le ministre des Finances, Henri yav Mulang, affiche l’optimisme. Il avait rassuré les participants au FONAREF qu’il n’y aura « ni reculade ni remise en question du processus » parce que le président de la République, Joseph Kabila Kabange, lui-même, a été le premier à percevoir « la nécessité et l’urgence de doter le pays d’un nouveau système fiscal ». C’est dire que la volonté politique est non seulement affichée mais aussi affirmée au sommet de l’État. À charge donc du gouvernement de faire avancer le processus en faisant voter une nouvelle législation, illico presto, afin qu’elle contribue à la croissance économique et au développement de la RDC. C’est dans cette perspective que le ministre des Finances avait solennellement annoncé « la mise en place d’un cadre permanent de concertation », constitué de délégués du gouvernement, des administrations fiscales et des partenaires sociaux, en vue de faire le suivi des recommandations sorties du forum et émettre des avis au gouvernement. Dans tous les cas, le succès de la réforme est fonction de l’engagement de chacun à assumer sa part de responsabilité, souligne le ministre des Finances.
Quel système fiscal pour le développement ?
L’objectif du FONAREF a été de jeter les bases de la fiscalité de la manière la plus adaptée au contexte congolais. D’autant plus que, comme l’a rappelé le ministre des Finances, « la fiscalité a toujours constitué une préoccupation, tant pour les assujettis et pour les contribuables qui la trouvent complexe, lourde et tracassière que pour l’État et ses services qui se plaignent de son faible rendement ». Il a fallu, pour cela que le président de la République, Joseph Kabila Kabange, tire lui-même la sonnette d’alarme dans son discours sur l’état de la nation, le 5 avril, devant les deux chambres du Parlement réunies en congrès. Et, par conséquent, à charge du gouvernement de « revoir de fond en comble le système fiscal de notre pays, devenu aujourd’hui un véritable frein à son développement économique ».
Ce constat sans appel du président de la République est du reste corroboré par les conclusions de nombreuses études menées par des organisations et étayé par les plaintes et doléances des milieux d’affaires. Pour Henri Yav Mulang, la tenue de ce forum s’inscrit dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires. En effet, les problèmes de fiscalité sont souvent vus comme « un des obstacles majeurs à l’amélioration de l’environnement des affaires ». Loin d’être « un séminaire de trop sur le poids et les incohérences de notre système fiscal », le FONAREF, on l’espère, aura été en revanche « le début d’un processus vers la réforme en profondeur » du système en question.
Dans une approche privilégiant le dialogue et la participation, le ministère des Finances a ratissé large, en associant à la démarche le gouvernement, les administrations fiscales (DGI, DGRAD, DGDA), les opérateurs économiques (FEC, COPEMECO, FENAPEC), la société civile et les partenaires au développement (KOICA, ESSOR/DFID, Banque mondiale, FMI, BAD, UE, SADC, COMESA…). Appelé à baliser le chemin de la réforme, le forum a offert « un cadre et un lieu d’échanges entre partenaires sur le vécu fiscal congolais » comparé aux expériences de certains pays.