« La vie ce n’est pas seulement travailler dans les régies financières ou les entreprises minières »
Le 9 juin, l’Agence pour l’assurance du commerce en Afrique (ACA) a rencontré la presse et les milieux bancaires à Kinshasa. Business et Finances s’est entretenu avec le représentant de la RDC dans cette structure.
Business et Finances : Qu’est-ce que l’ACA et quelle est son utilité ?
Gerome Kamwanga Masankisi : L’Agence pour l’assurance du commerce en Afrique est une société d’assurance multilatérale. Elle est notée A (avec perspective stable) par Standard and Poor’s, ce qui rend ses transactions « solvables » ; elle est la deuxième entreprise la mieux notée en Afrique après la Banque africaine de développement. Elle a été créée pour aider les États africains membres à attirer les investissements et à faciliter le commerce. Elle y parvient en éliminant les risques de crédit et les risques politiques, perçus et réels, liés à de nombreuses transactions. Les risques couverts comprennent l’expropriation, le défaut de paiement par les gouvernements ainsi que les compagnies publiques et privées, le non-respect des obligations souveraines et non souveraines, la violence politique (y compris le terrorisme et le sabotage), l’inconvertibilité des devises, les embargos.
Concrètement, qu’est-ce qui est proposé ?
Concrètement, les produits de l’ACA sont l’assurance des risques politiques (investissements de capitaux, prêts et garanties par des banques internationales, marchandises en transit, non-règlement des dettes et obligations souveraines et non-souveraines, violence politique, terrorisme et sabotage, réassurance des organismes de crédit à l’exportation et autres assureurs du risque politique) ; assurance du risque commercial (assurance des entreprises contre les risques de défaut de paiement du débiteur unique, assurance-crédit du chiffre d’affaires total, assurance des banques offrant des prêts et des garanties à des clients, escompte de factures et affacturages) ; assurance du risque de performance (cautions : garanties de soumission, de bonne exécution, de restitution d’avances, cautions en douanes, en entrepôt). Parmi ses actionnaires on compte quelques États africains dont la RDC, la Banque africaine de développement, la Société d’assurances italienne SACE, la Société d’assurances Atradius. La Banque mondiale joue le rôle de supervision dans cette société. L’ACA a une capacité de couverture des risques pouvant aller jusqu’à 1,2 milliard de dollars pour ce qui concerne la RDC.
Comment expliquer le fait que cette agence ne soit pas connue en RDC ?
L’ACA est bien connue en RDC car toutes les banques et les fédérations d’entrepreneurs ont été sensibilisées à travers plusieurs missions que ses cadres ont effectuées chaque année ici. L’ACA a plusieurs clients en RDC et opère dans différents domaines : transport, mines, construction, commerce général.
Les entrepreneurs congolais peuvent-ils attendre quelque chose de l’ACA ?
Ils doivent comprendre qu’il y a une société d’assurances pour les écouter et les aider à mieux travailler. Concrètement, un entrepreneur qui a un business plan et qui ne sait pas comment le financer peut s’adresser à l’ACA et lui laisser le soin de l’étudier. Si le business plan satisfait aux critères, l’ACA peut donner son avis positif pour couvrir le risque. L’entrepreneur peut alors se présenter chez son banquier avec l’assurance de l’ACA. L’agence peut aussi structurer le financement. Ici, nous parlons même du financement des petites et moyennes entreprises débutantes.
Pourquoi, selon vous, les banques locales ne prêtent-elles pas facilement aux entrepreneurs congolais ? Y a-t-il discrimination ?
La question est un peu difficile car, s’il y a discrimination, il faut pouvoir le démontrer. Seulement, je sais que le mot prêt signifie aussi crédit. Le dictionnaire est clair : crédit veut dire confiance. Si un Congolais se bâtit un crédit auprès d’une banque, je ne vois pas pourquoi la banque va refuser de lui accorder un prêt. Un Congolais qui a du crédit vis-à-vis d’une banque peut se porter garant pour un autre compatriote. Par contre, s’il fait un semblant de crédit pendant un certain moment et qu’il disparaît ensuite avec l’argent de la banque, il va susciter la méfiance de celle-ci.
Vous vous êtes demandé publiquement s’il existait des « entrepreneurs » congolais. N’est-ce pas excessif de votre part ?
Je voyage à travers le monde et je suis impressionné par les entrepreneurs d’autres pays (Kenya, Afrique du Sud, Nigeria, Côte d’Ivoire, Mozambique, …). Je les rencontre dans les salons d’innovation. Je vois leurs business plans. Il est temps que le Congolais comprenne que la vie ce n’est pas seulement travailler comme agent des régies financières ou employé des compagnies minières. Ce n’est pas non plus être fournisseur de papier aux gouvernements central et locaux. Il faut fournir des services et produits de consommation de masse. Même dans les institutions financières multilatérales, je vois difficilement des business plans de Congolais. Pourtant les opportunités existent.
Prenons un exemple : à l’initiative du chef de l’État, le gouvernement a produit des opportunités d’affaires de plus de 12 milliards de dollars (dont les parcs agro-industriels) avec différents modes de financement dont le Partenariat public-privé. C’est aux économistes, ingénieurs, chimistes, agronomes, médecins de chercher à faire des joint-ventures et non seulement à toucher des commissions.
La RDC est membre de plusieurs institutions financières multilatérales qui peuvent financer directement ou indirectement les banques locales, ou même en synergie avec les banques locales. L’OPEC est en train d’être redéfinie pour assister les entrepreneurs en faisant de l’incubation et de l’accélérateur.
Quelle est votre interprétation de la décision de la Banque centrale de permettre aux banques commerciales de réduire jusqu’à 50% le capital qu’elles doivent allouer aux transactions si elles sont assurées par l’ACA ?
Voilà encore, une fois de plus, ce que le gouvernement fait en faveur des entrepreneurs. Il n’y a pas longtemps que la BCC a signé avec la Société financière internationale (SFI) un accord SWAP pour faciliter des prêts aux entrepreneurs. Maintenant c’est le tour du partenariat avec l’ACA. Il s’agit tout simplement d’augmenter la puissance d’intervention des banques locales en ce qui concerne le financement. Dans la plupart des pays africains, les banques centrales exigent des banques commerciales qu’elles allouent un montant de capital minimum proportionnellement à leurs actifs – essentiellement des prêts et des découverts -, corrigés en fonction de la qualité du risque. Cette règle protège les banques contre le risque de défaillance de la part de leurs clients. Ce ratio minimum du capital réservé par rapport aux actifs peut être de 12% et plus sur certains marchés. Sur des marchés développés, les banques centrales peuvent réduire ce ratio pour des actifs qui sont protégés par des sociétés d’assurance-crédit ayant une très bonne notation. Ceci libère le capital de la banque et permet à celle-ci de prêter plus.