LA DÉCISION de la Banque centrale du Congo (BCC) est sans appel. En tout cas, Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, le Gouv’ de la Banque centrale, trouve « vraiment dérisoire » le minimum de 10 millions de dollars de réserves obligatoires exigé aux banques commerciales pour un grand pays comme la République démocratique du Congo, au moment où des pays africains sont déjà au-delà de 100 millions de dollars.
En début d’année, il déclarait que la recapitalisation à hauteur de 30 millions de dollars, à partir de janvier 2019, n’était pas vraiment une fin en soi. Au contraire, se défend-il, la Banque centrale vise la « consolidation de la solidité, la solvabilité et surtout l’octroi des crédits au financement de l’ensemble de l’économie ». Justement, à propos du crédit, les banques ne peuvent qu’y affecter 25 % de leurs fonds propres, soit 2.5 millions de dollars sur 10 millions du capital. « Dérisoire ! », selon Deogratias Mutombo.
Mesures de stabilisation
Il rappelle qu’avec la forte dépréciation monétaire en 2016 et 2017, le provisionnement de la dépréciation des fonds propres a été un élément important. En effet, la Banque centrale a maintenu inchangé le taux de profitabilité. En fait, explique-t-il, la politique monétaire a permis de réguler la liquidité bancaire en fonction de facteurs autonomes de l’année et de manipuler les facteurs institutionnels à bon escient. La réserve obligatoire et les Bons de la BCC ont par ailleurs favorisé le fonctionnement normal en 2018.
Grâce à la politique des changes visant la quantification des réserves internationales, la BCC s’est positionnée en acheteur net de devises. Ainsi, les réserves ont atteint 913 millions de dollars, fin 2018, venant de 844 millions, fin 2017, après avoir atteint le pic de 1.2 milliard, fin juin 2018. Quand on sait que ces réserves ont chuté, à un moment donné, à 660 millions de dollars.
L’année 2018 s’est clôturée sur la parité de 1 635 francs pour 1 dollar, venant de 1 592 francs, fin 2017, sur le marché officiel. Tandis que sur le marché parallèle, la parité a été de 1 615 francs pour 1 dollar venant de 1 675 francs. Actuellement, on observe pratiquement une légère stabilité sur le marché officiel et en même temps sur le marché parallèle.
La politique budgétaire a été plus ou moins restrictive en 2018. Ajustement budgétaire oblige. Elle a été accompagnée par une politique monétaire prudente dans le cadre de la mise en œuvre des mesures de stabilisation et d’amélioration de la mobilisation de ressources intérieures. Cet effort du gouvernement a permis d’éviter la monétisation du déficit public non autorisé dans les proportions ne dépassant les 5 %, voire 3 % du Produit intérieur brut (PIB).
L’une des causes essentielles de la fragilité de la stabilité du cadre macroéconomique est sans doute la faiblesse de la mobilisation de recettes fiscales. C’est pourquoi, la BCC réitère toujours sa demande de « réformes structurelles adéquates », notamment pour lutter contre la fraude fiscale et la fuite des flux financiers illicites, deux « fléaux » qui plombent l’économie nationale. Il est donc temps que le gouvernement se dote d’une « politique fiscale efficace, capable d’aider à alimenter le budget en ressources financières nécessaires au financement des infrastructures, de la santé et de l’éducation ».
Gestion des risques
Selon le Gouv’ de la BCC, « une monnaie stable permet aux banques de bien gérer les risques ». Et « un système financier stable offre des canaux de transmission efficaces des Instructions de politique monétaire à l’économie réelle ». Pour Deogratias Mutombo, il y a encore des lacunes à combler, en ce compris que « la politique monétaire, en soi, n’est pas une stratégie de développement ». C’est tout simplement un levier !
D’où son combat pour les réformes structurelles à même de libérer le potentiel économique nécessaire à l’amélioration du bien-être de la population. Ce potentiel va permettre à la monnaie nationale d’acquérir le statut de « monnaie des pays producteurs de ce qu’ils consomment et ensuite exportateurs ». Décryptage : le pays a besoin de « politiques économiques générales visant d’abord à atténuer les risques, à consolider la stabilité macroéconomique et à rehausser les objectifs de croissance à moyen terme, dès 2019 ». La BCC recommande au gouvernement qui sera mis en place une « politique fiscale volontariste ».
Les banques ont réalisé un profit de plus de 75 millions de dollars en 2018, contre plus ou moins 30 millions en 2017 et après une perte globale en 2016. Par ailleurs, les conditions d’exploitation se sont améliorées. Cependant, il faut encore des efforts pour que les banques maîtrisent les charges des structures. L’évolution du coefficient d’exploitation montre que les banques congolaises sont encore à 73 %, un niveau très au-dessus de la norme minimale de 60 %.
Mais les banques se plaignent des pénalités qui leur sont infligées par la Banque centrale. Au contraire, la « mère des banques » dit les défendre contre les pénalités venant d’ailleurs. « La Banque centrale s’est toujours montrée inflexible par rapport au non-respect de la réglementation, surtout la réglementation du change », explique le Gouv’ de la BCC. Qui ajoute : « Nous devons travailler en collaboration. Après tout, celui qui ne fraude pas, ne pourra pas être frappé des pénalités à payer ».
Solidité financière
Le bilan des banques est passé de 5,260 milliards de dollars en 2017 à 6,9 milliards en 2018. Plus de 1,5 milliard de croissance. Le dépôt a évolué de 3,620 milliards à 4,660 milliards, soit plus de 1 milliard de croissance. Le crédit est passé de 1,995 milliard de dollars à plus de 2,882 milliards, soit près de 900 millions de croissance.
Par ailleurs, les indicateurs de solidité financière ont conforté le système bancaire l’année dernière : le ratio de solvabilité globale a dépassé 13 % en 2018, alors que la norme est à 10 %. La solvabilité nette, elle, est à plus de 11 %, alors que le seuil est à 6 %. La couverture des immobilisations par les fonds propres réglementaires a dépassé les 100 %. La liquidité est au-delà de 150 % en moyenne. Le rendement des actifs s’est amélioré, tout comme celui des fonds propres. Globalement, c’est le retour de la profitabilité qui est un résultat encourageant, selon le Gouv’ de la BCC.
Cependant, nuance-t-il, la qualité du portefeuille crédit des banques ne s’est pas beaucoup améliorée. Avec un taux de 17 %, les banques sont encore loin de la norme qui est de 30 %. En 2018, les banques ont provisionné pour près de 60 % en ce qui concerne les crédits litigieux. La BCC espère qu’avec la stabilité dans la durée, les crédits litigieux vont diminuer. C’est pourquoi, elle a institué un cadre de surveillance macro-prudentielle et un cadre opérationnel de gestion des prix. Elle a aussi adopté une approche de supervision basée sur les risques. Le cadre légal a été réaménagé à travers la promulgation de la loi sur la Banque centrale. Par exemple, avec cette loi, les avoirs des banques commerciales logés à la Banque centrale sont désormais insaisissables. Dans la foulée, la loi sur le système international de paiement a été actualisée.
Évidemment, tous ces résultats jugés positifs sont à mettre en perspective. En effet, sur le plan mondial, on observe, malheureusement, un fléchissement de l’activité économique. Des analystes prévoient une croissance de 3,5 % venant de 3,7 %. D’autres tablent sur un taux de 3 %, compte tenu de la multiplicité des facteurs de risques baissiers. La Chine a enregistré le taux le plus bas depuis trente ans, soit 6,6 % en 2018. Il pourrait descendre à 6,2 %. Et c’est déjà un facteur de risque important, étant donné que la Chine est un gros demandeur de produits miniers. Et quand la demande baisse, il faut s’en inquiéter sur le plan international.
Le taux de croissance va également chuter dans les pays avancés, pour se situer à 2 % venant de 2,3 %. Dans les pays émergents, on prévoit une croissance de 4,5 % et en Afrique, ambitieuse, une croissance de 3,5 %. Quant à la RDC, on prévoit une croissance de 5,6 % venant de 4,1 %. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que si les facteurs de risques baissiers venaient à s’intensifier, ces prévisions devraient être revues à la baisse. Par conséquent, pour s’en prémunir, la BCC travaille à la consolidation de la stabilité financière en renforçant son dispositif de contrôle et en adaptant les exigences locales prudentielles, quantitatives et qualitatives, aux accords de Bâle. Surtout en matière de fonds propres, de gouvernance et de contrôle interne.