C’EST en décembre 2019 que ce protocole de coopération bilatérale dans le domaine forestier a été signé, à l’issue d’une mission d’échanges (16-21 décembre) au Gabon dans le cadre de l’amélioration de la gouvernance forestière. Une commission mixte a été alors mise en place pour le suivi de l’application de ce Mémorandum d’entente. Il était prévu, dans un premier temps, l’organisation à Kinshasa des formations pratiques dans les différentes filières de valorisation du bois ainsi que des stages au Gabon des agents de la direction de la gestion forestière du ministère de l’Environnement et du Développement durable.
Comme on peut le constater, la République démocratique du Congo veut s’inspirer de l’expérience du Gabon, reconnu comme un « bon élève, précurseur de la gestion durable des forêts en Afrique ».
La problématique
Les principaux fondements du modèle gabonais de gouvernance forestière sont la transformation sur place à 100 % du bois produit et la valorisation avant exportation ; ainsi que le financement des exploitations à travers le partenariat public-privé multisectoriel dans l’opérationnalisation d’une zone économique spéciale. Alors, dans quelle mesure la politique forestière du Gabon peut-elle servir de modèle de durabilité pour la RDC ? Quel est l’impact réel de cette politique sur les ressources et les populations locales pour que la RDC s’en inspire ? Le Gabon est un pays pétrolier. Les autorités de ce pays ont compris qu’après le pétrole qui est une ressource épuisable, c’est la forêt qui va constituer la principale source de revenus pour l’État.
C’est ainsi que la gestion des forêts est devenue un enjeu national pour le développement du pays, mais aussi un enjeu international pour la protection de la biodiversité, le marché du bois et la lutte contre le réchauffement climatique. La gestion forestière gabonaise, héritée du modèle colonial, est la résultante de grandes mutations opérées tant sur le plan institutionnel que par la prise en compte des nouvelles réalités (dégradation de l’environnement, changements climatiques, etc.).
Par ailleurs, la venue de nouveaux acteurs a bouleversé la gouvernance forestière tant sur le plan national que sur le plan local, à travers la confrontation d’un système « bien structuré » et l’organisation traditionnelle des populations locales. Bref, la politique forestière du Gabon est perçue comme un modèle de durabilité parce qu’elle fait fondamentalement obligation d’aménagement des concessions, de création d’aires protégées, et d’industrialisation de la filière bois. « La gestion durable des forêts du Gabon passe par la redéfinition du rôle des différents acteurs, de leurs actions, mais aussi et surtout par la prise en compte des réalités historiques et culturelles des territoires, seul gage de la participation des populations », nous déclare un expert gabonais joint au téléphone.
D’après lui, la forêt du Gabon est à la quête de la durabilité : avec 22 millions d’ha, soit plus de 80 % du territoire national, c’est la plus grande superficie de forêt par habitant en Afrique (environ 21 ha/hab), un centre primordial de biodiversité en Afrique tropicale, un taux de déforestation relativement faible (0,1 %/an), 30 % à 40 % de la flore du bassin du Congo sur 10 % du territoire de la sous-région…
Des revenus pour l’État
La forêt est la deuxième source de revenu de l’État gabonais. C’est aussi le deuxième employeur au Gabon, avec 16,10 % des actifs, après la Fonction publique. La forêt au Gabon, c’est 500 millions de m3 de réserve en bois exploitable. Et le Gabon est le premier producteur mondial des grumes d’Okoumé. « Pendant la période coloniale, la forêt appartenait à l’État. Le statut de la forêt était celui des terres vacantes sans maîtres ; et étaient qualifiés de forêts, les terrains dont les fruits exclusifs ou principaux sont les bois d’ébénisterie, d’industrie ou de service, les bois de chauffage ou à charbon, ou des produits accessoires, etc. (décret du 20 mai 1946) », explique ce même expert gabonais.
Mais, poursuit-il, il y a eu évolution de la gestion forestière non sans des pesanteurs. Par exemple, le mythe de l’inépuisabilité des ressources forestières, une exploitation extravertie (tournée vers l’Occident), le système concessionnaire, la non prise en compte des systèmes de gestion traditionnelle des milieux… Pour cet expert forestier, l’organisation actuelle de la gestion forestière dans son pays « peut se justifier par l’apport d’un système hérité du colonat fondé sur l’extraction sans réel soucis d’aménagement durable ». L’exploitation était soumise à l’attribution d’un permis.
C’est en 2001 que le Gabon s’est doté d’un nouveau code forestier : obligation d’aménagement de toutes les surfaces offertes en exploitation, industrialisation de la filière bois (75 % de transformation locale en 2012), création d’aires protégées (13 parcs nationaux, 11 % du territoire), engagement dans les processus de certification forestière (FSC, FLEGT,…), prise en compte des populations locales. En 2010, interdiction d’exportation des grumes pour la création d’une industrie de transformation locale.
« En tenant compte du plan institutionnel et juridique, le modèle de gestion forestière du Gabon répond aux normes de durabilité, mais en pratique…
À travers leur processus actionnel, les ONG se substituent à l’État, modifiant ainsi l’échelle de la gouvernance. En transcendant les frontières et les systèmes de gouvernance locaux, les ONG ont le monopole de la gestion des nouveaux territoires », fait remarquer le même expert.