Grand Katende : poursuivre le projet avec ou sans les Indiens

Une mission de haut niveau sera diligentée par le ministre d’État, ministre des Ressources hydrauliques et de l’Électricité pour engager un dialogue avec la partie indienne. Le but de cette mission : évaluer la situation, c’est-à-dire la cause profonde de la rupture.

LE gouvernement envisage fermement, le cas échéant, la résiliation du partenariat avec le gouvernement indien, au cas où le dialogue souhaité n’aboutirait pas. En tout cas, l’État tient à poursuivre ce projet « vital et urgent » pour les populations avec des nouveaux investisseurs. Eustache Muhanzi Mubembe, le ministre d’État, ministre des Ressources hydrauliques et de l’Électricité, a été chargé par le gouvernement de « rassembler tous les éléments du dossier pour comprendre les causes profondes de la rupture du contrat, s’enquérir auprès de l’ambassade de la République démocratique du Congo en Inde des informations précises sur l’évolution de ce projet, et soumettre les conclusions de ces recherches au 1ER Ministre pour des orientations idoines ».

La construction de la centrale hydroélectrique Grand Katende a été attribuée à un consortium d’entreprises indiennes. Jusqu’en septembre 2016, 55 % des travaux de génie civil ont été réalisés et 70 % d’équipements ont été fabriquées et transportés en RDC. C’est à ce stade que le gouvernement indien a décidé unilatéralement de mettre fin au financement du projet, provoquant ainsi l’arrêt des travaux et l’invasion du site par la milice Kamwina Nsapu. 

Projet vital et urgent

Cependant, le chantier a été confié à LPCC pour la suite des travaux. En effet, les gouvernements congolais et indien avaient trouvé un compromis, à la suite de la visite de travail de Chandra Prakash, le ministre indien des Affaires extérieures, à Kinshasa. Il était venu rassurer les autorités de RDC de la reprise des travaux de construction par une société publique indienne. Pour rappel, c’est la firme privée indienne Angélique International qui avait gagné le marché en 2011. Le projet de construction d’une centrale hydroélectrique sur les chutes de Katende sur la rivière Lulua remonte à 1965. 

Dans les années 1990, les ressortissants de l’ancienne province du Kasaï-Occidental avaient eu l’ingénieuse idée de passer à la phase de réalisation à travers la Communauté de développement du Kasaï-Occidental (CODEKO). Ce n’est qu’en 2011, grâce à un accord entre l’Inde et la RDC que les travaux proprement dits ont été lancés. Ils devaient s’achever en 2015 mais le projet a connu du retard, surtout à cause de l’enclavement de la province et dans les décaissements des fonds.

Grand Katende devrait, avec une capacité projetée de 64 MW, desservir les provinces de l’espace Kasaï en énergie électrique. Il est prévu la construction d’au moins deux lignes pour le transport de l’énergie électrique. La première ligne, longue de 130 km, va relier Kananga à Mbuji-Mayi, chef-lieu de la province du Kasaï-Oriental en passant par le territoire de Tshimbulu. Elle va contribuer au renforcement et à la relance du réseau ferroviaire dans l’espace kasaïen. Longue de seulement 30 km, la seconde ligne partira de Kananga jusqu’à Bunkonde, une localité du territoire de Dibaya, toujours dans la province du Kasaï-Central.

Selon l’accord de financement signé par les gouvernements congolais et indien, le 11 juillet 2011, à Kananga, le coût global des travaux est de 280 millions de dollars, soit 168 millions apportés par la banque chinoise Exim Bank, sous forme de prêt à rembourser par l’Inde, et 112 millions par la RDC. À ce montant, il faut ajouter quelque 120 millions de dollars pour la mise en place des lignes de transport. Au Kasaï, les espoirs sont fondés sur Grand Katende. Avec l’énergie qu’il va produire, les autorités de la province rêvent de créer un hub de développement au centre du pays. 

Sylestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, avait rassuré, le 25 novembre 2019, le caucus des députés nationaux du Kasaï-Central de son implication pour la relance des travaux de la centrale hydroélectrique de Katende, construite sur la rive droite de la rivière Lulua, à environ 80 km de la ville de Kananga, le chef-lieu de la province. L’ouvrage fait partie d’un vaste programme gouvernemental destiné à combler le déficit énergétique dans le pays. Le coût global des travaux est de 280 millions de dollars.

En octobre dernier, Martin Kabuya, le gouverneur de la province du Kasaï-Central, annonça la reprise des travaux grâce à la Banque mondiale. « Dans le domaine de l’énergie, la Banque mondiale a pris l’engagement devant nous et devant les témoins de finaliser et d’achever les travaux de construction de la centrale hydroélectrique de Katende dans le territoire de Dibaya et de construire dans chacun de nos territoires, cinq mini-barrages », avait-il confié à 7sur7.cd.

Améliorer la desserte

Le barrage de Katende fait partie d’un vaste programme gouvernemental destiné à combler le déficit énergétique dans le pays. L’hydroélectricité représente donc 96 % de la production d’électricité, les 4 % restants étant fourni par des centrales thermiques de faible puissance situées, pour la plupart, dans des zones isolées. L’apport potentiel des centrales d’Inga est obéré, leur production ne dépasse pas 40 % de leur capacité. 

Une bonne partie de cette production est destinée à l’exportation, laissant ainsi la demande locale insatisfaite. Cette situation fait que le taux d’accès des populations à l’électricité est de 3 % en milieu rural, 40 % pour les villes et 9 % sur le plan national alors que la moyenne en Afrique subsaharienne est de 30 %). Le secteur énergétique de la RDC est donc sous-développé en termes de capacité de production, de consommation, d’accès et de fiabilité. 

L’accès à une électricité fiable et peu onéreuse est un véritable goulet d’étranglement pour les entreprises, qu’elles soient petites, moyennes et grandes, ainsi que pour les ménages. L’accès au réseau de la Société nationale d’électricité (SNEL) est bien souvent long, difficile et coûteux. Par ailleurs, en raison de la vétusté du réseau et/ou d’une production insuffisante, les pannes d’électricité sont fréquentes. Elles représentent plus de mois de travail selon certaines études. Les pertes de production dues aux coupures d’électricité sont importantes, soit environ 20 % de la production. Pour pallier cela, les entreprises et les ménages se sont mis aux groupes électrogènes, mais le coût de ces services d’énergie privés est deux fois, voire plus, plus élevé que celui du réseau de la SNEL. 

L’accès à l’électricité est très inférieur à la moyenne des pays africains dans les zones aussi bien urbaines que rurales, mais la situation est particulièrement dramatique dans ces dernières. La demande en énergie a été accentuée aussi par le boom minier dans le Katanga. Malgré la médiocre qualité des services, les tarifs de l’électricité de la SNEL sont parmi les plus élevés des systèmes à prédominance hydroélectrique de l’Afrique, soit 209 francs le KW pour le client ordinaire (code 34) en décembre contre 101 francs en octobre 2016. 

En plus de l’insuffisance de la couverture et de la fiabilité du réseau, les réformes doivent s’attaquer aux inefficacités, qui génèrent d’importants coûts cachés et font grimper les tarifs. La SNEL est la principale source d’inefficacités dans le secteur. Les pertes dans le transport et la distribution atteignent presque la moitié de la puissance générée, un chiffre élevé par rapport à la moyenne de 27 % des autres pays africains riches en ressources. Ceci est vraisemblablement dû au manque de maintenance et de réhabilitation du réseau de distribution existant, et à une politique permissive envers les branchements clandestins. On observe aussi un sureffectif relativement élevé par rapport à celui des autres compagnies d’électricité africaines. Enfin, la mégestion qui caractérise la SNEL, limite ainsi l’investissement dans la réhabilitation et l’extension du système.