Félix Antoine Tshisekedi réitère sa confiance à Judith Suminwa, qui doit ajuster son gouvernement début 2025

Avant la fin des « cent jours », le président de la République a redit, mardi 6 août 2024, sur les antennes de la radio Top Congo, son soutien tous azimuts à sa Première ministre, sous-entendant plusieurs changements de ministres après une première évaluation de la feuille de route du gouvernement en place. Pourvu que ça ne soit pas un effet d’annonce !

Entre le président de la République et sa Première ministre, l’entente est cordiale.

Le 11 juin 2024, les Congolais ont observé avec attention la Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, énoncer la feuille de route de son gouvernement censée redonner de l’élan souhaité au second mandat du chef de l’État, Félix Antoine Tshisekedi. Interrogé lors de cette interview du mardi 6 août 2024 à radio Top Congo sur l’évaluation de son action, mieux de ses promesses électorales, le président de la République a livré son impression à ceux qui s’évertuent à les tourner en dérision : « Madame la Première ministre est très outillée et instruite pour face [aux difficultés]. Que les [Congolais] ne me jugent pas maintenant. Nous venons à peine de nous installer… Le gouvernement Suminwa ne vient de prendre les choses en mains que maintenant… Qu’ils continuent à me faire confiance car je respecterai mes six engagements. »

Presque deux mois seulement, jour pour jour, après l’entrée en fonction du gouvernement, Félix Antoine Tshisekedi conforte donc sa Première ministre. Comme pour couper court aux rumeurs : « Notre chef d’équipe, c’est Madame Judith Suminwa. Je ne veux pas lui mettre la pression. Elle est suffisamment outillée pour évaluer le travail de ses ministres et de m’en faire rapport. Et moi-même je préside tous les vendredis les réunions du Conseil des ministres lorsque je suis au pays. Je peux donc suivre. J’ai un cabinet très actif qui m’accompagne dans ce suivi. »    

Si la Première ministre a totale et entière confiance du Président de la République, ça n’est pas le cas pour ses ministres. Félix Antoine Tshisekedi estime, sans méchanceté, que, fort de ce suivi, la première évaluation de la mise en œuvre de ses six engagements de la campagne électorale à travers la feuille de route gouvernementale se fera « au début de l’année prochaine ». De manière déterminée, il a annoncé qu’il faudra s’attendre, « peut-être », à un réaménagement gouvernemental en janvier 2025, bien entendu, « sous réserve de ce » que lui-même et sa Première ministre en penseront.

Un remaniement du gouvernement, c’est du moins ce que tous attendent dans le camp présidentiel tant les frustrations et les déceptions sont mal dissimulées. Dès lors, on comprend que les « Cents jours d’action », comme le veut la tradition politique, s’écrivent désormais comme un sursis à valeur de test pour les ministres du gouvernement Suminwa, selon les mots présidentiels. C’est dire que les ministres qui n’auront pas de bilan à présenter, seront remplacés. C’est dire aussi que c’est l’occasion d’élargir la majorité pour apaiser les alliances politiques et électorales internes à l’Union sacrée de la nation/USN. 

En réalité, Judith Suminwa et son gouvernement font l’objet d’interrogations permanentes. Même si la plupart des ministres n’ont de cesse de redire qu’ils ne sont pas dans le commentaire, mais dans l’action, la majorité des Congolais ne sentent pas encore la détermination et l’engagement de la Première ministre exprimés dans son discours d’investiture de son gouvernement à l’Assemblée nationale.

La cheffe du gouvernement montre à tout prix qu’elle est en mouvement. Et tant pis si les difficultés notamment sur le plan économique et financier percutent largement la feuille de route gouvernementale, tant pis si les rumeurs sur son échec vont bon train. Judith Suminwa essaie de se battre pour obtenir des résultats rapides. Selon des enquêtes minutes à travers le pays, les justifications ne tiennent plus pour nombre de Congolais. Ils veulent voir du concret et vite.

En annonçant un éventuel remaniement du gouvernement au début de l’année prochaine, le Président de la République a-t-il sous-entendu un nouveau départ ? Est-il d’ailleurs possible après plusieurs semaines de crise autour de la formation du gouvernement que Félix Antoine Tshisekedi renoue avec les Congolais ? Ici et là, on entend les gens dirent leur ras-le-bol. « Ce n’est plus le temps de promesses ni de discours, il faut agir ». C’est le défi majeur qui se pose au gouvernement mais aussi au chef de l’État, auquel il a tenté de répondre via cette interview accordée à la radio Top Congo.

En tout cas, les Congolais portent un regard bien moins positif sur les Cents premiers jours du gouvernement Suminwa, à en croire les différents sondages publiés. La parité dollar=franc congolais, la situation sécuritaire dans l’Est et les atermoiements sur les réformes annoncées nourrissent un certain agacement chez les Congolais. L’annonce d’un remaniement du gouvernement est perçue dans l’opinion comme une manière de mettre la pression sur l’exécutif qui risque de faire face en septembre prochain à une vague de grèves dans les administrations et services publics : enseignants, professeurs, médecins, infirmiers, magistrats…

« Certes, ce n’est que le début du quinquennat et pas encore au bout des choses, mais si l’on n’agit pas dès maintenant, l’objectif risque de ne pas être atteint », avertit le politologue Jean Marie Kidinda. « Je crois que la feuille de route du gouvernement n’est pas respectée. Au bout de cent jours rien n’est fait. Le pays semble endormi, poursuit-il. Il ne se passe rien de concret, il n’y a aucune décision ni un résultat d’envergure alors que sept mois sont déjà passés sur le second mandat présidentiel. »

Rien à faire, Judith Suminwa devra faire le point avec ses ministres sur plusieurs réformes annoncées d’ici la fin de l’année. Il y sera notamment question de la loi de programmation des finances publiques ou la loi de finances publiques. Les parlementaires et le gouvernement devront parvenir à trouver un terrain d’entente à propos de ce texte, qui doit tracer les grandes lignes de la trajectoire budgétaire de la République démocratique du Congo pour les quatre prochaines années. Sinon, c’est le quinquennat du président de la République qui va en pâtir. Sa présentation à l’Assemblée nationale doit intervenir en septembre prochain.

Les Congolais vont attendre, wait and see ! Mais ils osent croire que, malheureusement, ce sera décevant. Comme toujours. On a déjà perdu sept mois dans ce quinquennat, et 100 jours avec le gouvernement… On va encore en reperdre jusqu’aux discussions budgétaires à l’Assemblée nationale. Les Congolais veulent surtout voir des projets de loi susceptibles de montrer qu’il y a une volonté de continuer à porter des réformes dans le cadre de cette mandature. 

Dans son interview à radio Top Congo, Félix Antoine Tshisekedi a donné l’impression de ne vouloir pas prendre le pas sur sa cheffe de gouvernement dans un souci de stabilité, lui laissant ainsi la tâche de la reconquête du terrain ou de la confiance des Congolais. À charge donc de la Première ministre de ralencer l’action, en multipliant les annonces, parfois sur certains ajustements techniques, d’ordinaire laissés aux soins des ministres concernés. Ainsi, c’est à elle de présenter les détails des réformes, d’assurer le suivi de la feuille de route… 

Bref, la Première ministre qui a la confiance du président de la République, a l’obligation de remuscler son gouvernement et de redonner une impulsion. Félix Antoine Tshisekedi a reconnu la compétence mais aussi la rigueur affichée depuis son entrée à la Primature, quand il déclare que Judith Suminwa est très bien outillée, instruite par lui pour faire face aux difficultés. Mais en politique l’image et le travail ensemble comptent, l’un ne va pas sans l’autre.

Le débat se corse. Remanier le gouvernement, mais pour quoi faire ? La question de fond c’est celle de quelle politique, quelle stratégie pour le pays. Pour les uns, si c’est pour changer fondamentalement les choses, pourquoi pas ? Mais, si c’est seulement une question de casting, les autres n’en voient pas l’intérêt immédiat. « Je ne crois pas que les Congolais attendent un remaniement, cela ne les intéresse pas. C’est un détail quand ils s’interrogent sur leur pouvoir d’achat parce qu’ils n’arrivent plus à payer le loyer, les factures et les frais scolaires, à se nourrir… », fait remarquer le professeur Jean Marie Kidinda.