Gros plan sur le balisage du fleuve Congo et de la rivière Kasaï

En avril 2018, la RVF, les armateurs et navigants s’étaient retrouvés en atelier à Kinshasa pour définir les priorités des passes de navigation à baliser sur le fleuve Congo et la rivière Kasaï. À l’issue de la réflexion, il y a des recommandations spécifiques et transversales, pour passer à l’action de manière concrète. État des lieux.

ÇA Y EST. La campagne de balisage et cartographie du fleuve Congo et de la rivière Kasaï a débuté (en principe) le 1er août 2019 pour prendre fin le 24 janvier 2020, soit presque six mois de travaux. Cette campagne est financée par l’Union européenne (UE), à travers le Projet d’appui à la navigabilité des voies fluviales et lacustres en RDC (PANAV). Cela fait plus de 20 ans, pour diverses raisons, que le fleuve Congo et la rivière Kasaï ne sont plus balisés comme il se doit. 

Recommandations

En avril (26-27) 2018, le PANAV avait réuni la Régie des voies fluviales (RVF), les armateurs et les navigants à Kinshasa pour la localisation à l’unisson des passes réputées « dangereuses » à la navigation que sont les passes rocheuses, les passes divagantes, les passes à forte courbure, les passes étroites et les passes aux courants d’eau violents. Il était aussi question de la désignation sur ces différentes passes, jugés « prioritaires » par les usagers des routes fluviales, les tronçons à baliser en priorité à court terme. Il était également question de l’actualisation ou la migration de la production des cartes analogiques datant de l’époque coloniale vers la production numérique par la RVF à l’usage des navigants.

La cinquantaine de navigants et armateurs réunis à cette occasion se sont appliqués avec beaucoup de conscience en vue d’apporter leur contribution au balisage. Ils ont recommandé pour le fleuve Congo, de renforcer d’abord les balises cassées et de remettre les bouées disparues dans toutes les passes rocheuses, ainsi que le balisage permanent de tous les pools (Malebo, Sandy Beach et Bolobo) ainsi que de toutes les passes divagantes. Et pour ce qui est de la rivière Kasaï, ce sont des travaux sur toutes les passes rocheuses, de Kwamouth à Ilebo : la remise en place des alignements, la reconstruction ou la réhabilitation des balises en maçonnerie, le mouillage des bouées à certains endroits déterminés sur les tronçons sablonneux, la réalisation de nouveaux levés bathymétriques par les hydrographes…

En ce qui concerne la cartographie, les participants ont été informés de la mise au point et d’un test d’un prototype de carte électronique de navigation à bord de baliseurs Kauka et Congo, ainsi que de la collecte des données à intégrer dans les cartes de base. En tout cas, les participants ont recommandé la création d’un cadre de concertation réunissant les armateurs, les navigants, la RVF et la cellule de gestion du PANAV pour le suivi et l’évaluation des actions.

Pour rappel, la RVF a bénéficié d’un financement de 60 millions d’euros dans le cadre du 10è FED (Fonds européen pour le développement), à travers le PANAV, entre autres notamment pour la réhabilitation de deux baliseurs (Lomela et Kauka) et la réparation d’un autre (Congo) ; pour l’acquisition de deux bateaux multifonctions, de 13 canots hydrographiques et 300 bouées ; pour la réhabilitation de son chantier naval ; ainsi que pour la remise en l’état du réseau de signaux de rive et des balises. 

Le projet porte aussi sur l’actualisation des albums de navigation à mettre à la disposition des usagers des voies fluviales, la réhabilitation du Centre de traitement des données (CTD) de la RVF. 

Un régisseur rompu

En pratique, le management du projet d’appui à la navigabilité des voies fluviales et lacustres en RDC est assuré par un coordonnateur qui est le délégué par l’UE, et un régisseur qui représente les intérêts du gouvernement de la RDC. Le PANAV étant un projet hautement technique, Déocard Mugangu a été désigné régisseur. Il a le profil qu’il faut. Ancien commandant au long cours à la Compagnie maritime belge (CMB) et à l’ex-Compagnie maritime zaïroise (CMZ), Déocard Mugangu a dirigé également la Régie des voies maritimes (RVM). Il a été aussi directeur des infrastructures à la Commission internationale du Bassin Congo-Oubangui-Sangha (CICOS) et directeur au Centre régional de formation en navigation par voies d’eau intérieures (CRFNI). C’est vraiment quelqu’un qui a les prérequis indispensables que seuls confèrent la formation et le métier à travers l’expérience, pour mener à bon port un tel projet de transport par voies d’eau intérieures.

À l’aube de la clôture des appuis du PANAV, initialement prévue le 24 septembre prochain, que bilan faire de ses réalisations en rapport avec les quatre volets du projet (hydrographie et hydrologie, aménagement et entretien des voies navigables, infrastructures portuaires, et renforcement des capacités), au moment où est lancée la campagne de balisage et de cartographie du fleuve Congo et de la rivière Kasaï ?

Concernant l’hydrographie et l’hydrologie (phase I), le régisseur Mugangu épingle l’implantation d’un nouveau canevas géodésique le long du fleuve Congo, de la rivière Kasaï et du lac Tanganyika. Comme il le dit, le réseau est constitué d’environ 450 bornes géo-référencées dans un système international de référence terrestre connu sous l’acronyme anglais d’ITRF (International Terrestrial Reference Frame). Les bornes sont placées dans l’intervalle d’environ 20 km  et densifiées le long des passes réputées dangereuses à la navigation.

Quelque 57 échelles limnimétriques ont été installées, parmi lesquelles 16 stations d’échelles principales, dont 13 stations limnigraphiques automatiques. Des images aériennes optiques et LiDAR du fleuve Congo et de la rivière Kasaï ont été fournies au CDT de la RVF, ainsi que des matériels et équipements hydrographiques, hydrométriques, hydrologiques et hydro-sédimentologiques indispensables à la réalisation de ses missions régaliennes. Le PANAV a aussi réhabilité et équipé (mobiliers et matériels informatiques le CDT, procédé au scannage et calage des anciens albums de navigation sur papier pour le fleuve Congo et la rivière Kasaï, et mis en place une assistance technique opérationnelle pour appuyer la RVF dans la réalisation des travaux hydrographiques, hydrométriques et de production des cartes de navigation. Par ailleurs, des cartes de base avec des couches d’images satellitaires spot 6/7 et des cartes bathymétriques générales (avec des routes potentielles de navigation à la base d’une bathymétrie suivant des profils en travers à pas kilométriques) ont été produites. Des mesures des courants et de jaugeage en des positions significatives sur le fleuve Congo et la rivière Kasaï ont été réalisées. Enfin, une entreprise internationale, Artelia, a été recrutée pour la modélisation hydraulique monodimensionnelle du fleuve Congo et de la rivière Kasaï, ainsi que pour la modélisation hydraulique tridimensionnelle et trajectographique de la passe rocheuse de Kandolo et l’expertise de la passe de Gundji.

Concernant l’aménagement et l’entretien des voies navigables (phase II), il est à mettre au crédit du projet, la livraison des matériels pour le montage des balises fixes et flottantes pour le fleuve Congo et la rivière Kasaï ; l’installation des 121 aliments, 88 signaux des points kilométriques et 140 signaux simples indiquant notamment des zones dangereuses, des zones d’accostage et des débuts ou des fins de suivi d’alignements, dans le cadre du balisage fixe de rive, ainsi que celle de du balisage lumineux des accès aux ports de Kalundu et Kalemie sur le lac Tanganyika, notamment un phare par port et des bouées indiquant les accès portuaires.

Ce n’est pas tout : il y a également la fabrication de 300 bouées au chantier naval de la RVF ; la fourniture de carburant et de lubrifiant par Total pour les campagnes de balisage et de bathymétrie sur le fleuve Congo et la rivière Kasaï par les bateaux de la RVF, ainsi que celle de 13 canots hydrographiques et de 36 conteneurs aménagés en logement des équipages, ateliers, magasin et bureaux ; la remise à neuf de deux baliseurs (Lomela et Kauka) ; la construction de deux baliseurs pousseurs ; et la réhabilitation de la darse, sa plateforme et des bâtiments abritant les ateliers de la RVF.