Le gouvernement camerounais a rendu public, fin juin, une nouvelle grille tarifaire annonçant une augmentation des prix des produits pétroliers sur le territoire national, à compter du 1er juillet 2014. Le prix du litre de super est passé de 569 francs Cfa à 650 francs Cfa, soit une hausse de 81 francs Cfa, tandis que le litre de gasoil est passé de 520 francs Cfa à 600 francs Cfa, en augmentation de 80 francs Cfa. En même temps, la bouteille de gaz domestique de 12 Kg (la dernière hausse des prix de ce produit est intervenue en 2006), qui coûtait jusque-là6000 francs Cfa, se vend désormais à 6500 francs Cfa. Seul le pétrole lampant, considéré comme la chasse gardée des masses les plus pauvres, n’est pas concerné par cette hausse. Le prix du litre est maintenu à 350 francs Cfa.
Comme mesures d’accompagnement de cette hausse des prix redoutée depuis les émeutes de février 2008, consécutives à la dernière augmentation des prix des produits pétroliers à la pompe, le gouvernement a annoncé une revalorisation des salaires des agents de l’Etat, sans préciser ni la date ni la proportion de l’augmentation. De même, il a promis une revalorisation prochaine du SMIG, et consacré la diminution de 50 % du montant de certaines taxes. Il s’agit notamment de l’impôt libératoire, principalement payé par les petits commerçants et les opérateurs du secteur informel ; de la taxe de stationnement et de la taxe à l’essieu, respectivement payées par les opérateurs du secteur du transport en commun et les camionneurs.
Une taxation excessive des produits pétroliers
Ce réajustement des prix répond à la nécessité de prendre en compte l’augmentation continue des cours du pétrole sur le marché international. Et, de réduire la charge toujours plus forte sur le budget de l’Etat, de la subvention des prix du carburant, qui prive la communauté nationale des ressources nécessaires à la réalisation de nombreux projets sociaux, éducatifs et infrastructurels. A titre d’illustration, cette subvention a coûté à l’Etat de 2008 à 2013, 1200 milliards de Fcfa et 155 milliards Fcfa rien que pour les six premiers mois de l’exercice en cours. Par cette hausse des prix des produits pétroliers, le gouvernement camerounais accède à une requête formulée par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. En effet, lors de ses missions au Cameroun depuis deux ans, le Fonds n’a cessé de s’inquiéter de l’augmentation vertigineuse des subventions à la consommation des produits pétroliers, qui a atteint 420 milliards de francs Cfa en 2013. Ce chiffre devait atteindre 450 milliards de francs Cfa fin 2014. Pour sa part, la Banque mondiale avait conclu que la subvention aux produits pétroliers est contre-productive, dans ce sens qu’elle ne profite qu’aux riches.
Cette appréciation qui avait provoqué un véritable débat national, entre partisans de la suppression de la subvention et par conséquent de l’augmentation des prix des produits pétroliers, et ceux qui optaient pour le statuquo. A l’appui de leur argumentaire, les partisans de cette dernière thèse faisaient remarquer, comme de nombreux experts d’ailleurs, qu’une simple réduction de la taxation des produits pétroliers aiderait à baisser les prix, sans incidence sur les consommateurs. En effet, selon la structure des prix des produits pétroliers en vigueur au Cameroun, le litre de super ou de gasoil est assujetti au payement de vingt-trois taxes, dont six TVA et une taxe dite « spéciale », qui gonfle, à elle seule,le prix du litre de plus de 100 francs Cfa.
Grève des transporteurs
Comme on pouvait s’y attendre, dès l’entrée en vigueur de la nouvelle grille des prix des produits pétroliers sur le territoire camerounais, la Confédération générale des syndicats du transport du Cameroun a annoncé une grève générale des travailleurs de ce secteur le 7 juillet 2014, en signe de protestation. Dans le même temps, la Ligue camerounaise des consommateurs (LCC) a annoncé, à compter du 7 juillet, une série de manifestations de protestation contre la décision gouvernementale.
Les mesures d’accompagnement prises par le gouvernement camerounais, afin d’atténuer les effets de cette décision sur le pouvoir d’achat des ménages, en général, et des employés du secteur des transports, en particulier, n’ont pas satisfait les syndicalistes et autres associations de protection des droits des consommateurs. Pour rappel, en appendice de cette augmentation, l’Etat camerounais a promis, sans aucune précision, une augmentation des salaires des agents de l’Etat et du SMIG ; de même qu’il a décidé de réduire de 50 % le montant de l’impôt libératoire payé par les petits commerçants et acteurs du secteur informel, ainsi que celui des taxes de stationnement (payée par les employés du secteur du transport en commun) et à l’essieu (payée par les camionneurs).
Devant ce front de la contestation formé par les syndicats du transport et les associations de consommateurs, l’on apprend que le gouvernement a entamé des négociations avec les différentes parties, qui révèlent n’avoir pas été impliquées dans le processus de prise de cette décision de revalorisation des prix des produits pétroliers. Du côté des pouvoirs publics, l’on garde à l’esprit le scénario de février 2008, au cours duquel une augmentation des prix à la pompe avait embrasé tout le pays, provoquant ce qui avait été baptisé « les émeutes de la faim. »
450 milliards de FCfa de subvention en 2014
La représentation camerounaise de la Banque mondiale, dans ses cahiers économiques sur ce pays, vient de révéler que pour le compte de l’exercice budgétaire 2014, les subventions de l’Etat à la consommation des produits pétroliers à la pompe, atteindront la somme de 450 milliards de francs Cfa, soit 3% du Produit intérieur brut (PIB) du pays. Cette enveloppe sera en augmentation de 30 milliards de francs Cfa, puisqu’elle a culminé à 420 milliards de francs Cfa l’année dernière, selon les statistiques officielles. Par ailleurs, 220 milliards de francs Cfa, soit un peu moins de 50 % de la somme nécessaire, sont prévus dans le budget 2014, pour supporter ces subventions.
En rappel, depuis février 2008, le gouvernement camerounais avait décidé de bloquer les prix des produits pétroliers à la pompe, malgré l’envolée des cours du brut sur le marché international. Le différentiel entre les prix pratiqués à la pompe et les prix réels arrimés à l’évolution des cours mondiaux du brut étant supporté par le Trésor public.
L’endettement va atteindre 38 % en 2019
Le ratio endettement-PIB du pays va atteindre, fin 2014, 24 % du PIB contre 18 % en 2013, soit une augmentation de 6 %. L’augmentation de cet indicateur, « tient pour largement à de récents emprunts non concessionnels ». A l’horizon 2019, le recours à un endettement non concessionnel portera le ratio endettement-PIB du pays à 38 %, soit une augmentation de 14 % en cinq années.