Au fond, François Hollande a tenu sa promesse. Après avoir remporté l’élection présidentielle de 2012 sur le slogan « Le changement c’est maintenant », il a beaucoup changé la France. Mais le président sortant semble s’être inspiré d’Eddie dans le film « La vérité si je mens » : il a délivré a minima. Dans le film , en découvrant la livraison des 400.000 habits de poupée en lieu et place de vêtements d’adulte, le directeur d’Eurodiscount victime de l’arnaque (Daniel Prévost) emploie des termes que la décence nous interdit de reproduire ici. Dans la France d’aujourd’hui, le jugement est plus policé mais tout aussi virulent : seulement un Français sur sept fait encore confiance à Hollande, score inédit pour un président de la Ve République malgré les efforts méritoires de Nicolas Sarkozy. A tel point que le président « qui ne devrait pas dire ça » a renoncé à se présenter pour un second mandat.
Ce diagnostic d’un président aux avancées minuscules peut paraître sévère. Après Jacques Chirac qui avait été un modèle d’inaction pendant douze ans, après Nicolas Sarkozy qui était parti dans tous les sens avec toute son énergie, François Hollande a impulsé deux changements majeurs, tous deux d’inspiration libérale. Le premier restera un symbole fort : c’est l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Une réforme sociétale donc, écho lointain de l’abolition de la peine de mort sous François Mitterrand. Le second deviendra plus difficile à discerner au fil du temps : c’est l’abaissement des charges payées par les entreprises, qui dépassera les 40 milliards d’euros cette année, partagés entre baisses d’impôts et réduction de cotisations sociales. Un effort majeur, très contesté par les frondeurs de la majorité socialiste, mais qui vient après un coup de matraque fiscale et qui n’empêche toujours pas les entreprises françaises d’être davantage ponctionnées que leurs rivales étrangères.
Ces deux avancées sont réelles mais font de trop rares exceptions pour changer vraiment le pays. Le chômage en est une triste preuve. Un actif sur dix n’a pas d’emploi quand François Hollande quitte l’Elysée… autant qu’à son entrée, alors que le taux de chômage a reculé de près de deux points dans la zone euro. Après son élection, le nouveau président avait promis qu’il inverserait la courbe dans l’année à venir. Il lui a fallu près de trois ans pour y parvenir, et il a ensuite mobilisé des moyens conséquents pour tenter en vain d’accélérer la baisse à l’approche de 2017.
Ce double échec n’est guère surprenant. Il reflète une économie française aux performances pas très différentes en 2012 et en 2017. La petite reprise de l’activité ne vient pas tant de la politique nationale que de l’embellie européenne – la croissance française est d’ailleurs devenue inférieure à celle de ses voisins, comme toujours en temps de reprise. La France n’a pas résolu son problème d’offre.
Un autre dossier illustre parfaitement la technique hollandaise des tout petits pas : les régions. La méthode la plus efficace pour lutter contre le fameux millefeuille administratif aurait été un vaste mouvement de regroupement des communes, la suppression des départements et le renforcement des régions. François Hollande a préféré une concentration aléatoire des régions (jusqu’au dernier moment, le nombre n’en avait pas été fixé), la suppression des petites intercommunalités et, pour préserver le soutien des radicaux de gauche (!), le maintien des départements. Une infime partie de ce qu’il faut faire. Hollande n’aura pas été une décennie durant premier secrétaire du Parti socialiste sans en garder de graves séquelles.
Ces avancées minuscules se retrouvent partout. Dans une refondation illisible de l’école, dans l’ouverture à la concurrence de secteurs protégés comme le notariat, dans l’entrée des salariés au conseil d’administration des grandes entreprises (un ou deux contre la moitié en Allemagne), dans la réforme bancaire, dans la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche dans la transparence de la vie politique, dans le compte personnel d’activité, dans le relâchement de la rigueur budgétaire européenne (Grèce notamment), dans les accords de maintien dans l’emploi, dans le contrôle de la dépense publique, dans le droit à mourir dans la dignité… Ca a changé, souvent dans le bon sens. Mais toujours un petit peu . Loin du slogan « Pour que ça change fort » choisi par la mère des enfants de Hollande, Ségolène Royal, quand elle était candidate à l’Elysée en 2007.
Au fond, là où François Hollande a vraiment présidé, c’est dans les missions régaliennes de l’Etat, les plus éloignées de son parcours personnel. Avec d’abord sa réponse parfaitement ajustée aux effroyables attentats de 2015 contre Charlie Hebdo, le Bataclan et d’autres symboles en région parisienne. Ensuite ses décisions résolues sur les « théâtres d’opérations extérieures », au Mali, en Centrafrique. Enfin sa volonté de réussir la négociation sur le climat lors de la COP21 à Paris, qui a débouché sur un succès inespéré.
Mais, si on oublie l’épisode grotesque de l’expulsion de la jeune Rom Leonarda et l’échec salutaire du projet désastreux de déchéance de nationalité pour les terroristes binationaux, le quinquennat Hollande ressemble surtout à une série de pas de fourmi.