Qui va remporter le marché de l’extension de la fibre optique dans les parties non encore couvertes de la RDC? Deux équipementiers se livrent un combat de gladiateurs dont le théâtre des opérations est la RDC : il s’agit bien d’une bataille économique dont les règles du jeu sont la procédure d’acquisition, la technicité et la meilleure offre. Ce qui n’a pas toujours été le cas en RDC. Le pactole de 600 millions USD déboursé par la Banque chinoise d’investissement Exim Bank est tellement alléchant qu’il ne saurait laisser aucun opérateur téléphonique indifférent. ZTE et Huawei ont jeté toutes leurs forces dans la bataille pour remporter le challenge du marché du déploiement de la fibre optique dans les territoires non encore couverts.
Jean Claude Bimwala
Mais au cours de ce dernier round décisif engagé depuis le mois de mars, le jeu s’est tellement corsé que l’arbitre, en l’occurrence le Premier ministre, Matata Ponyo a dû tirer la sonnette d’alarme pour rappeler aux uns et aux autres le respect de la procédure, c’est-à-dire la loi du 27/04/2010 sur les marchés publics .
Dans une correspondance qui a fuité dans la presse kinoise, le ministre Kin-Kiey Mulumba a saisi son collègue délégué aux Finances pour obtenir un financement en faveur ZTE. Ce qui a fait réagir le 1er ministre, fort de l’avis de la Direction Générale des marchés Publics, en charge des procédures de passation des marchés publics en RDC en motivant son opposition à un marché de gré à gré, en relevant que les préalables pour aboutir aux financements en faveur de l’opérateur ZTE ne sont pas encore remplis. S’adressant au ministre des PTNTIC, il poursuit en ces termes :« A ce propos, je souhaite que la procédure soit respectée de bout en bout, et vous demande d’apporter tous les documents requis, avant la soumission de la requête de financement par le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Finances ».
Les griefs épinglés par la Primature, précise un conseiller, sont notamment l’absence d’appel d’offres avec job description des soumissionnaires. Au conseiller de conclure que les financements d’une institution chinoise (Exim bank), n’occultent en aucun cas le respect des procédures légales congolaises d’attribution des marchés (article 42 de la loi n010/010 du 27 avril 2010), toute autre procédure est réputée être un marché de gré à gré qui ne crédibilise pas les institutions congolaises.
ZTE : un invité surprise ?
Là où les observateurs attendaient une simple formalité pour Huawei, qui est le principal fournisseur des matériels pour les ouvrages antérieurs et travaille déjà avec la SCPT, ex-Ocpt dans la formation, ils ont plutôt été surpris par l’intrusion de ZTE, une vraie mastodonte qui pèse 10 milliards USd . ZTE s’impose comme le leader sur le secteur des équipements de réseaux optiques passifs, selon le cabinet Ovum.
La brèche fut ouverte par une recommandation tacite de la Primature lors de l’ouverture du marché :« Et compte tenu de l’origine des fonds (Exim Bank China), je vous recommande de ne contacter que les entreprises chinoises spécialisées dans le domaine ». Cela a-t-il suffi pour passer outre la procédure légale en matière de passation des marchés publics en RDC ? Le montage financier et les termes de prestations proposées par ZTE sont jugés par le même observateur comme défavorables à la RDC car comparativement à Huawei qui fournit les équipements avec longue période de maintenance et assure la formation des cadres congolais grâce notamment à l’ouverture y a 2 ans à Kinshasa, d’un centre de formation des télécommunications ouvert à travers le monde, le 5ème en Afrique et le 37 ème au monde. Zte se limite à ne fournir que des équipements dont il n’est même pas le fabriquant, dit-on. Il faut également noter qu’à travers le monde, Huawei utilise 140.000 personnes et dispose d’une clientèle qui représente le tiers de la population mondiale. La société Huawei est active dans le domaine de la recherche qui absorbe 42% de son personnel et dans d’autres secteurs tels que la formation, la finance et le développement. Pour beaucoup d’observateurs, le passage en force du ministre en faveur de ZTE cache difficile des intérêts personnels.
La RDC est entrée officiellement dans l’air de la fibre optique depuis le 08 juillet 2013 par l’inauguration de la station d’atterrage de Moanda construite par Alcatel (avec un coût de 60 millions de dollars américains au trésor public) pour se connecter au réseau maritime du consortium Wacs et se déployer, dans un premier temps sur Kinshasa. Cette étape est déjà réalisée, mais après près de 8 mois, très peu de kinois sont en mesure de dire si oui ou non leur service de télécommunication ou d’internet est pris en charge par la fameuse fibre optique car ni la qualité ni le prix n’ont véritablement changé contrairement aux promesses annoncées. La deuxième phase est en cours de déploiement et doit relier Kinshasa à Lubumbashi en passant par le Bandundu et les deux Kasaï. La troisième phase du déploiement qui concernera le reste du territoire est celle dont le contrat d’acquisition du marché est encore en discussion au ministère de tutelle. Tout le réseau intérieur de la RDC installé devait valoir 40.000km de distance.
Selon les experts, la fibre optique devrait apporter plusieurs avantages notamment une meilleure fluidité dans les communications et une éventuelle baisse des coûts. Elle ouvre également de bonnes perspectives fiscales et économiques. En Afrique au sud du Sahara, l’industrie de la téléphonie mobile réalise déjà 32 milliards de dollars de chiffre d’affaires. D’ici un futur proche, l’économie numérique va fournir à la région 15 millions de nouveaux emplois, estimait Kin-Kiey Mulumba lors de l’inauguration de la station d’atterrage de Moanda.