KINSHASA, c’est la plus grande ville francophone du monde et l’une des 30 plus grandes villes du monde. Elle sera probablement dans les prochaines années la plus grande ville d’Afrique. La Banque mondiale estime que la capitale de la République démocratique du Congo comptera autour de 30 millions d’habitants en 2050. Le cabinet singapourien Surbana International avait été choisi par l’exécutif Kimbuta pour dessiner « le Plan général d’aménagement de la capitale », et sur lequel on grefferait tous les autres plans. En clair, ce n’était qu’un effet d’annonce.
Lorsqu’il arrive à Kinshasa, le voyageur se voit expliquer que la vieille ville coloniale se décomposait en deux parties séparées par une ligne imaginaire. D’un côté, le quartier des blancs habité par les colons belges et autres étrangers en provenance de l’Occident, de l’autre, la « cité indigène ». Ce qui frappe dès le premier contact avec Kinshasa, c’est son immensité. Le site choisi à bonne distance de la rive gauche du fleuve Congo, offre un remarquable potentiel de développement en bordure du Pool Malebo, vaste étalement du fleuve à l’amont de la barre rocheuse des grès de Kinsuka où se localisent les rapides, infranchissables par la navigation.
Moulaert et son tracé
Les historiens rapportent que c’est Georges Moulaert (mars 1900 – mai 1919), le dernier commissaire de district du Stanley-Pool, officier à l’esprit clairvoyant surnommé « Bula-Matari Tala Tala », qui organisa la ville. Dans son plan de de 1911, Georges Moulaert prévoyait la construction d’un port plus important, en fait un pôle de développement des activités à l’Est du premier quartier de Kintambo (Stanley-Pool). Ce site s’est révélé plus intéressant pour les activités fluviales que celui de la baie de Ngaliema. Ainsi, ont démarré les grands travaux d’aménagement de grandes avenues plantées et bordées de villas, grâce au chemin de fer reliant Léo Ouest (Kintambo administratif) à Léo Est (le port et les entreprises).
Georges Moulaert fut le premier, en 1912, à demander au gouverneur général le transfert de la capitale du Congo sur les rives du Stanley-Pool. Entre 1900 et 1920, la ville se développe donc autour de ces deux pôles. En 1922, un décret impose à toutes les entreprises de construire des camps pour leurs travailleurs. Les premières cités planifiées apparaissent alors sur les sites de Mampeza et Kilimani. En 1923, la décision de transférer la capitale de Boma à Léopoldville est prise. En 1929, on assiste au transfert effectif de la capitale à Léopoldville. Pour accompagner ce transfert, le noyau administratif est installé sur la pointe Kalima entre les deux pôles existants de Léo Est et Léo Ouest. Les chantiers navals et la zone industrielle sont créés. Les industries principales sont liées au secteur du textile et à la transformation de la canne à sucre.
En 1933, le Schéma de René Schoentjes propose la séparation de la ville en trois zones : la ville européenne, la ville indigène et une zone neutre entre les deux. La zone neutre comprend le parc Fernand de Boeck, le golf et le zoo, mais aussi des cultures maraîchères ; puis, les missions, les marchés les camps militaires, les prisons et les hôpitaux. Et c’est l’ère de la construction des cités de Lingwala, Kinshasa et Barumbu au Sud de la voie ferrée, de l’aéroport de N’Dolo et des infrastructures portuaires. Vers la fin des années 1 940, de nouvelles cités (Kasa-Vubu et Ngiri-Ngiri) sont aménagées, et réservées aux évolués (autochtones qui ont pu faire preuve de leur capacité de vivre à la mode européenne).
Le plan de Léopoldville, proposé par Georges Ricquier en 1 949, prévoyait une grande avenue qui traverserait la ville, et l’expropriation des cités pour refonder une zone neutre plus importante. Il n’a pas été réalisé. La zone industrielle de Limete a été imaginée dans le plan d’urbanisme de Van Malleghem, qui a remplacé très vite le plan de Ricquier. Et la même année 1949, l’Office des Cités indigènes puis africaines (OCA) a vu le jour pour la construction de logements sociaux destinés aux populations à faible revenu. Plusieurs cités sont donc construites, dont Bandalungwa, Matete, Yolo et Lemba achevée en 1 959. En tout, l’OCA construit 20 000 logements en 10 ans.
Besoin de logement
La population devenait importante et pour faire face au problème d’approvisionnement de la capitale, des zones maraichères en ville sont créées, en 1951, le projet d’aménagement de 28 ha dans la vallée de la N’Djili, destinés à la production de légumes frais. Avec l’indépendance, les contrôles des migrations par l’administration permettant de limiter et planifier l’extension de Kinshasa jusqu’en 1 960 cessent. On assiste à un afflux massif de populations qui s’installent sans autorisation sur les terres libres, y compris sur les flancs des collines.
Les problèmes de logement se font très vite sentir. En 1 965, on assiste à la création de l’Office national du logement (ONL), fusion de l’OCA et du Fonds d’avance, pour construire des logements. En 1 967, la Mission française d’urbanisme élabore le Plan Auguste Arsac (plan régional d’aménagement). En 1 968, les limites de la ville sont étendues avec les nouvelles zones habitées. En 1 972, pour faire face à une urbanisation toujours galopante, Une ceinture verte et des vallées présidentielles sont aménagées, destinées principalement à l’agriculture urbaine, mais seront rapidement occupées.
L’année 1 975 est celle des grands travaux : échangeurs de Limete et Kinkole, boulevard Lumumba, Cité de l’OUA, stades… Par la suite, d’autres plans et documents de planification qui ont été élaborés, SDAU de Kinshasa (1 975), Projet de développement urbain (1 985) n’ont abouti à aucune réalisation, sinon la création de l’Office des voiries et drainage (OVD) en 1 987. Et c’est seulement en 2 007 qu’on voit la réapparition des grands travaux sur les grandes artères : boulevard du 30 Juin, le Triomphal, boulevard Lumumba, boulevard du colonel Mondjiba…
Parallèlement aux chantiers de l’État, on assiste à la promotion immobilière de grande ampleur : des constructions en hauteur dans le centre-ville, avec des immeubles de luxe, hôtels, centres commerciaux (Cité du fleuve, Congo Trade Center, Belle vue, promotion chinoise de futur centre-ville SCTZ…). Ces constructions changent depuis le visage de Kinshasa, et ce changement (en bien ou en mal) est phénoménal.
Aujourd’hui, l’ensemble de l’aire urbanisée couvre environ 500 km2, soit une progression annuelle de 7 à 800 ha, lotis en quelque 10 000 parcelles. C’est trois fois plus qu’il y a 60 ans. Pourtant, une ville se développe autour d’un schéma directeur d’aménagement. En 2 015, Kinshasa a été doté de Schéma d’orientation stratégique pour l’agglomération de Kinshasa (SOSAK) financé par l’Agence française de développement (AFD). Il est encore dans les tiroirs. Malheureusement ! À l’époque, on parlait d’un budget d’investissement de 100 millions de dollars par année pour mettre en œuvre le Plan particulier d’aménagement (PPA) de la partie nord de la ville, et le SOSAK. Dans ce Capharnaüm urbanistique, c’est la voirie urbaine qui en pâtit. Déjà, son état était mauvais dans les années 1 980 au point que nombre de rues sont impraticables pour des véhicules et des et des communes enclavées. Les travaux de réhabilitation se révèlent inefficaces.