Il y a véritablement une problématique de la corruption en RDC

Détournement des richesses de l’État et/ou dépravation des mœurs politiques, le phénomène n’a jamais fait réellement l’objet de lutte efficace. Il a fallu que l’Observatoire anti-corruption tienne conférence, en juillet 2002, à Kinshasa, pour voir les autorités nationales s’y pencher.

LE 3 AVRIL 2003, le décret (présidentiel) 075/2003 crée l’Observatoire du code d’éthique professionnelle (OCEP) comme la commission nationale de lutte anticorruption. L’OCEP va se muer en établissement public, Observatoire de surveillance de la corruption et de l’éthique professionnelle (OSCEP) par le décret 16/020 du 16 juillet 2016. 

Au début des années 2000, les institutions financières internationales, notamment la Banque mondiale, conditionnaient l’aide aux pays en besoin au respect des normes de gestion rationnelle et à la lutte anticorruption.

La lutte ? Effet de surface !

Dans le pays, la corruption a étendu ses tentacules partout. Le phénomène fait partie du quotidien, donc de la survie. Tout le monde ou presque y recourt. Paul-René Lohata Tambwe, un chercheur congolais, explique que « la corruption se structure autour des relations de la détention du pouvoir ». Pour lui, la corruption existe indépendamment et parallèlement au droit. 

Elle permet de détourner le pouvoir afin de réaliser des avantages de fait qui, bien que méconnus par le droit, assurent le profit ou la survie. Bref, la corruption est une pratique pourvoyeuse d’avantages parallèles et parfois officiels mais avec des moyens détournés, dit-il. 

En République démocratique du Congo, la corruption est devenue un sport national. Compte tenu de son imbrication dans tous les secteurs, la lutte contre la corruption devient difficile à mener. Aujourd’hui, la politique est le terrain de prédilection de la corruption. Pour s’en convaincre : aucune élection n’a lieu sans le soupçon de tricherie et de fraude à coups de petits billets verts. Les politiciens prétendent s’exprimer au nom du peuple, en réalité, leurs actes concourent vers l’enrichissement personnel.

Dans l’administration publique, tous les documents et tous les services sont monnayés. Les cours et tribunaux sont les champions de la corruption. Pourtant, ce sont eux qui sont chargés de rendre la justice. En 2002, le chef de l’État (Joseph Kabila Kabange) a déclaré publiquement que la justice est mal distribuée et corrompue en RDC. À sa charge, condamnation à de forts dommages et intérêts de l’État et des entreprises, déni de justice, verdict à la tête du client le plus offrant, abus de détention préventive… Que dire de la Cour constitutionnelle qui vient de se fourvoyer dans les contentieux électoraux ? Sinon la distribution de la justice est fonction de l’argent, du pouvoir politique et des relations que l’on entretient avec les juges.

Le mal qui gangrène le pays, est profond et a atteint des proportions inquiétantes : la prédation du patrimoine collectif. À tous les niveaux, on s’attribue injustement les ressources de l’État, on détourne impunément l’argent public… pour la survie (administration publique) ou pour le profit personnel (classe politique). La justice faisant le lit de la grande corruption. Qui est à la base des inégalités sociales criantes. Sans un secteur privé fort, l’État, en dehors de multinationales, est le principal investisseur et employeur dans le pays. Par conséquent, tous se battent pour occuper un poste politico-administratif, question d’en tirer un profit personnel.

Politique spectacle

Très souvent, la lutte contre la pieuvre s’apparente à une politique spectacle, dont l’effet demeure souvent de surface. Sans réelle volonté politique, il sera difficile de venir à bout de mauvaises pratiques qui gangrènent l’administration en général, les institutions politiques et la justice. Il y a un vrai problème. Lorsqu’Emmanuel Luzolo Bambi,  alors conseiller spécial de l’ancien chef de l’État, en charge de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux, déclarait, le plus officiellement du monde, que « la corruption est devenue endémique en République démocratique du Congo et qu’il faut l’arrêter », était-ce un aveu d’impuissance ou un réel engagement politique pour juguler ce fléau ? Des afro-pessimistes font un lien entre le niveau général de la pauvreté de la population et la corruption. Mais il y a des « petits » pays, comme le Malawi et le Rwanda, qui réalisent des scores enviables en matière de lutte contre la corruption.