Selon la mouvance syndicale de la Générale des carrières et des mines (GECAMINES), l’imposante tour de 19 étages sur le boulevard du 30 Juin aurait dû être réhabilitée en 2003. Mais des locataires « assez puissants » dont quelques entreprises publiques, des cabinets ministériels et des particuliers ont fait du lobbying et renvoyé le projet à plus tard. À l’époque, la réforme de la Gécamines menée par le Comité pour la réforme des entreprises du Portefeuille (COPIREP) battait de l’aile sur le plan social.
À Kinshasa, les agents exigent, en effet, un traitement semblable à celui de leurs camarades du Shaba-Katanga. « On a tout vendu ou mis en location au Katanga… pour que les agents survivent. Pourquoi pas nous? ». Que veulent-ils? Rentabiliser la tour surplombant la Capitale en vue de leur survie. Quelques mois plus tard, en décembre 2008, la Gécamines et l’entreprise Kisenge manganèse, ont créé une SPRL, la Société immobilière du Congo (SIMCO), qui a notamment dans ses actifs le somptueux immeuble du boulevard du 30 Juin. En fait, depuis le 1er janvier 2009, la Gécamines est censée avoir cédé à la nouvelle entreprise la gestion de tous ses biens immobiliers dont l’immeuble ex-Sozacom devenu Gécamines.
L’actuelle direction de la Gécamines avec son président du conseil d’administration, Albert Yuma Mulimbi, s’est-elle désengagée de la SIMCO ? L’avenir nous le dira. L’affaire, dit-on, était concoctée puis réalisée par l’ancien administrateur-délégué général de la Gécamines recruté par le COPIREP, Paul Fortin. Tantôt Français, tantôt Canadien, l’homme finira par quitter son poste de manière rocambolesque. En fait, désavoué par la firme qui l’avait envoyé en République démocratique du Congo au motif d’« erreur de casting ». Fortin ne reviendra en RDC qu’à la suite d’un voyage à l’étranger. La société qu’il a créée, SIMCO, se met toutefois en branle.
Selon la presse locale, en ce début de 2009, SIMCO aurait conclu un contrat emphytéotique avec un groupe franco-belge, Dupuis, selon certains journaux. Pour d’autres, l’immeuble aurait plutôt été repris par l’homme d’affaires controversé Dupydauby. Mais, de toute manière, au lieu d’apporter un démenti, une journaliste de la place aurait été recrutée pour « distribuer de l’argent », 3 200 dollars aux organes de presse de Kinshasa qui s’étaient intéressés à l’affaire. Et, devant la menace d’une manifestation de protestation que les agents de la Gécamines/Kinshasa auraient projeté d’organiser sur le boulevard du 30 Juin, à l’avant-veille de la Saint-sylvestre, une délégation de la Gécamines de Lubumbashi a, de manière impromptue, effectué une descente dans la Capitale, pour une réunion dite d’« éclaircissement de la situation ». Celle-ci, apprend-on d’une source CAMI, au 9 è niveau de la tour ex-Sozacom.
Les syndicalistes de la Gécamines/Kinshasa se sont fait entendre dire que la société ne s’en tiendra désormais qu’à son objet social initial, c’est-à-dire l’exploitation des mines. Et pour ce faire, son patrimoine immobilier industriel demeure intact. Par conséquent, SIMCO demeurerait une filiale de la Gécamines. D’ailleurs, à Lubumbashi, Kolwezi, et partout au Katanga, les villas et autres immeubles de leur entreprise ont été cédés à la SIMCO. Cela n’est nullement une zaïrianisation bis repetita par laquelle les véritables acquéreurs de biens immeubles seraient, comme du temps de Mobutu, des familles katangaises et autres assimilées proches de la famille présidentielle.
L’ombre de Dupuis partout
Toutefois, ce conseiller à l’ambassade de la RDC à Bruxelles se l’imagine en termes de millions d’euros, vu que la restauration de l’immeuble de Bruxelles aura coûté une bagatelle de 18 millions d’euros au groupe Dupuis. Un autre immeuble Gécamines à Paris a également été vendu, laisse entendre ce diplomate. Cependant, selon des experts, toute cession d’un immeuble de la Gécamines n’irait pas sans l’implication des ministres des Mines et du Portefeuille qui assument, l’un, Martin Kabuelulu Labilo, la tutelle administrative et technique de la Gécamines, l’autre, Jeannine Mabunda Lioko (à l’époque), la tutelle financière. Jeannine Mabunda a mis sous le boisseau, le 19 septembre 2008, le Comité de récupération des patrimoines résiduels des entreprises publiques dissoutes et liquidées (CORPAREP). Cette structure rattachée au ministère du Portefeuille, apprend-on, a été créée du temps de la Transition politique 1+4, plus précisément le 17 août 2006, par l’alors ministre RCD du Portefeuille, Célestin Vunabandi, pour faire la lumière sur le sort réservé aux actifs des sociétés d’État dissoutes et liquidées. Jeannine Mabunda, quand elle arrive au Portefeuille en février 2007, va alors lancer, par sa lettre 759/MINPF/MC/KMU/JML/2007 du 23 mai 2007, les travaux des états des lieux des patrimoines résiduels des entreprises et institutions bancaires de l’État dissoutes et liquidées. Mais les résultats de ces travaux ne seront jamais rendus publics.
L’alors député AMP Moussa Kalema Sangolo-Zaku a porté, en novembre 2008, l’affaire à l’Assemblée nationale. Il a crié haro sur « le manque de vertus républicaines » dans ce dossier qui concerne, en effet, 40 entreprises d’État, dissoutes mais dont les actifs feraient l’objet de cessions ou ventes occultes. Il s’agit notamment de la Société de transports de Kinshasa (STK), de la vieille entreprise forestière Forescom et de la Société zaïroise de commercialisation des minerais (SOZACOM), qui faisait partie intégrante de la Gécamines Holding.
Mais la question orale que Moussa Kalema envisageait d’adresser à la ministre du Portefeuille sera étouffée par le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe. Qui a plutôt souhaité écrire à la ministre du Portefeuille, question d’avoir, comme il en avait rassuré l’Assemblée nationale, des « informations précises » sur cette affaire. Depuis, plus rien. Dix ans se sont écoulés.