Impacts sanitaires et socioéconomiques du Covid-19 en RDC

Bien qu’il ne soit pas encore possible de quantifier avec exactitude les divers effets de la pandémie sur la vie nationale, certaines indications claires permettent néanmoins aux décideurs de prendre les mesures nécessaires d’atténuation ou de protection des populations. Extrait.

SI LA PANDÉMIE se propage dans tout le pays et persiste, il serait possible de voir l’espérance de vie à la naissance baisser. Le choc devrait donc agir négativement sur l’indice de développement humain de manière directe et indirecte, directe car l’état de santé est pris en compte dans le calcul de l’IDH, et indirecte car le choc sanitaire ne peut qu’impacter négativement sur l’éducation, sur l’emploi et la productivité de l’économie. 

En raison de la survenue de la pandémie de Covid-19 et de sa propagation dans le monde, on devrait s’attendre à un ralentissement de la croissance économique si pas une baisse significative de l’activité économique, un resserrement sensible de l’espace budgétaire de l’État, une dégradation importante des comptes extérieurs (compte courant et compte capital consolidé), une baisse des financements extérieurs (investissements directs étrangers (IDE), aide publique au développement…), une perturbation des échanges commerciaux, une fragilisation de la stabilité externe et financière et un risque de montée des tensions inflationnistes. 

Repli de l’activité en 2020 

Compte tenu de la forte élasticité de l’offre congolaise de minerais par rapport aux cours mondiaux des matières premières et aux perspectives de croissance économique de la Chine, premier partenaire commercial de la RDC, avec l’arrêt de la production des entreprises minières Boss Mining et Mutanda Mining en 2019 (deux des quatre principaux acteurs du secteur), on devrait s’attendre, à fin 2020, à un repli de l’activité minière en RDC de près de 20,6 %. Ceci devrait déboucher sur une baisse de l’activité économique dans les autres segments de l’économie nationale et sur un ralentissement majeur de la croissance. 

Le secteur des transports a connu, au 1er trimestre 2020, un repli et devrait voir la situation se détériorer davantage sur le reste de l’année à cause du Covid-19. Avec la réduction de ses vols de près de 80 %, la compagnie aérienne nationale, Congo Airways, va encourir un manque à gagner de 40 millions de dollars. Avec la baisse des vols, la Régie des voies aériennes (RVA) a connu un manque à gagner de 23,1 millions de dollars de mars à avril. Les mesures de restriction de la mobilité et de limitation des passagers dans les bus et taxis ont rongé les recettes journalières de Transco de 90 %. De mars à avril, la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC) a fait un manque à gagner de 3,3 millions…

Les mesures d’isolement ou de confinement ont eu des incidences négatives sur le chiffre d’affaires de près de 97 % des entreprises évoluant dans le secteur de la construction. Leurs chiffres d’affaires seront impactés négativement de près de 20 %. Pour certains projets, les soumissions ont été reportées. Contrairement aux autres branches, le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) a vu son volume d’activité augmenté au cours du 1er trimestre 2020 comme l’ont renseigné pratiquement tous les opérateurs privés du secteur, aussi bien les opérateurs de télécommunications que les fournisseurs de connexion internet. 

Pour bien calibrer les mesures à prendre, trois scénarios sur le profil de croissance ont été envisagés : le scenario optimiste peu probable (0,5 %) ; le scenario modéré plus probable (-1,5 %) ; et le scenario catastrophique à éviter (-3,4 %). Si l’on tient compte des appuis des partenaires, on considère un quatrième scenario dit plaidoyer (-1,91 %). 

L’inflation se situerait, à fin décembre 2020, entre 8,5 % et 44,6 % (contre 4,58 % en 2019) et devrait s’accompagner d’une dépréciation de la monnaie nationale avec un taux de change variant entre 1 780 CDF le dollar et 2 170,6 CDF pour 1 dollar, contre 1 705 CDF une année auparavant. 

Finances publiques

Pour les finances publiques, les recettes publiques fluctueraient entre 9 % et 7,2 % (contre 10,4 % en 2019) du PIB à la fin 2020, contre des dépenses représentant 11,9 % à 12,4% du PIB, soit un solde public déficitaire allant de 1,9 % à 5,3 % du PIB. La position extérieure sera aussi impactée avec un amenuisement des recettes en devises, une baisse des IDE et une détérioration du solde commercial. En effet, les exportations devraient baisser suite au repli de la production dans le secteur minier et des hydrocarbures, consécutivement à la baisse de la demande mondiale et à la diminution des cours. 

Cette baisse induirait un fléchissement des recettes en devises et de la couverture des importations. En plus des effets du repli de l’activité des industries extractives sur les recettes publiques, il faut aussi compter les effets des contreperformances d’autres branches d’activité et des décisions de fermeture momentanée de certaines activités. 

Un manque à gagner de 12 360,52 millions de CDF serait occasionné par la fermeture des bars, restaurants et terrasses. La limitation des flux de personnes et de biens à l’international aura aussi une grande incidence sur les recettes publiques, notamment celles découlant des secteurs transports et tourisme, y compris celles après-vente des visas et les taxes administratives perçues lors des sorties du pays estimé à 31 millions de dollars par an. 

En réduisant les taux d’intérêt réels, la hausse de l’inflation pèsera sur la capacité du système à collecter et distribuer l’épargne. Les opérations de change devraient aussi être négativement impactées car non seulement le volume des transactions avec l’étranger va baisser mais la quantité de devises rapatriées aura aussi à diminuer. Le repli de la croissance, la détérioration du cadre macroéconomique et le resserrement des débouchés pourraient par ailleurs réduire le crédit à l’économie et des dépôts bancaires en 2020, et les profits nets des institutions financières. Le taux de liquidité pourrait aussi être mis en mal par le recul de la croissance, la baisse des flux financiers internationaux et la baisse des transferts d’argent chiffrés à 1,4 milliard de dollars en 2018. 

Impacts sur le social 

Les contreperformances affichées par l’économie au 1er trimestre 2020 et qui se renforceront probablement durant le reste de l’année, devront entraîner une détérioration généralisée des conditions de vie de la population, notamment à travers la destruction des emplois aussi bien dans le secteur formel que dans le secteur informel, la baisse des revenus, l’accès difficile à l’alimentation, à l’éducation et aux soins de santé, la détérioration du cadre de vie, et le renforcement des inégalités, y compris les inégalités dues au genre. 

Les mesures de lutte contre le Covid-19 jouent aussi négativement sur le processus d’accumulation du capital humain et sur le bien-être social. S’agissant de la situation de l’emploi, elle devrait fortement se détériorer. C’est du reste ce qui ressort des simulations du BIT et de la DEME/Plan (2020) qui indiquent que les baisses attendues des cours des matières premières, des importations et des exportations, et de l’approvisionnement en facteurs de production, seront de nature à occasionner une baisse de la rémunération moyenne du travail formel, mais aussi du travail informel. 

Les changements des paramètres macroéconomiques entraîneront une baisse des valeurs ajoutées des branches de production et un effet réducteur du volume d’emplois de près de 30 %. Les restrictions de mouvement imposées pourraient s’empirer en cas d’infection à grande échelle et affecter la population de manière générale et surtout les catégories plus vulnérables. En milieu rural, les exploitants agricoles et la main-d’œuvre agricole seraient les plus affectés, tant ils ne seraient plus en mesure de mener leurs activités de substance. En milieu urbain où il y a une forte dépendance aux marchés comme principale source de nourriture, l’arrêt des activités économiques, sources de revenus, réduirait sensiblement l’accès d’un grand nombre de ménages à la nourriture, surtout parmi la couche la plus pauvre de la société.