JOSEPH Kokoniangi Witanene, le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, avait présenté, début octobre, au Conseil des ministres deux projets de décret portant création, organisation et fonctionnement d’un établissement public dénommé « Fonds National de l’Habitat » (FONHAB), ainsi que création, organisation et fonctionnement d’un établissement public dénommé « Agence Congolaise de Promotion Immobilière » (ACOPRIM).
Il a justifié cette initiative notamment par la « croissance démographique élevée en RDC, estimée à 3,3 % par an et à 7 % dans les grandes villes ». Avec plus de 80 millions d’habitants, la RDC connaît un réel déficit d’unités de logement, particulièrement dans les villes et ce, en dépit la disparition de l’ex-Office National de Logement (ONL). Le constat des experts du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat est que les constructions individuelles et quelques récentes promotions immobilières n’arrivent pas à couvrir les besoins illimités en logements de la population. L’objectif affiché avec le FONHAB et l’ACOPRIM est donc de réduire ce déficit et permettre aux populations vulnérables d’accéder à un habitat décent.
Mais voilà que la commission Ecofin et de contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale n’a pas daigné accorder l’attention à la sollicitation du ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat des crédits budgétaires supplémentaires en faveur de ces deux organismes publics. Selon nos sources proches du dossier, Joseph Kokonyangi a motivé dans son courrier adressé à la commission que les deux organismes rapporteraient en recettes quelque 1 514,76 milliards de nos francs, soit environ 867 millions de dollars.
En outre, le ministre a soutenu que le FONHAB et l’ACOPRIM ont respectivement le statut de compte spécial, à l’instar du Fonds d’entretien routier (FONER) et du Fonds de promotion industrielle (FPI) et d’établissement public comme l’Agence nationale de promotion des investissements (ANAPI). « Votre commission a été butée aux difficultés d’établir le fondement légal et de nomenclature des actes générateurs de recettes proposées par le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat. (Lesquels actes) devant permettre la mobilisation des recettes susceptibles de financer le FONHAB et l’ACOPRIM », peut-on lire dans un rapport sous seing du député Jean-Luc Mutokambali, le président de la commission Ecofin de l’Assemblée nationale.
Crédibilité
« Par conséquent, votre commission n’a pas retenu la requête lui soumise », poursuit le rapport. En tout état de cause, 59 membres de cette commission (qui en compte 94) qui ont toiletté le budget 2019, ont tranché : « Une fois les actes générateurs (inhérents au FONHAB et à l’ACOPRIM) mis en place par le gouvernement, les recettes seront captées au budget au titre des recettes domaniales ». Ces actes seront donc de la compétence de la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD). Pourtant, le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat défendait que la moitié des recettes du Fonds national de l’Habitat et de l’Agence congolaise de promotion immobilière reviendrait au Trésor public, renseigne le même rapport de la commission Ecofin de l’Assemblée.
Par ailleurs, le Rapport relatif à l’examen et à l’adoption du projet de loi de finances de l’exercice 2019, rédigé par la commission Ecofin et de bonne gouvernance du Sénat, indique que « l’Assemblée nationale a apporté des modifications dans les prévisions des dépenses concernant les rubriques ci-après : Transferts et interventions de l’État +8 119 628 410 FC ; Équipements -20 598 256 629 FC ». Le montant d’accroissement de la rubrique Transferts et interventions de l’État, à savoir 8 119 628 410 FC, soit 4 645 627,88 dollars au taux budgétaire de 1 747.8 FC le dollar, est essentiellement destiné aux interventions économiques en faveur du FONHAB et de l’ACOPRIM. Quand, où, comment et pourquoi l’Assemblée nationale s’est-elle rebiffée ? Des questions restées en suspens.
Dans le budget 2019, le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat a été crédité de 11 665 917 219 FC alors qu’il avait sollicité 14 225 388 280 FC, sans jamais inscrire la création de ces deux structures. Les seuls projets repris dans le budget sont ceux de la construction ou la réhabilitation des bâtiments administratifs et de l’acquisition des équipements divers pour 3 milliards de francs, ainsi que celui de la construction des structures de base dans les entités territoriales décentralisées (ETD) pour 669 081 071 FC alors que ce ministère avait sollicité plus de 2 milliards.
Politique du gouvernement
Dans le secteur de l’urbanisme et de l’habitat, la politique du gouvernement exprimée dans le Cadre budgétaire à moyen terme (CBMT) 2019-2021 consiste à « lutter contre les érosions qui terrassent l’habitat congolais ». En janvier 2016, le gouvernement avait pourtant levé un chapelet de 28 mesures dites urgentes parmi lesquelles la création de banques spécialisées, notamment la Banque de crédit immobilier. Hélas, près de 3 ans plus tard, rien n’est venu.
En 2012, une étude officielle avait estimé que la capitale accusait un déficit de 2.5 millions de logements « décents » et qu’à l’échelle nationale, le déficit serait de plus de 12 millions de logements. Sans doute que les besoins en logement se sont davantage accrus, ces cinq dernières années. Pourtant, selon le code d’éthique et de déontologie de l’agent public de l’État, il est recommandé à ce dernier de « disposer d’un habitat viable et propre ».
Financé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Canada et le Haut commissariat aux réfugiés (HCR), la Commission Européenne et le Secrétariat de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, l’ONU-Habitat a investi, entre 2008 et 2015, quelque 22 685 203 dollars pour 11 projets dans le Nord-Kivu, en Ituri et l’ex-Equateur.