APRÈS Ford et Jaguar-Land Rover, c’est le patron d’Aston Martin qui se fait l’écho d’une crainte grandissante, dans ce secteur qui pèse 4 % du Produit intérieur brut (PIB) du Royaume-Uni et emploie 850 000 personnes. « Un Brexit sans accord n’est pas une option ». C’est l’avis sans aucune équivoque de la SMTT (Association britannique des constructeurs automobiles), publié fin juillet. « Nous faisons notre possible pour intégrer l’éventualité d’un tel scénario, mais les conséquences seraient graves, non seulement pour notre industrie automobile, mais pour le secteur dans l’Europe entière », a déclaré dans le même temps Mike Haws, le patron de l’organisation.
Un avis partagé par l’ensemble des grandes enseignes britanniques, les unes après les autres. La dernière en date, la très prestigieuse Aston Martin, s’est aussi inquiété des conséquences d’une telle hypothèse.
« Ce serait un désastre de part et d’autre de la Manche » prévient Andy Palmer, l’actuel directeur général, alors qu’il s’apprête à passer les rênes du groupe à Penny Hugues, la nouvelle présidente, tout en préparant l’introduction en bourse du constructeur le mois prochain.
Risque de blocage total ?
Mais c’est sans doute Jaguar-Land Rover, 1er constructeur britannique, qui est le plus concret dans ses craintes : « Le Brexit doit avoir lieu le 29 mars prochain. À l’heure actuelle, je suis incapable de vous dire si mes usines seront en mesure de fonctionner le 30! » s’exclamait le patron du groupe, Ralph Speth, il y a une semaine. « Si l’autoroute vers Douvres se transforme soudainement en parking à ciel ouvert à cause de nouveaux contrôles douaniers, la situation va devenir ingérable » a-t-il ajouté. « Les politiques restrictives sur le diesel ont déjà coûté près d’un millier d’emplois. Un No Deal Brexit se chiffrerait en dizaine de milliers », a-t-il estimé.
Quelques semaines plus tôt, c’était Ford, le constructeur américain, implanté aux Royaume-Uni via 3 usines, qui a déploré une chute de plus de 850 millions d’euros de ses bénéfices en 2017, du fait de ces incertitudes. Et là aussi les inquiétudes sont concrètes : « Comment allons-nous pouvoir importer des composants et exporter nos voitures? », s’alarme Mike Flewitt, ancien vice-président de Ford, mais aussi patron du constructeur de voitures de sport Mc Laren. Le secteur automobile britannique, en effet, écoule 81 % de sa production à l’export…
Ce sont surtout les incertitudes et le flou autour des négociations, qui sont en train de miner un secteur qui fonctionne depuis toujours sur des cycles relativement longs et davantage sur du haut de gamme à forte valeur ajoutée. Au 1er semestre, la production automobile britannique a baissé de 3,3 %, avec une baisse spectaculaire de 47 % du marché domestique, et les investissements y ont été réduits de moitié sur un an.
Seul un signal politique fort pourrait au moins donner la direction à une industrie qui n’a d’autres choix que d’imaginer des délocalisations, tout du moins les constructeurs fortement internationalisés, comme Jaguar-Land Rover, qui a augmenté ses capacités de production dans son usine en Slovaquie. Mais difficile d’imaginer Aston Martin ou Mc Laren produire autre part qu’en Grande-Bretagne…