Interview de Vladimir Poutine

Les Russes ont gagné leur pari. Qu’il s’agisse du Sommet ou du Forum économique de Sotchi, tout a été organisé avec la précision des aiguilles d’une horloge. Les Africains y ont apporté leurs idées sur comment ils appréhendent le développement de la coopération avec la Russie. Et qu’est-ce que la Russie est prête à proposer aux États africains?

BUSINESS et Finances tenait à être présent à Sotchi pour couvrir le Sommet et le Forum économique Russie-Afrique prévus les 23 et 24 octobre. Cependant, malgré l’invitation des organisateurs et le visa obtenu quatre jours avant l’événement, nos tentatives d’arriver dans cette ville balnéaire avant le jour j ont échoué, notamment faute de place disponible chez le transporteur aérien reliant Kinshasa à Sotchi directement. 

Heureusement, dans la perspective de ce double événement, Business et Finances a voulu interviewer l’ambassadeur de la Fédération de Russie en République démocratique du Congo, avant la tenue du Sommet et du Forum économique Russie-Afrique. Les services de l’ambassade nous ont assurés que notre questionnaire d’interview a été envoyé à Moscou. Et ils nous ont fait parvenir les déclarations de Vladimir Poutine, le président de la Fédération de Russie, retranscrites par l’agence d’information publique russe TASS. Dans celle-ci, le président russe fait un véritable tour d’Afrique.

Question : le Sommet de Sotchi est appelé à ouvrir un nouveau chapitre dans les relations entre la Fédération de Russie et les pays d’Afrique. Quel est l’atout majeur de la Russie que vous présenterez aux chefs des délégations lors du sommet? 

Pour Vladimir Poutine, la Russie et les pays africains sont liés par des relations traditionnellement amicales, éprouvées par le temps : « Notre pays a joué un rôle significatif dans la libération du continent (africain), en aidant la lutte des peuples d’Afrique contre le colonialisme, le racisme et l’apartheid. Plus tard, nous avons aidé les Africains à protéger leur indépendance et leur souveraineté, à établir les États, à mettre en place les fondements des économies nationales, à créer des forces armées aptes au combat. » 

Et d’ajouter : « Les spécialistes soviétiques, et puis russes, ont construit d’importants sites de l’infrastructure, des centrales hydroélectriques, des routes, des entreprises industrielles. Des milliers d’Africains ont reçu une formation professionnelle de qualité dans nos grandes écoles. De nombreux leaders actuels des pays africains s’en souviennent bien et apprécient notre soutien. Nous n’oublions pas ces pages de l’histoire non plus. »

Sommet : point de départ

Vladimir Poutine poursuit son propos, en déclarant qu’« aujourd’hui, le développement et le renforcement des relations mutuellement avantageuses avec les pays africains et leurs groupements d’intégration font partie des priorités de la politique extérieure russe ». Ce qui vient de passer à Sotchi, le 24 octobre, est « événement historique sans précédent. C’est le premier sommet à part entière, qui a rassemblé les leaders des pays africains et les dirigeants des groupements régionaux majeurs. 

« L’idée d’organiser un tel événement a surgi il y a longtemps, mais il a fallu du temps et de grands travaux préparatoires pour que le Sommet devienne le point de départ pour des relations de partenariat équitables, basées sur l’égalité en droit et l’intérêt pratique mutuel », explique à TASS le président russe. Au Sommet de Sotchi, Vladimir Poutine attendait de ses homologues africains, des représentants des milieux d’affaires une batterie importante des propositions visant l’élargissement des relations bilatérales. 

Et des dirigeants des organisations régionales africaines, leur perception sur la manière de « développer ensemble » la coopération multilatérale. « Nous allons examiner ces idées avec intérêt et réfléchir sur ce qui peut être réalisé dès maintenant et ce qui demandera une étude supplémentaire », a souligné le président russe. En tout cas, la Russie, de son côté, a des projets concernant le développement futur des relations avec le continent africain. « Nous visons à discuter ces idées avec nos partenaires, les systématiser et fixer de manière la plus concrète que possible dans la Déclaration finale. En plus, il est important de définir les mécanismes pour réaliser les accords qui seront conclus lors du Sommet à Sotchi », a déclaré Vladimir Poutine.

Persuadé que le Sommet de Sotchi a été « une réussite » car toutes les conditions préalables nécessaires ont été remplies : « Aujourd’hui, les relations russo-africaines sont en plein essor. Un dialogue politique intense est en cours, y compris sur les questions de sécurité globale et régionale. Les liaisons interparlementaires s’élargissent. Le commerce mutuel augmente et se diversifie progressivement. » C’est donc ensemble avec la communauté mondiale que la Russie prête une assistance intégrée à l’Afrique, y compris pour réduire le fardeau de la dette des États. 

À ce propos, le président russe déclare : « Nous réalisons avec de nombreux pays les programmes ‘dette en échange du développement’. Nous aidons à lutter contre la propagation des maladies transmissibles (y compris la fièvre hémorragique Ebola), à surmonter les séquelles des catastrophes naturelles, à régler les conflits existants et à prévenir de nouvelles crises. Nous assurons la formation des cadres nationaux africains dans les universités russes à titre gratuit et commercial. Nous établissons l’interaction dans le cadre des institutions de défense et des forces de l’ordre. »

Selon Vladimir Poutine, le champ de la coopération russe est loin d’être limité : « Nos partenaires africains voient et apprécient la politique extérieure de la Russie, y compris en ce qui concerne le continent (africain), qui est constructive. Que notre pays qui est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies se prononce pour la démocratisation de la vie internationale, soutienne l’aspiration bien fondée des États africains de mener une politique indépendante et autonome et de définir leur avenir eux-mêmes, sans recommandations imposées. » 

Protection des investissements

Et d’ajouter : « Avec ceci, nous ne soumettons pas notre soutien et les projets de développement proposés à des conditions politiques ou autres, aux préférences économiques et commerciales soi-disant ‘exclusives’ qui sont en réalité léonines. Nous n’imposons pas notre position  mais nous respectons le principe proposé par les Africains eux mêmes, c’est-à-dire ‘solutions africaines aux problèmes africains’. »

À en croire le président Poutine, le volume des investissements russes en Afrique sera considérable dans les cinq ans à venir : « Aujourd’hui, nous sommes en train de préparer et de mettre en œuvre des projets d’investissement avec la participation russe envisagée en termes de milliards de dollars. Les ressources dont disposent la Russie et les entreprises russes sont importants. À notre tour, nous attendons que nos partenaires créent des conditions stables et prévisibles, ainsi que les mécanismes de protection des investissements qui sont indispensables pour le business. Nous attendons aussi d’eux qu’ils assurent un climat des investissements favorable. »