Jean Paul Rodall Dambana, administrateur des sociétés : «Oui, à l’émergence des Congolais »

Pour décrire l’économie de la République démocratique du Congo aujourd’hui, un entretien avec cet homme d’affaires congolais en vaut vraiment la peine. Il connaît bien les hommes et les milieux d’affaires. Avec des idées plein la tête, il observe la scène en prenant de la hauteur.

JEAN PAUL Rodall Dambana est un homme d’affaires assagi à la longue par les épreuves. Quand il rentre au pays en provenance de la Belgique en 1982, il monte une petite société des voitures taxis. Puis le voilà, l’année suivante, administrateur dans la société International Trading Compagnie (ITC). En 1986, il est recruté par la société Cultures et élevages du Zaïre (CELZA), à l’époque, une propriété de feu Konga Mobutu, l’un des fils du président Mobutu Sese Seko, au poste de directeur en charge du département technique de douane et transit services. 

Ensuite, en 1988, il rejoint la société SOCODAM Sarl créée en 1986 par Dambana Sungu, pour en prendre la direction. Il innove en créant au sein de la société un département d’assurance (courtier d’assurance) en 1990, puis fait agréer la société en 1992 comme commissionnaire en douane jusqu’à ce jour. L’entrepreneuriat, pour lui, est avant tout « une ambition de jeunesse, pleine d’espoir, avec une vision claire et des stratégies bien conçues et définies », nous confie-t-il. Grâce à cette motivation, il a fait de SOCODAM ce qu’elle est devenue aujourd’hui : une entreprise fiable et incontournable dans son secteur d’activité.

Ce qui fait actuellement la fierté du groupe SOCODAM, c’est sa stratégie basée sur « la transparence, le respect des engagements, la quête de l’amélioration des services et le développement à l’international ». Le groupe se positionne actuellement comme une structure « importante et puissante » dans chacune de ses activités regroupées en 6 pôles. Ainsi, SOCODAM peut se vanter d’une solide expérience de plus de 30 ans dans les secteurs de transit et de douane, pour lesquels la société dispose d’infrastructures adéquates à travers le pays. 

Aujourd’hui, SOCODAM est comptée « parmi les 5 leaders nationaux », avec comme activités principales : import-export, commerce général, dédouanement, assurances et réassurance, entreposage et affrètement, voyages et tourisme, concessionnaire des entrepôts publics concédés (EPC) sous douane à Kinshasa, Lubumbashi et Mwene-Ditu, déménagement national et international, transport sous douane et routier, agent maritime en RDC…

Ambitieux, visionnaire, sa réussite est le fruit d’une « grande volonté avec un cap et des objectifs bien précis pour obtenir les résultats que tout le monde voit aujourd’hui. Comme la plupart des jeunes entrepreneurs de son époque, Jean Paul Rodall Dambana rêvait de devenir un capitaine d’industrie. Comme Dokolo, Bemba et les autres qu’il considérait à ses débuts comme des modèles de capitaines d’industrie dans le pays. Ses collaborateurs disent de lui que c’est un « génie » dans les affaires : organisateur, bosseur de tout cran. Aujourd’hui, Jean Paul Rodall Dambana est fier de dire, sans fausse modestie, qu’il est le leader dans son secteur d’activité. 

Business & Finances : Quel est l’impact de la pandémie de Covid-19 sur vos activités, et sur les affaires en général dans notre pays ?

Jean Paul Rodall Dambana : D’une manière générale, l’impact de la pandémie de Covid-19 est catastrophique dans tous les secteurs dans notre pays. Mais en ce qui concerne le secteur économique, elle nous a sévèrement sinistrés, quand on sait que notre économie est à terre depuis plusieurs années, à cause notamment de la guerre. Et comme vous le savez aussi, notre économie est extravertie, c’est-à-dire nous dépendons plus de l’importation. Avec les mesures de confinement et de fermeture des frontières à l’international, les effets sont plus que négatifs…

BEF : Au vu de l’ampleur de la pandémie dans le monde et de ses répercussions sur les entreprises, quelles revendications pourriez-vous adresser au gouvernement ?

J. P. D. : Je souhaite ardemment que Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, reçoive tous les opérateurs économiques pour définir et lancer le programme de l’après-Covid-19. Puisque les effets du Covid-19 n’épargnent personne, grand comme petit, je souhaite qu’il échange avec tout le monde : FEC, COPEMECO, FENAPEC, FPI, OPEC, Autorité de régulation de la sous-traitance, banques commerciales, compagnies d’assurances, etc. pour mettre en place un programme de relance économique. 

BEF : Pensez-vous qu’un plan de relance de l’économie et de soutien aux entreprises soit salutaire ?

J. P. D. : Absolument. Il nous faut un accompagnement fort du Fonds de promotion de l’industrie et de l’Office congolais des petites et moyennes entreprises, parce que les opérateurs économiques, grands ou petits, sont tous sinistrés. D’ailleurs, nous suivons tous ce qui se fait ailleurs, notamment aux États-Unis et en Europe. Les gouvernements allouent des fonds pour la relance non seulement de l’économie mais aussi pour voler au secours des entreprises. Dans ces pays, compte tenu de la situation, on ne parle que comment relancer l’économie.

BEF : Maintenant que l’État n’a que peu de ressources budgétaires, les opérateurs économiques en général et les importateurs en particulier réclament des allègements fiscaux, cela vous semble justifié ?

J. P. D. : S’agissant des mesures d’atténuation des effets du Covid-19 sur le plan fiscal, l’État accordé aux opérateurs économiques trois mois d’exonération sur les importations des produits de première nécessité en termes de TVA et de facilités. Mais ce moratoire est vite passé comme un éclair parce que les opérateurs économiques n’ont pas eu le temps de s’organiser pour en bénéficier, à cause des mesures de confinement et de l’état d’urgence sanitaire. 

Voilà pourquoi nous demandons au gouvernement d’accorder aux opérateurs économiques un nouveau moratoire de trois mois, voire de six mois pour importer et se relancer, maintenant que l’état d’urgence sanitaire a été levé. La réalité est qu’il y a un ralentissement général à l’international. Les navires n’arrivaient presque pas au port de Matadi. Bref, il y avait blocage au moment où on a annoncé les mesures. Or, pour importer, et ce n’est un secret pour personne, il faut souscrire une licence d’importation. Pour faire venir un container d’Asie ou d’ailleurs, il faut compter au moins 60 jours, et au moins 15 jours pour les opérations de dédouanement et autant de jours pour distribuer les marchandises à Kinshasa ou à l’intérieur du pays. Et donc vous êtes déjà au-delà de trois mois.

BEF : Vous soutenez donc que la pandémie de Covid-19 est un cas de force majeure, comme le disent les Congolais de la diaspora qui se plaignent aussi des pénalités infligées au dédouanement ?

J. P. D. : Tout cela fait partie des plaintes des opérateurs économiques. C’est pourquoi l’État doit rajouter encore six mois puisqu’il n’y a pas d’accompagnement financier pour eux. Le seul accompagnement que l’État puisse faire en leur faveur, c’est de les laisser respirer un peu sur le plan fiscal. Disons-le, il y a trop de contraintes sur le plan fiscal. Déjà la Direction générale des impôts (DGI) a écrit pour demander aux opérateurs économiques de payer le quatrième acompte prévisionnel. Ça n’existait pas ! Où voulez-vous que les gens aillent trouver l’argent pour payer ?

BEF : À vous entendre parler, faute de plan de soutien aux entreprises, le pire est donc à craindre ?

J. P. D. : À mon humble avis, ça va être très difficile, parce que déjà le fait de ne pas accompagner les opérateurs économiques, beaucoup d’entre eux vont mettre la clé sous le paillasson et disparaître. Beaucoup d’entreprises vont fermer, sinon elles vont carrément procéder par des licenciements et des congés techniques. Je répète, sans un accompagnement fort, il va être vraiment difficile. Le gouvernement devrait présenter un plan de relance de l’activité économique dans le pays. Pour cela, il faut réunir les capitaines de l’économie congolaise parce que ce n’est pas encore tard pour bien faire. Voilà pourquoi le chef de l’État doit réunir tout le monde pour échanger sur l’avenir. 

BEF : Avec l’expérience que vous avez accumulée au fil des ans, quel regard jetez-vous sur l’écosystème des affaires dans notre pays ?

J. P. D. : Par expérience, je vous dirai que faire les affaires en RDC n’est pas du tout un exercice aisé. Le pays a ses réalités. Cela demande l’observance de certains principes, tels que la rigueur, l’intégrité, la discipline et surtout la patience…

BEF : C’est un fait ! La race des self-made men, véritables capitaines d’industrie, que le pays a connue jusque dans les années 1980 a disparu. Oui à l’émergence de nouveaux millionnaires congolais ?

J. P. D. : À mon humble avis, les époques sont pratiquement bien différentes. À l’époque à laquelle vous faites allusion, nos aînés ont pu évoluer facilement et ont bénéficié de l’accompagnement de l’État. En plus, il n’y avait pas la mondialisation, en tout cas pas comme nous la vivons aujourd’hui. Quand nous nous sommes lancés dans les affaires, nos modèles étaient Dokolo et Kisombe au Kongo-Central, Bimsum et Fontshi au Kasaï, Bemba et Moleka à l’Équateur, etc. C’est bien dommage que tous ces capitaines d’industrie soient partis. Ce fut des self-made men partis de rien pour devenir ce qu’ils étaient. On ne voit plus cette race d’entrepreneurs dans notre pays. C’est regrettable de voir que les jeunes d’aujourd’hui préfèrent faire la politique pour gagner facilement l’argent. Je pense qu’avec la sous-traitance, si c’est bien appliqué, beaucoup de gens vont fuir la politique pour faire les affaires. 

Il est intéressant de rappeler que tous ces hommes d’affaires et bien d’autres ont bénéficié du soutien du politique. C’est avec les marchés publics, l’argent de l’État qu’on arrive à faire quelque chose. En donnant les marchés publics dans le secteur des grands travaux, par exemple, aux Congolais, ils vont créer des emplois, payer des impôts, etc. Mais que constatons-nous aujourd’hui ? Trop d’implication de ce même politique dans l’économie. Même si vous avez un projet d’affaires, celui qui a la signature vous exige d’être votre associé, et vous recommande des membres de sa famille, le plus souvent sa compétence pour les embaucher…

BEF : Vous avez évoqué la sous-traitance. Vous y croyez vraiment ?

J. P. D. : La sous-traitance dans le secteur privé, c’est en tout cas la clé de l’émergence des patrons congolais. Il faudra alors donner plus de pouvoir à l’Autorité de régulation de la sous-traitance et non se mettre à la combattre. C’est avec la sous-traitance que les opérateurs économiques congolais vont trouver leur compte. Pour plus d’efficacité dans l’action, je suggère personnellement que l’Autorité de régulation de la sous-traitance soit placée sous le contrôle de la présidence de la République, et donc du président de la République. Comment voulez-vous créer les 100 premiers millionnaires congolais si vous ne donnez pas les marchés aux opérateurs économiques nationaux ? Il faut que la sous-traitance fonctionne absolument, parce que le secteur représente plus d’1 milliard de dollars qui échappent aux entrepreneurs locaux.

BEF : Justement, comment créer les 100 premiers millionnaires congolais dont a parlé le président de la République ?

J. P. D. : À mon humble avis, pour créer les 100 premiers millionnaires congolais, cela présuppose que les hommes d’affaires congolais aient des réseaux, respectent la parole donnée et les engagements auxquels ils ont souscrit. Bref, ils doivent être dignes de ce qu’ils font. Cela sous-entend aussi que l’État doit jouer pleinement son rôle d’accompagnateur économique. Cela étant dit, avant de créer les 100 premiers millionnaires dans le pays, il faut d’abord créer les premiers capitaines de notre économie. 

C’est donc ces capitaines qui vont entraîner les autres vers l’émergence, et qui vont relancer l’économie nationale. Ils doivent être de tous les voyages du chef de l’État à l’étranger. Regardez Emmanuel Macron ou Donald Trump, par exemple. Quand ils se déplacent, plus de 60 % des membres de la délégation présidentielle sont des hommes d’affaires. Le président de la République devrait travailler un groupe de capitaines d’industrie, qui, eux, à leur tour, vont booster les autres entrepreneurs nationaux. Et de ce noyau-là sortiront les 100 premiers millionnaires congolais.  

BEF : Combien en faudrait-il pour constituer ce noyau d’élite ?

J. P. D. : À court terme, je pense qu’il en faudra au moins 10 capitaines de l’économie nationale, leur donner les moyens pour qu’ils deviennent forts. C’est donc avec ce petit noyau que l’on va lentement mais sûrement créer des millionnaires. L’État doit faire le choix des gens qui sont des leaders dans les secteurs d’activité et en faire réellement des capitaines d’industrie. L’idéal c’est avoir au moins un capitaine d’industrie dans chaque province. 

BEF : Il faut donc développer le patriotisme économique, avoir une politique volontariste. C’est cela…

J. P. D. : Pourquoi ne pas nous inspirer des expériences des autres. Prenez le cas du Nigéria, c’est le président Olusengun Obasanjo qui a permis de créer les Dangote, Elumelu et tant bien d’autres milliardaires nigérians. C’est une question de vision politique. En Afrique du Sud, on a également créé des milliardaires noirs grâce à une politique mise en place donnant priorité à la promotion des noirs. C’est le cas notamment en Éthiopie, en Zambie, en Tanzanie… Partout, en Afrique, la tendance aujourd’hui c’est d’identifier les entrepreneurs locaux qui sont actifs dans leurs secteurs et leur donner beaucoup de moyens pour devenir puissants. En tout cas, les gens sont découragés parce qu’ils ne sentent pas la volonté politique dans le chef de nos dirigeants. Cette fois-ci, nous croyons que le chef de l’État va créer réellement les 100 premiers millionnaires congolais. C’est maintenant qu’il faut commencer car on ne crée pas un millionnaire en deux ou trois ans. C’est tout un processus.

BEF : Chez vous, l’émergence passe aussi et nécessairement par la promotion des Congolais dans les secteurs clés de la banque, des assurances et réassurance, en dehors de la sous-traitance que nous avons déjà évoquée…

J. P. D. : Absolument. En libéralisant le secteur des assurances et réassurance, l’État aurait dû mettre des garde-fous. Vous voulez créer une société d’assurances en RDC, prenez un Congolais. Au Nigeria, par exemple, les compagnies d’assurances sont aux mains des Nigérians. Chez nous, on trouve des banques familiales qui contrôlent l’économie du pays et qui sont en même temps des compagnies d’assurances, avec les dépôts des contribuables congolais. 

Et dans ce contexte, la Société nationale d’assurances (SONAS) va disparaître si elle n’est pas restructurée. Si la SONAS tient encore, tant bien que mal, c’est parce qu’au niveau du Guichet unique pour les déclarations des véhicules, elle a encore le monopole. Mais du moment où les transitaires seront libres de choisir leurs assureurs, d’office la SONAS va disparaître. 

Heureusement, la loi exige que désormais tout ce qui est assurance, doit se faire à travers les structures installées au pays. D’ailleurs, à ce propos, il est prévu une réunion à la Fédération des entreprises du Congo. 

BEF : Comment, à votre avis, l’État doit-t-il jouer son rôle ?

J. P. D. : En créant ou en favorisant, par exemple, les premières compagnies d’assurances privées congolaises, les banques dans lesquelles les patrons seront des Congolais, dont la mission sera d’accompagner et promouvoir les opérateurs économiques nationaux. Notre économie est contrôlée à 100 % par les expatriés, et cela dans tous les secteurs. Ça n’est pas normal dans un pays moderne et qui se respecte.

BEF : Est-ce par amour du pays qu’on trouve encore quelques entrepreneurs nationaux actifs au pays comme vous ?

J. P. D. : Personnellement, c’est un grand souci de voir la disparition de 90 % des hommes d’affaires congolais. Nous sommes actuellement le seul pays au monde où l’économie est totalement contrôlée par les étrangers. Quand on parle économie, il n’y a plus de Congolais. Même la FEC est contrôlée par les étrangers. Il y a vraiment un grand problème. Cependant, avec d’autres, nous nous battons, même si nous ne sommes pas nombreux. C’est vraiment difficile, parce que souvent, ce sont nos propres frères congolais qui nous combattent au profit des étrangers. Autre problème : le business est tribalisé dans notre pays. Ceux qui ont la signature bloquent et e privilégient que les opérateurs économiques de leur tribu ou ethnie.

BEF : Disons-le, votre propos ressemble fort à un coup de gueule qui appelle à une prise de conscience collective ?

J. P. D. : Ce n’est pas normal que les opérateurs économiques nationaux par manque d’appui public deviennent ou se transforment, par conséquent, en opérateurs politiques. J’insiste encore, il nous faut un accompagnement fort venant de l’État pour revaloriser et revigorer les entrepreneurs locaux. Le pays ne peut se développer profondément que si nous investissons dans la création de prototypes, de mentors congolais dans les secteurs suivants : banque, assurance, travaux publics, énergie, agriculture, etc. Je félicite sincèrement la Banque mondiale et le gouvernement pour les efforts dans l’amélioration du climat des affaires dans plusieurs secteurs grâce à des réformes dans les secteurs liés à l’économie, notamment la justice, l’administration publique…

BEF : Quels sont aujourd’hui les atouts et les faiblesses de notre économie ?

J. P. D. : Il y a malheureusement plus de faiblesses que d’atouts dans le fonctionnement de notre économie. Le constat est qu’elle est actuellement tournée uniquement vers l’exportation des minerais et l’importation à plus de 80 % des produits de première nécessité. Cela a un impact sur la balance commerciale. C’est bien dommage que nous soyons arrivés à importer ce que nous pouvons produire localement, par exemple, dans les domaines de l’agriculture, l’élevage et la pêche. Pire, nous importons même les cure-dents alors que le pays a en abondance du bois et des bambous.

C’est vraiment bien triste que la RDC soit réduite à un pays de consommation par ses voisins. Les frontières de Lufu (Kongo-Central) et Luisa (Kasaï-Central) servent de porte d’entrée pour les produits venant de l’Angola, celles de Kasumbalesa et Mukambu (Haut-Katanga) pour les produits venant de la Zambie, la grande et la petite barrières à Goma (Nord-Kivu) pour les produits en provenance du Rwanda…

BEF : Que diriez-vous du fonctionnement du système financier dans notre pays ?

J. P. D. : En tant qu’entrepreneur, je dirai qu’il faut revoir surtout le système des crédits alloués aux opérateurs économiques. Il est tout simplement compliqué et complexe. 

Aujourd’hui, dans les banques commerciales du pays, le niveau des dépôts est estimé à environ 3.5 milliards de dollars. Cependant, il y a trop de conditions pour accéder au crédit bancaire, surtout pour les jeunes entrepreneurs. Nous saluons les efforts du Fonds de promotion de l’industrie pour les crédits qu’il met à la disposition des entreprises locales, mais il faut un accompagnement massif des opérateurs économiques nationaux. 

BEF : Au vu des problèmes et des difficultés, que préconisez-vous ?

J. P. D. : Nous proposons que soit créé un fonds de garantie pour les entreprises congolaises et qu’il y ait émergence des banques dont les capitaux seront à 100 % congolais. D’ailleurs, ça ne sera pas nouveau parce que dans le pays, on a connu la BIC avec Kinduelo, la BK (puis NBK) avec Dokolo, la Banque du peuple, la Banque de crédit agricole, la Sozabanque…

BEF : La diaspora partout en Afrique représente aujourd’hui un poids économique non négligeable. Comment lui faire jouer justement un rôle de premier plan dans l’émergence économique de notre pays ?

J. P. D. : Certes, la diaspora congolaise est devenue une force économique à ne pas négliger. Mais nos compatriotes résidant à l’étranger, ne sont pas suffisamment informés de ce qui se passe dans le pays, surtout en matière de facilitations pour entreprendre. Il appartient donc au ministère en charge des Congolais de l’étranger de redoubler les efforts, avec le concours de nos ambassades, pour leur expliquer, par exemple, ce qui se fait au niveau de l’Agence nationale de promotion des investissements (ANAPI). Aujourd’hui, il est prouvé que la diaspora représente un potentiel énorme d’investissement pour le développement du pays d’origine des migrants.

BEF : La douane, c’est carrément un serpent de mer pour les émigrés congolais. Ils s’en plaignent souvent comme étant l’une des plus cher au monde. Y voyez-vous un frein à l’épanouissement des affaires et au développement ?

J. P. D. : Je pense que les gens se font une mauvaise opinion en s’imaginant que c’est la douane congolaise est la plus cher au monde. Il faut enlever des esprits la confusion autour de droits, taxes et autres frais liés aux opérations de dédouanement. Le constat est que souvent, les opérateurs économiques locaux et même les Congolais de la diaspora ne prennent pas le soin de bien s’informer sur la procédure en matière d’importation et de taxes à payer lors des opérations de dédouanement.

BEF : Quels sont aujourd’hui les secteurs les plus porteurs de croissance dans l’économie nationale ?

J. P. D. : Pour le moment, c’est le secteur minier. Mais je pense que nous devrions nous tourner maintenant vers l’agriculture parce que le pays possède 80 % des terres arables sur son territoire que nous pouvons développer. Nous avons aussi beaucoup de cours d’eau qui représentent 100 000 MW sur lesquels nous pouvons créer des micros barrages. Les grands investisseurs ne souhaitent que l’amélioration du climat des affaires dans le pays. D’une manière générale, ils veulent la paix et la sécurité dans le pays parce que, comme vous le savez, l’argent n’aime pas le bruit. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’opportunités à saisir. Beaucoup même !