Judith Bazou en pèlerine de bonne cause au Cameroun

Heureux qui comme Ulysse a fait un bon voyage. Notre humanitaire individuelle revient du pays de Roger Milla, un pays qu’elle connaît déjà. L’année dernière (juin et juillet), elle était à Kye- ossi, à la frontière avec le Gabon et la Guinée Équatoriale, à l’occasion de la FOTRAC, une foire annuelle organisée par le Réseau de femmes actives de la CEMAC. Cette fois-ci, elle a été à Douala, Bonaberi et Kribi, précisément dans un village des pygmées vers le fleuve Lobé.

FIN 2017, la crise qui oppose les séparatistes anglophones au gouvernement camerounais, se mue en conflit armé. Certains anglophones exigent le retour au fédéralisme, tandis que d’autres réclament la partition du pays. Deux hypothèses que refuse le pouvoir. Des ONG de défense des droits de l’homme dénoncent la répression, souvent sanglante et arbitraire, des velléités indépendantistes dans les régions anglophones contraint des milliers de personnes à la fuite. 

Après avoir fait preuve d’intransigeance, Paul Biya, le président du Cameroun, a convoqué mi-septembre un « Grand dialogue national » à Yaoundé. Ce dialogue, présidé par Joseph Dion Ngute, le 1ER Ministre, avait pour objectif de mettre un terme à la crise qui sévit dans les deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où vit la plus grande partie de la minorité anglophone du Cameroun (16 %). 

Précarité et prostitution

C’est dans ce contexte de crise que le REFAC ou le Réseau de femmes actives de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), choqué par le reportage d’une chaîne de télévision camerounaise sur la situation des jeunes filles déplacées du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, victimes de conflits dans les quartiers de Bonaberi et Ndobo, a décidé de leur apporter secours. Dans ces quartiers, les filles déplacées vivent dans la précarité et, par conséquent, se livrent à la prostitution.

C’est ainsi que dans le cadre du programme de l’Union Africaine (UA) dénommée « Faire taire les armes », et du mois de septembre décrété « Mois de l’armistice », le REFAC a pris l’initiative de « se rapprocher d’elles, les identifier, discuter avec elles, réarmer leur moral afin de leur redonner espoir ». La journée du 28 septembre a été retenue pour une visite sur terrain, afin de « pouvoir les identifier, les sensibiliser sur les risques liés à leur métier de circonstance », notamment le VIH/sida, l’hépatite, etc. 

Pour animer les conférences et d’autres activités, auxquelles il a convié des autorités, le REFAC s’est associé des personnalités et des organisations régionales, dont le Réseau de plateformes nationales d’ONG d’Afrique Centrale (REPONGAC), soit plus de 1 200 ONG, ainsi que le Collectif pour la Paix et le Développement (COPAD). Objectif : « redonner le moral à ces jeunes filles en déperdition ». Le REFAC et le COPAD proposent des formations diverses aux filles qui ne souhaitent plus retourner à l’école; des métiers de transformation agropastorale ; des sessions de production artisanale des vêtements et des chaussures (tissage), de couture, de coiffure…Le REPONGAC a été donc représenté par Robert Mabala, son coordonnateur, et Judith Bazou, experte en genre et santé sexuelle. Congolaise de la République démocratique du Congo, cette humanitaire individuelle, cet électron libre du planning familial qui travaille déjà dans plusieurs pays (RDC, Gabon, Benin, etc.), est résidente à Lille en France. Judith Bazou s’occupe principalement de l’éducation à la vie et de l’éducation conjugale depuis 2012. 

Adepte de 3S (S comme sensibilité, S comme santé et S comme sexe), elle a décidé, en 2016, de se lancer dans l’humanitaire individuelle en Afrique. Comme elle le dit, elle-même, elle arpente les lycées, les collèges, les universités et les centres sociaux pour enfants abandonnés, non pas pour distribuer des dons et de l’argent, comme c’est coutume avec les ONG traditionnelles, mais pour discuter et échanger avec les jeunes à propos de leur sensibilité et de leur santé sexuelle.

Invitée par le REFAC, elle a donné des conférences, animé des séances d’échanges à Douala, Bonaberi et Kribi, précisément dans un village des pygmées vers le fleuve Lobé, du 27 septembre au 3 octobre. Douala est connu pour son port. C’est la capitale économique du Cameroun, le principal centre d’affaires et la plus grande ville (environ 3 millions d’habitants) du pays avec Yaoundé. C’est le chef-lieu de la région du Littoral et du département du Wouri, avec lequel se confond la communauté urbaine de Douala.

Bonaberi est le 4è arrondissement de Douala. Une agglomération mélange de zone industrielle, des quartiers résidentiels et des habitations spontanées. Kribi se trouve dans le département de l’Océan et à l’embouchure des rivières Kienke et Lobe, à environ 160 km au Sud de Douala. La Lobe se jette dans l’Océan Atlantique sous forme de chutes à proximité de Kribi. 

Déficit d’information

Dans son carnet de voyage, notre humanitaire individuelle rapporte avoir constaté un déficit d’information sur l’éducation sexuelle chez les femmes en général dans la région visitée. Dans un camp des personnes déplacées à Bonaberi, Judith Bazou a échangé avec des jeunes filles et des femmes adultes sur les infections sexuellement transmissibles (IST) et la contraception. Elle nous confie qu’elle a été surprise d’apprendre que les femmes portent systématiquement un implant en guise de méthode de contraception, alors qu’il en existe d’autres. À Bonaberi tout comme à Kribi, il lui a fallu expliquer, apprendre, rassurer et mettre en confiance les femmes adultes, les jeunes filles, voire les garçons qui lui posaient souvent des questions de curiosité. Comme humanitaire individuelle, Judith Bazou dit apporter seulement son expérience et ses conseils… rarement de l’aide financière. « Seulement quand je suis vraiment touchée par une situation de détresse. C’est ce que je fais au Cameroun. J’ai fait un don des savons aux déplacés. En effet, ça n’est pas facile de faire de l’humanitaire individuelle. Ce n’est pas comme les ONG traditionnelles qui reçoivent des fonds des bailleurs de fonds ou des subventions de l’État. Il faut épargner pour mener à bien son action », nous dit Judith Bazou. Elle se dit déçue par les pratiques de la plupart des ONG dans le pays : « Quand elles arrivent quelque part, elles recensent les besoins à soumettre aux bailleurs et elles reviennent avec des dons. Mais dans l’intervalle, rien n’est fait. Il y a un réel problème de mentalité dans notre pays. »