Judith Suminwa dans les pas d’Angela Merkel ou Margaret Thatcher ? (la suite)

La première source d’autorité du Premier ministre se trouve dans l’acte de nomination.

Fin 2006, Angela Merkel avait présenté un programme en huit points très ambitieux (réforme du fédéralisme, recherche et innovation, énergie, budget, famille, emploi, santé), dont il était évident que la concrétisation serait largement improbable. Nombre d’observateurs prévoyaient un divorce (SPD et CDU). Bon gré mal gré, l’équipe est restée en place. Mieux : de nombreuses réformes ont pu être réalisées. Avec cette philosophie du travail : « Si tu veux aller vite, marche tout seul. Si tu veux aller loin, marche avec les autres. »

Si en Allemagne, Angela Markel a joué à fond la carte du consensus, au Royaume-Uni, par contre, des divisions internes au sein du Parti conservateur (PC), qu’elle dirigeait depuis 1975, ont incité Margaret Thatcher, la Première ministre britannique, à quitter son poste en 1990. À la tête du gouvernementdepuis 1979, la Dame de fer, comme on la surnommait, a marqué l’histoire de son pays par son leadership ferme et des politiques résolument orientées à droite.

Première femme élue (1979), puis réélue à la tête du gouvernement britannique (1983, 1987), Margaret Thatcher imposa son leadership pour enrayer le déclin du pays, embourbé dans une crise à la fois économique, sociale, politique et culturelle. Un parcours semé d’embûches pour celle qui sera l’instigatrice du thatchérisme dans la Grande-Bretagne des années de plomb. Privatisations forcées, libéralisme économique, syndicalisme dans le viseur… Les réformes impopulaires sont légion pendant les mandats de Margaret Thatcher.

« La Dame de fer, comme on la surnommait, a marqué l’histoire de son pays par son leadership ferme et des politiques résolument orientées à droite. Margaret Thatcher imposa son leadership pour enrayer le déclin du pays, embourbé dans une crise à la fois économique, sociale, politique et culturelle. »

En tout cas, depuis 1979, la Grande-Bretagne était devenue un vaste chantier de réformes plus ou moins ambitieuses et plus ou moins bien acceptées de l’opinion. Margaret Thatcher ne voyait en effet dans le consensus qu’une perte de temps, sinon une cause d’immobilisme. C’est pourquoi, on dit d’ailleurs qu’elle aura été le Premier ministre le plus important depuis Churchill. Controversée, intransigeante, intraitable et femme de conviction, Margaret Thatcher aura été à la fois adulée et détestée. Elle n’a jamais résumé son parcours au fait d’être une femme. Elle pensait par ailleurs qu’« aucune femme de son temps ne sera Premier ministre ». L’Histoire lui a donné tort. D’ailleurs, elle a toujours su s’imposer face aux hommes.

Judith Sumwina peut-elle marcher dans les pas d’Angela Markel et de Margaret Tatcher, deux femmes Première ministre au caractère d’acier bien trempé ? « Elle arrive au pouvoir dans un pays en situation d’instabilité sociale. Il faut rediriger l’économie en mettant en place une série de réformes radicales », pense Adrien Shimba, politologue. Et d’embrayer : « Pour redresser le pays, la Première ministre se doit d’adopter des positions très fermes, sur de nombreux sujets touchant ses concitoyens. Il s’agit de remettre les choses à l’endroit, tellement le pays est tombé si bas. »

Judith Sumwina a occupé les postes de coordonnatrice adjointe du Conseil présidentiel de veille stratégique/CPVS et de ministre d’État, ministre du Plan dans le gouvernement Sama pendant le premier quinquennat de Félix Antoine Tshisekedi. Après la réélection de ce dernier en décembre 2023, elle devient Première ministre. 

« D’elle, la population attend qu’elle cherche, par ses méthodes de travail, à rompre avec les pratiques du passé. Qu’elle impose le dynamisme et le souci de l’efficacité dans la conduite de l’État. Ce qui a fait tant défaut au gouvernement Sama », insiste ce politologue. Et de poursuivre : « Qu’elle s’appuie notamment sur des sujets précis, sur des experts et des professionnels. Qu’elle se rapproche des acteurs de terrain. Bref, pour l’ensemble des Congolais, une seule chose : faire sortir le Congo du gouffre. Et c’est dans l’ordre du souhaitable, du possible et du réalisable pourvu qu’elle ait reçu carte blanche du président de la République. »

Pour cela, Judith Sumwina devra être une Première ministre qui gouverne autrement, une Première ministre de conviction et d’autorité dans tous les rouages du pouvoir central. « De la sorte, elle deviendra une figure importante dans l’histoire politique congolaise », explique Isidore Kantuala, sociologue. Qui fait remarquer que la première source d’autorité du Premier ministre se trouve dans l’acte de nomination par le président de la République pour jouer un rôle central au sein du gouvernement qu’il préside. Selon la présentation classique, le Premier ministre coordonne l’activité des différents ministères chargés de la mise en œuvre du programme d’action du gouvernement.