Kinshasa a reçu 17 milliards de dollars en quatre ans

Avec une dizaine de milliards de dollars d’assistance accordée entre 2008 et 2012 à la RDC, les Etats membres de l’Union européenne (UE) et leurs institutions sont les principaux partenaires techniques et financiers du pays avec 44% et 9 % du total. Mais, les résultats restent mitigés. A l’occasion d’un séminaire consacré à l’évaluation de la coopération entre l’Union Européenne et la RDC, un rapport sur les résultats obtenus sur la période 2008-2013 a été publié le 5 juin. 

L’ambassadeur de l’Union Européenne en RDC, Jean-Michel Dumond. (Photo Radio Okapi)
L’ambassadeur de l’Union Européenne en RDC, Jean-Michel Dumond. (Photo Radio Okapi)

 

Objectifs : fournir aux services de l’Union européenne et au public, une estimation indépendante et globale de l’état passé et actuel de la coopération avec la RDC et retenir les leçons clés afin d’améliorer les stratégies et les programmes en cours et futurs de l’UE. Prenant en compte la situation d’après-conflit et de fragilité du pays, la stratégie de coopération UE-RDC pour le 10ème FED (10ème programme du Fonds européen de développement) s’était fixé comme objectif de contribuer à une réduction durable de la pauvreté en appuyant à la fois le redressement de la gouvernance de l’action publique, la reconstruction d’infrastructures et la fourniture de services sociaux de base. Trois secteurs de concentration à savoir la reconstruction politique, via l’appui à la consolidation de la gouvernance notamment dans les domaines de la décentralisation, des finances publiques, de la justice et de la police ; la reconstruction physique, via la réhabilitation d’infrastructures de transport routier et fluvial et la santé ont été retenus.

Quant aux interventions situées hors secteurs de concentration, elles ont porté principalement sur la gestion durable des ressources naturelles renouvelables (forêts, faune), d’une part, et sur le renforcement de l’intégration économique régionale, d’autre part. La coopération UE-RDC a globalement respecté ces orientations initiales. La mise en œuvre de cette stratégie correspond à un volume total d’engagement de 901 millions d’euros (hors financements ECHO, une agence de l’Union européenne, la Banque européenne d’investissement et PSDC), dont 726 millions provenant du FED et 175 millions du budget annuel des institutions européennes. Selon les domaines d’intervention, l’évaluation a porté sur la stratégie de coopération UE-RDC, la réforme du secteur de sécurité et l’Etat de droit, la justice, l’environnement, les finances publiques et la décentralisation, les transports, la santé, la coordination des partenaires techniques et financiers et les modalités d’aide.

Réforme du secteur de la sécurité et l’Etat de droit

En ce qui concerne la réforme du secteur de la sécurité et l’Etat de droit, les appuis de l’UE aux processus ont contribué au respect de l’Etat de droit et à l’amélioration de la sécurité des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national en posant les premiers pas indispensables (recensements des effectifs, appuis à la gestion des ressources humaines, …

L’UE a également contribué à améliorer l’application du droit en RDC dans des zones géographiques précises en fournissant des appuis au fonctionnement et à l’accessibilité du système judiciaire et le renforcement des compétences du personnel concerné. Cependant, on a relevé que la durabilité de ces appuis se heurte à la faiblesse du budget alloué par l’Etat congolais au secteur judiciaire.

Dans le secteur de l’environnement, la combinaison d’instruments, de programmes et de niveaux d’intervention, ainsi que le suivi, la coordination et les modalités d’aide ont été estimés « appropriés » aux enjeux d’une gestion durable des ressources naturelles renouvelables en RDC. Toutefois, les modalités d’appui aux aires protégées et le faible degré d’implication de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) dans la gestion des programmes n’ont pas favorisé l’appropriation de ceux-ci par les institutions nationales, ce qui fragilise la durabilité des résultats.

Les appuis de l’UE dans la gestion des finances publiques et la décentralisation se sont inscrits dans un contexte caractérisé par des lacunes en termes de gouvernance et de capacités. Pour l’instant, ils ne se traduisent pas par des améliorations majeures en matière de financement d’infrastructures de base et de services publics bien qu’ayant contribué à diffuser de nouveaux modes d’organisation et de gestion financière au sein des administrations centrales et provinciales qui favoriseront à terme l’amélioration de la gouvernance financière publique et une meilleure exécution budgétaire des dépenses liées aux infrastructures de base.

D’autre part, les projets de l’UE en gestion directe ont permis à la fois d’ouvrir et d’entretenir un réseau de 2 000 km de routes nationales en terre, rétablissant un maillage autour de la ville de Kinshasa. L’aménagement progressif de la RN1 a contribué à élargir la zone d’influence économique de la capitale vers le Sud. Sur tous ces axes, des activités économiques se sont développées, principalement dans le secteur agricole. Cependant, à travers ces interventions, l’UE n’a pas contribué à relever le défi de la réforme de l’entretien routier en raison notamment des pesanteurs politiques observées dans le chef du gouvernement. Elle a, en revanche, contribué à la définition et à la mise en œuvre d’une politique nationale de santé pertinente. Dans les formations sanitaires soutenues, les populations ont bénéficié d’une offre de soins et de médicaments de bonne qualité et financièrement accessibles à tous.

Appui à 21 districts de santé

Le soutien de l’UE à la réhabilitation d’infrastructures (routes, assainissement de quartiers de Kinshasa) ainsi que les appuis apportés au système de santé public dans 21 districts ont eu des effets positifs directs sur les conditions de vie des populations. Cependant, dans un contexte de trop faible engagement financier de l’Etat et compte tenu de l’intensité de la pauvreté, la pérennité de ces effets est, à l’heure actuelle, loin d’être garantie. Le rapport signale également que, tout au long de la période évaluée, les modalités de préparation et d’exécution des interventions ont globalement tenu compte des spécificités du contexte congolais. Cependant, au regard, d’une part, des ambitions de la stratégie de coopération 2008-2013 (10ème FED) et, d’autre part, des dysfonctionnements persistants de l’administration nationale, les ressources mobilisées n’ont pas été suffisantes en qualité (cas d’une partie de l’assistance technique) ou en quantité (effectifs).

L’appréciation de la pertinence de la stratégie de coopération UE-RDC est nuancée. D’un côté, la stratégie est en phase avec les orientations des politiques de développement affichées par le gouvernement congolais. De plus, tout en respectant les domaines de concentration définis en début de période, elle a su s’adapter à l’évolution du contexte politique et sécuritaire du pays. Cependant, au regard des contraintes qui le caractérisent et des moyens relativement limités dont dispose l’UE pour la mise en œuvre de sa coopération, les objectifs poursuivis pour chacun des domaines de concentration s’avèrent trop nombreux, conduisant à un éparpillement de l’action en termes de réalisations physiques et, surtout, d’accompagnement de réformes sectorielles. Chacun des objectifs poursuivis est pertinent au regard des défis de développement auxquels est confrontée la RDC. Mais, compte tenu du contexte et des moyens disponibles, l’agrégation de tous ces objectifs s’avère moins pertinente.

Faibles capacités des administrations

La durabilité et, en conséquence, les impacts des interventions financées par l’UE ont été fortement hypothéqués par les faiblesses structurelles et les dysfonctionnements qui caractérisent la conduite de l’action publique : carences dans la programmation et l’exécution du budget, faibles capacités des administrations centrales et déconcentrées ; difficultés de communication ; faible respect du principe de l’Etat de droit … A cela s’ajoute l’absence d’un réel partenariat avec les interlocuteurs extérieurs autour des réformes de politiques sectorielles. Au cours de la période évaluée, la coopération UE-RDC ne s’est pas assez focalisée sur le soutien aux activités économiques. En dehors de l’appui à la réhabilitation de routes qui, pour les zones concernées, ont contribué à un certain essor économique, l’UE a surtout cherché à contribuer au rétablissement des conditions macroéconomiques (restauration de la viabilité financière du pays) et politiques (soutien à l’accord-cadre d’Addis Abeba) favorables au développement de l’activité économique. En revanche, les appuis apportés en matière de gouvernance de l’action publique ont délaissé la question cruciale du climat des affaires, alors que celle-ci constitue, notamment dans le secteur minier, un élément clé de l’accroissement de l’investissement privé (national ou étranger) et, par conséquent, de l’amélioration des recettes fiscales.

Plusieurs recommandations ont été formulées. On retiendra celle relative à la stratégie qui consiste à définir des objectifs de coopération réalistes, en tenant compte des risques et de leur probabilité d’occurrence ainsi que des ressources disponibles pour piloter, mettre en œuvre et suivre les interventions. Il faudra faire en sorte que certaines provinces du pays ne soient pas « orphelines » de l’aide extérieure et dans les provinces bénéficiant des appuis de l’UE, chercher le plus de synergies possibles entre les différentes interventions sectorielles de manière à optimiser les impacts de l’aide sur un territoire donné et accorder davantage de place aux dispositifs (enquêtes statistiques, études et recherches socio-économiques, processus de formulation des programmes…) qui permettent d’approfondir les logiques d’intervention et d’apprécier les impacts obtenus.

Pour rappel, la coopération officielle de l’UE avec la RDC avait été suspendue entre 1992 et 2002. Pendant cette période, elle s’est limitée à une action via les ONG. Le programme indicatif nation (PIN) 9ème FED a été signé en septembre 2003. La fonction et les services de l’ordonnateur national ont été remis en place en 2004 et le PIN 10ème FED a été conclu en octobre 2008.Les Accords de Cotonou, signés le 23 juin 2000 pour une période de vingt ans révisables tous les cinq ans sont le fondement de la coopération de l’Union européenne avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Révisés en 2005, ils prévoient une enveloppe globale de 22,682 milliards d’euros dans le cadre du 10ème FED pour la période 2008-2013.