Le deux-roues s’est enraciné dans le paysage de la capitale au point de devenir l’une des solutions aux difficultés de déplacement. Mais, l’interdiction faite aux conducteurs de circuler le soir crée plus de problèmes qu’elle n’en résout.
En juillet, le gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta Yango, décidait de réglementer l’activité des taxis-motos en la limitant à 19 heures pour, semble-t-il, des raisons de sécurité. Aujourd’hui, ceux qui gagnent leur vie en conduisant ces engins lui demandent d’assouplir cette mesure. Selon eux, c’est un coup dur car l’essentiel de leurs recettes est réalisé aux heures de pointe, c’est-à-dire au-delà de 19 heures. « Je suis étudiant à l’Institut supérieur de commerce (ISC), vacation jour. Je paye mes études et mon loyer grâce à ce travail. Compte tenu des horaires des cours, je ne suis opérationnel que le soir. Maintenant, je ne sais pas comment m’en sortir », affirme Luzolo, un conducteur de moto à Kintambo. Pour sa part, Kuvalu, conducteur de moto au marché Bayaka, regrette que cette mesure ne prenne pas en compte la situation sociale de ces conducteurs qui se recrutent parmi les jeunes. « Je dois verser chaque jour 20 dollars au propriétaire de la moto que j’ai achetée à crédit. Avec cette mesure, je ne peux pas respecter mes engagements. Je suis en train de sacrifier ma petite famille, pour répondre aux exigences du contrat. » Si les conducteurs se plaignent, les usagers ne sont pas en reste. « Notre maison se trouve à trois kilomètres de l’arrêt de bus. Les rues de Kimbanseke sont souvent dans le noir et en mauvais état. Après le travail, le soir, je prends souvent une moto qui me dépose juste devant la parcelle. Maintenant, avec cette mesure, je dois à nouveau marcher », regrette Nseka. Conscients des difficultés rencontrées par leurs employés, les propriétaires des motos ont revu à la baisse le montant des versements journaliers, qui sont passés de 18 000 à 13 500 francs. Les conducteurs font observer qu’il ne leur reste plus rien, une fois que le « patron » est servi. La journée, les clients sont rares et les recettes sont souvent maigres. « Nous travaillons seulement pour le patron. Outre le versement, il faut réserver de l’essence et des lubrifiants, tout en priant le bon Dieu pour que la moto ne tombe pas en panne. Sinon, on rentre à la maison bredouille», ajoute Yogo, qui opère dans la commune de Ngaliema.
Tracasseries administratives et policières
Depuis août, les conducteurs des taxis-motos ont été sommés de régulariser leur situation par rapport aux lois qui régissent le transport en commun dans la ville. Beaucoup d’entre eux ont obtenu des permis de conduire, acheté des plaques d’immatriculation et acquis des casques pour eux-mêmes et pour les clients. Cependant, certains d’entre eux se plaignent de n’avoir toujours pas reçu les plaques d’immatriculation deux mois après s’être acquittés des frais exigés (entre 120 et 130 dollars). Entre temps, les policiers chargés de l’exécution des mesures prises par les autorités urbaines leur rendent la vie dure en les arrêtant sans cesse, y compris la journée. « Ils nous font payer des amendes, confisquent les motos qu’ils emmènent souvent au camp Lufungula ou à l’Inspection provinciale de la police. Là, il faut débourser au moins 150 000 francs pour récupérer la moto », s’indigne un groupe de conducteurs. Les taxis-motos constituent aujourd’hui une alternative aux difficultés de transport en commun des Kinois, surtout ceux qui vivent loin des grandes artères, condamnés à parcourir de longs kilomètres à pied. Ils viennent des quartiers les plus reculés des communes de Masina, Limete, Matete, Kimbanseke, Mont-Ngafula…