En réaction à notre article sur les pluies diluviennes à Kinshasa (Des instructions précises du 1ER Ministre pour une réponse urgente aux dégâts matériels), paru dans l’édition double n°251-252, du 9 au 15 décembre 2019, Jean Marie Kalambayi Bajika nous fait observer qu’il n’existe pas des quartiers « plus urbanisés » à Kinshasa. « La présence de belles maisons dans un quartier ne signifie pas que le quartier est urbanisé. Pour autant que ces maisons soient réalisées sans recourir à un plan d’aménagement urbain, le quartier reste non urbanisé du fait de ses constructions anarchiques », recadre-t-il.
Ah bon ! Pour cet ingénieur constructeur de villes, il y a un bon nombre de critères urbanistiques auxquels ces quartiers ne répondent pas. « Il n’y a pas seulement que le critère d’habitat, mais il existe d’autres. Il faut retenir qu’un milieu urbanisé, que ça soit un quartier ou une province, est un milieu qui offre à ses habitants un séjour sain, commode et agréable », déclare-t-il. D’après lui, le fait même que Gombe et Limete ne sont plus épargnés des dégâts causés par les pluies, prouve à suffisance qu’il y a défaut d’urbanisme dans ces quartiers. D’autant plus que ces quartiers ne répondent pas (ou plus) aux exigences de qualité urbanistique. Ceci relève donc de la responsabilité des pouvoirs publics.
Un CV en béton armé
Qui est Jean Marie Kalambayi Bajika ? Ingénieur des constructions, il a plusieurs compétences, notamment en matière de routes, de passation des marchés et gestion des contrats, d’hydraulique urbaine, d’environnement, d’assainissement hydraulique et de bâtiments… Il est un ancien de la Haute École des ingénieurs industriels de Liège (ex-Institut supérieur industriel de Liège, ISIL) en Belgique dont il est sorti ingénieur diplômé en construction (Bac+5) en 1987, après avoir été ingénieur technicien (Bac +3) diplômé de l’Institut du bâtiment et des travaux publics (IBTP) de Kinshasa en 1982.
Jean Marie Kalambayi a aussi suivi des formations dispensées par le Bureau Louis Berger en gestion environnementale des projets d’infrastructures (surveillance et suivi environnemental des chantiers, étude de l’impact environnemental et social, financement Banque mondiale) et en passation des marchés et gestion des projets, financement Banque mondiale). En 1987, il a effectué un stage à la CECOFORMA (ensemblier technico-pédagogique) à Liège (Seraing) sur la conception des ponts et ouvrages de franchissement des rivières ainsi que des ouvrages d’assainissement hydrauliques.
De 1990 à 2000, il a été chargé des cours d’hydraulique urbaine, d’assainissement hydraulique urbain et de topographie pratique à l’IBTP de Kinshasa. Et il a publié deux principales études scientifiques : « Projet d’élaboration des Tables sur le calcul des pertes de charge dans les conduites d’eau en régions tropicales » en juin 2000 et « Révision de la formule superficielle pour la ville de Kinshasa en fréquence décennale », en avril 2003…
Dans sa vie professionnelle, Jean Marie Kalambayi a plus de 10 ans d’expérience avérée en études, gestion, surveillance et contrôle des travaux de construction, réhabilitation et entretien des routes; en contrôle des travaux de construction des ouvrages d’art : ponts, dalots et buses, surtout pendant les 8 dernières années). Il a principalement presté en République démocratique du Congo (pendant 27 ans) et en République du Congo (pendant 3 ans). Il a également une expérience de gestion et supervision de plus de 150 contrats des travaux et services (routes, bâtiments, ouvrages d’art, et autres infrastructures de génie civil ou rural) sous financement des bailleurs bi et multinationaux (Banque mondiale, DFID, Union Européenne, BAD et gouvernement), dont cinq dépassant 10 millions de dollars…
Dans une série d’entretiens à bâtons rompus dans nos bureaux du complexe Texaf Bilembo, cet ingénieur des constructions nous a révélé avoir dans les tiroirs un projet prêt à réaliser de constructions des nouvelles villes à travers toutes les provinces de la RDC, y compris à Kinshasa. C’est un projet pharaonique dont le coût est estimé à plusieurs dizaines de milliards de dollars, dont trente milliards pour la capitale pour une durée des travaux de 5 ans. Ce projet n’attend que les financements des bailleurs pour être mis en chantier.
Il nous dit aussi avoir pris au mot Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, lorsque dans son discours de présentation de son Programme d’urgence des 100 jours, il a exprimé son vœu de « voir les fils et filles du pays lui apporter leurs propositions constructives devant aider la nation pour son progrès dans les différents secteurs de la vie nationale ». Et de poursuivre : « C’est donc, en réponse à cet appel pathétique du chef de l’État, que je lui ai adressé par le biais du service courrier du Palais de la nation ma Proposition constructive d’aménagement du territoire national congolais, avec le sous-titre ‘Aide-Mémoire pour le Président de la République’, sous le couvert de mon Bureau d’études ETRABAGEC Sarl. »
Diagnostic de la situation
En fait, Jean Marie Kalambayi pose le diagnostic et apporte « sa » solution au problème : « Au regard de la situation alarmante qui relève de l’aménagement du territoire national congolais, bien entendu depuis l’accession de notre pays à l’indépendance en 1960, plus d’un Congolais se pose la question de savoir pourquoi nous ne faisons que reculer au lieu d’avancer. Est-ce la mauvaise volonté de nos dirigeants ou est-ce l’incapacité ? Nombreux sont ceux qui, au lieu de s’attaquer à la cause, s’attaquent plutôt à la conséquence. »
D’après lui, cette situation se présente comme suit : insuffisance du réseau de la voirie urbaine revêtue dans chaque province ; inadéquation avec les exigences urbanistiques de quelques routes insignifiantes revêtues de la voirie urbaine dans chaque province ; négligence de la politique d’habitat par le pouvoir, avec comme conséquences les conflits parcellaires, l’occupation frauduleuse du domaine public de l’État, la pollution par l’eau, la pollution par l’air, la pollution sonore et enfin l’aspect lugubre qu’offrent les constructions de style disparate parsemées dans tout le pays.
Cette situation est également due à l’inexistence du réseau d’évacuation des eaux de pluie dans chaque province et à Kinshasa, avec comme conséquences les inondations, les érosions, la destruction des maisons et les pertes en vies humaines ; à l’insuffisance et à l’incapacité du réseau de distribution d’eau potable qui, par conséquent, semble n’avoir pas malheureusement été étudié avant son implantation, avec comme conséquence le manque de desserte en eau dans plusieurs quartiers et plusieurs communes en provinces et à Kinshasa.
Cette situation est aussi le fait du manque d’éclairage public le long de la voirie secondaire et de l’insignifiant éclairage public le long de la voirie primaire ou principale dans les provinces et à Kinshasa ; ainsi que de la précarité de l’électrification des agglomérations dans le pays. Son commentaire est caustique : « La cause principale de toutes ces insuffisances demeure la négligence de la pratique de l’urbanisme par les pouvoirs politiques successifs, dans chaque province, y compris dans la capitale. Ceci est d’autant plus vrai que l’aménagement du territoire national ne trouve son accomplissement qu’en urbanisant chaque province et en assurant une bonne interconnexion entre les provinces par le biais des infrastructures viables et l’aménagement des espaces périphériques de manière commode et agréable. »