TOUTE sa vie, Kobe Bryant aura eu un objectif. « Les gens ne comprennent pas à quel point je suis obsédé par l’idée de gagner », disait-il en 2013 lors d’un entretien en public. « Black Mamba », l’un de ses nombreux surnoms, parlait du terrain, mais son esprit de compétiteur ne s’est pas arrêté aux trophées. Côté salaire, après avoir partagé l’affiche durant huit saisons avec Shaquille O’Neal sous le maillot des Lakers et accepté de toucher moins qu’ailleurs, il a ensuite réclamé son dû. Il a ainsi enchaîné huit saisons à plus de 20 millions de dollars annuels, dont les trois dernières pourtant marquées par une série de blessures sérieuses et des performances en déclin. Au total, 323 millions de dollars amassés en 20 saisons, le deuxième plus gros pactole de l’histoire de la NBA, derrière Kevin Garnett (334).
Affaire de viol
Hors du terrain, le scoreur insatiable a fait mieux encore, avec environ 356 millions de dollars de contrats publicitaires et partenariats durant sa carrière de joueur (jusqu’en 2016), selon le magazine Forbes.
Au centre de cette plateforme idéalement positionnée à Los Angeles, capitale mondiale du divertissement, l’équipementier Nike, avec lequel il s’est engagé en 2003, après une aventure avortée avec Adidas. La marque à la virgule lui versait encore 16 millions de dollars l’an dernier, selon Forbes, soit plus que tout joueur actif, à l’exception de LeBron James et Kevin Durant. La collaboration avait pourtant mal démarré, car quelques jours seulement après la signature du premier contrat, Kobe Bryant était arrêté dans le Colorado pour le viol présumé d’une employée de l’hôtel dans lequel il séjournait.
L’affaire n’ira finalement pas au procès, la victime présumée ayant refusé de témoigner à l’audience, mais la réputation du numéro 8 des Lakers allait en être durablement ternie.
La chaîne de restauration rapide McDonald’s, l’un de ses sponsors, coupera les ponts définitivement, de même que Nutella. Si le Californien d’adoption signe d’autres partenariats plus tard, notamment avec la compagnie aérienne Turkish Airlines ou le fabricant d’ordinateurs Lenovo, son image ne se remettra jamais complètement de cette sortie de route.
Nike, connu pour sa fidélité à ses athlètes, maintiendra pourtant sa confiance à Kobe Bryant et, à partir de la saison 2005-2006, sortira chaque année une nouvelle paire de chaussures à son nom. Mais aux États-Unis et en Occident, le joueur, pourtant largement considéré comme l’un des meilleurs de l’histoire de la NBA, ne succèdera jamais à Michael Jordan, référence absolue en matière de sport business.
Athlète investisseur
La faute à une personnalité individualiste et parfois distante, moins séduisante que celles d’un LeBron James ou même d’un Michael Jordan, pourtant capable de la même dureté mais avec une enveloppe de charmeur. Intéressé par les affaires, plus ouvert sur le monde que beaucoup d’autres sportifs américains car ayant vécu en France et en Italie, Kobe Bryant n’a pas attendu la fin de sa carrière sportive pour élargir ses horizons. Il a notamment été l’un des premiers à saisir le potentiel du marché chinois, dès le début des années 2000.
Grâce à de nombreuses visites, des spots publicitaires tournés spécifiquement pour ce marché, et plusieurs initiatives, notamment humanitaires, le natif de Philadelphie est devenu une légende en Chine. Ses maillots, ses chaussures, et les produits qu’il y promouvait s’y arrachent, lui assurant des revenus significatifs. Au-delà, le basketteur aux cinq titres NBA a été l’un des pionniers d’une nouvelle génération d’athlètes à se positionner en investisseur et plus seulement en véhicule publicitaire.
Il achètera ainsi, dès 2014, 10 % des parts du groupe de boissons énergétiques BodyArmor pour 6 millions de dollars. Quatre ans plus tard, ces mêmes parts seront valorisées 200 millions de dollars après l’entrée au capital de Coca-Cola. À travers sa société d’investissement, Bryant Stibel, Kobe Bryant avait aussi pris des participations dans la plateforme sportive The Players Tribune ou l’éditeur de jeux vidéos Epic Games. Il a également fait une incursion remarquée dans la production cinématographique, avec le court-métrage animé « Dear Basketball », écrit par lui, couronné par un Oscar en 2018.
La retraite sportive a donné à Kobe Bryant une image plus apaisée, le féroce compétiteur se muant en mentor au chevet d’autres joueurs. Avec un capital sympathie en nette augmentation et le désir affiché de rester impliqué positivement dans le monde du basket, Kobe Bryant était assuré de rester longtemps une figure de son sport et une cible privilégiée des annonceurs.