La surprise est de taille : la filiale de Brussels Airlines ne volera plus dans le ciel congolais. Elle a été simplement dissoute le 4 septembre. Raison invoquée : la mauvaise qualité des infrastructures aéroportuaires du pays.
Une fois n’est pas coutume. Dans le drame économique qui vient de frapper la compagnie d’aviation Korongo Airlines, marqué par sa dissolution inopinée, l’insécurité judiciaire et l’insécurité juridique, qui plombent le climat des affaires en République démocratique du Congo, n’y sont pour rien. De ce côté-là, des progrès ont été accomplis par le gouvernement avec, notamment, l’adhésion du pays à l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), un instrument qui permet de contourner les travers de la justice nationale. Dans la disparition inattendue de Korongo Airlines, qui ressemble à celle d’un enfant mort en bas âge, intervenue le 4 septembre à Lubumbashi, c’est un autre aspect méconnu du climat des affaires qui a eu raison de l’audace économique des actionnaires de cette jeune cette filiale de Brussels Airlines.
En marge de la liquidation, décidée au cours d’une assemblée générale extraordinaire, le directeur général de la société, Christophe Allard, a évoqué l’incident survenu le 19 août à l’aéroport de Bipemba, à Mbuji-Mayi, chef-lieu du Kasaï-Oriental, comme raison principale de ce retrait. Ce jour-là, a-t-il expliqué, l’unique Boeing 737-300 de sa compagnie avait été sérieusement endommagé au moment de son décollage à cause du mauvais état de la piste de Bipemba. C’est donc le mauvais état de la piste de l’aéroport de Mbuji-Mayi qui a précipité la dissolution de Korongo Airlines.
L’importance des infrastructures de qualité
Cette situation est l’illustration du fait l’importance de la qualité du climat des affaires ne se limite pas aux lois et aux institutions. Elle s’étend aussi à la qualité des infrastructures mises à la disposition des entrepreneurs. L’exemple de Korongo Airlines restera dans les annales comme une preuve éloquente de la relation qui existe entre la qualité des infrastructures et l’attraction exercée sur les investissements privés et leur conservation. Cité par Radio Okapi, le directeur général de Korongo a déclaré que « l’inadéquation de la piste de l’aéroport de Mbuji-Mayi et la non-conformité des infrastructures aéroportuaires n’ont fait que précipiter cette décision qui est malheureuse et montre un sentiment d’échec ». Pour éviter que pareil incident ne se produise à l’avenir, Christophe Allard demande aux autorités congolaises de réhabiliter l’aéroport de Bipemba pour qu’il soit conforme aux règles établies par l’Organisation internationale de l’aviation civile (OACI). Dans la foulée de la dissolution, un liquidateur a été désigné. Mais pas de panique pour les passagers qui ont vu leur vol annulé. La direction de Korongo assure avoir déjà remboursé tout le monde.
La recherche d’un équilibre financier
Korongo Airlines ne desservait que deux lignes locales, Kinshasa-Lubumbashi et Lubumbashi-Mbuji-Mayi, ainsi qu’une ligne internationale, Lubumbashi-Johannesburg. L’incident de Bipemba mis à part, il faut reconnaître la compagnie n’avait jamais réussi à atteindre l’équilibre financier malgré son succès commercial qui s’était traduit par une augmentation du volume de ses passagers. Son taux de remplissage se situait autour de 70%. Raison invoquée par Christophe Allard pour justifier cette absence de viabilité de Korongo Airlines : la pauvreté de sa flotte. La compagnie, qui ne disposait que d’un seul aéronef, recourait à la location d’un avion sud-africain en cas de besoin. Mais cet avion de secours n’était pas disponible pour combler le vide laissé par le Boeing endommagé.
Porte fermée du côté de Congo Airways
Amer, le directeur général de Korongo Airlines s’en est aussi pris au gouvernement qui, selon lui, a repoussé toute tentative de sa société de participer au lancement de Congo Airways. Disposant de peu de moyens, le gouvernement a mis néanmoins déboursé au moins 55 millions de dollars pour le démarrage de Congo Airways. Cette dépense dans le secteur marchand le prive des moyens de s’attaquer à la problématique des infrastructures. S’il s’était associé avec Korongo Airlines, il aurait sans doute dépensé moins et dégagé des économies pour investir dans les infrastructures. Le gouvernement devra, donc, s’expliquer sur son refus de s’associer à Korongo Airlines qui, pourtant, a bénéficié de l’assistance technique de la compagnie aérienne allemande, Lufthansa. Les actionnaires congolais de Korongo Airlines auraient-ils incité le gouvernement à fermer la porte à tout rapprochement ? On ne le sait pas encore. Mais est-il que la disparition de cette société, créée en décembre 2009, mais dont les activités ont vraiment démarré en 2012, est un immense gâchis. Car une entreprise fermée, ce sont des emplois en moins (hausse du chômage), des impôts en moins (baisse des recettes de l’État), de la compétitivité en moins (hausse des coûts pour les investisseurs nationaux comme privés) et de la concurrence en moins (hausse du prix du billet et mauvaise qualité du service). Avec un capital initial de 10 millions de dollars, Korongo Airlines est une joint-venture entre Brussels Airlines et le Groupe Forrest. Korongo, qui signifie cigogne en swahili, appartient pour 70% à une holding contrôlée par Brussels Airlines avec 50,5% des parts contre 49,5% pour le Groupe belge Forrest. Les 30% restants étant détenus par des actionnaires congolais.