La baisse de la demande va encore peser un peu plus sur les cours des métaux

La pandémie de coronavirus et le ralentissement de l’économie qu’elle entraîne, frappe de plein fouet le marché des métaux. Le marché scrute par conséquent les différents plans nationaux de « déconfinement », à même de permettre un redémarrage de l’activité économique et des transports, et donc de la demande.

LE producteur norvégien Norsk Hydro a annoncé la semaine dernière s’attendre à une « baisse prononcée de la demande » cette année, à l’occasion de la publication de ses résultats trimestriels. Sans baisse équivalente de l’offre, « les stocks d’aluminium du London Metal Exchange (LME) continuent d’augmenter », ont rapporté Warren Patterson et Wenyu Yao, d’ING, de quoi peser encore un peu plus sur les cours. Les autres métaux cotés au LME n’ont pas été épargnés, tirés vers le bas par « les données économiques moroses » publiées la semaine dernière, a estimé Geordie Wilkes, de Sucden.

Parmi celles-ci, le Produit intérieur brut (PIB) des États-Unis a chuté de 4,8 % au premier trimestre en rythme annuel, selon une estimation préliminaire du département du Commerce publiée le mercredi 29 avril dernier. La situation n’est guère plus rose en Europe: selon une première estimation le jeudi 30 avril de l’Office européen des statistiques Eurostat, la zone euro a enregistré sur les trois premiers mois de l’année un repli de 3,8 % de son PIB, du jamais vu dans la courte histoire de la monnaie unique, lancée en 1999.

Le café mitigé

Sur le LME, la tonne d’aluminium pour livraison dans trois mois s’échangeait à 1 483,00 dollars le vendredi 1er mai, contre 1 514,00 dollars le vendredi précédent à la clôture. Celle de cuivre valait dans le même temps 5 114,00 dollars, contre 5 139,50 dollars sept jours auparavant. L’or a baissé sur la semaine (dernière) mais a enregistré en avril son meilleur mois depuis août 2019, gagnant près de 7 %. Ces derniers jours, le métal jaune a souffert d’un regain d’optimisme sur les marchés, qui a pesé sur le cours des valeurs refuges, dont le métal précieux fait partie.

« Les investisseurs trouvent un certain soulagement dans la réouverture progressive de l’économie mondiale et dans d’autres signes indiquant que la pandémie a atteint son point culminant », a expliqué Lukman Otunuga, analyste pour FXTM. L’or reste cependant à un niveau historiquement élevé, alors qu’il a touché mi-avril un plus haut depuis fin 2012, à 1 747,36 dollars l’once. Par ailleurs, le Conseil mondial de l’or (CMO) a montré que la crise sanitaire et économique avait alimenté la spéculation financière sur l’or au premier trimestre 2020, selon un rapport publié la semaine dernière. Sur le London Bullion Market, l’once d’or valait 1 680,70 dollars le vendredi 1er mai, contre 1 729,60 dollars le vendredi précédent à la clôture.

Les cours du café continuent de subir les effets de la pandémie de Covid-19 mais les marchés se rassurent avec des signaux positifs côté demande. Car si les mesures de confinement des populations ont conduit les bars et restaurants à baisser leurs rideaux de fer, les consommateurs ont transféré certaines de leurs habitudes à la maison. « L’effondrement de la consommation +hors foyer+ a coïncidé avec un regain des ventes en supermarché et sur internet en Europe, aux États-Unis et au Brésil, et un intérêt élevé des torréfacteurs qui souhaitent constituer des stocks », ont expliqué les analystes de Rabobank dans leur note mensuelle publiée le mercredi 29 avril.

Côté demande, « les perturbations logistiques et la baisse de la main-d’œuvre disponible ont compensé l’effet d’aubaine induit par la baisse du real et du peso colombien », ont-il ajouté. Quand la monnaie d’un pays producteur est affaiblie, les exportateurs peuvent se permettre d’accepter des prix plus bas sur le marché international, puisqu’ils sont fixés en dollar et qu’ils réalisent ainsi un bénéfice en reconvertissant leurs gains en réais. Sur le Liffe de Londres, la tonne de robusta pour livraison en juillet prochain valait 1 184 dollars le vendredi 1er mai, contre 1 144 dollars le vendredi précédent à la clôture. Sur l’ICE Futures US de New York, la livre d’arabica pour livraison en juillet valait 105,10 cents, contre 106,75 cents sept jours auparavant en fin de séance.

Au premier jour de nouvelles coupes de l’OPEP+, les prix du pétrole ont terminé en ordre dispersé le vendredi dernier alors qu’entrait en vigueur un accord censé faire drastiquement baisser la production d’or noir dans le monde et redonner un peu d’équilibre à un marché qui croule sous les barils. À Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juillet, dont c’est le premier jour d’utilisation comme contrat de référence, a lâché 4 cents, ou 0,02 %, pour finir à 26,44 dollars.

À New York, le baril américain de WTI pour juin a gagné 94 cents, ou 5 %, pour clôturer à 19,78 dollars.

En terrain négatif

Il s’était envolé de 53 % au total le mercredi 29 et jeudi 30 avril, en conclusion d’un mois chaotique qui a vu le contrat pour livraison en mai s’aventurer en terrain négatif. « Le pétrole semble profiter de l’entrée en vigueur des coupes des membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP+) », a estimé Han Tan, de FXTM. Même si ces dernières sont « loin de compenser la chute de la demande, une reprise de l’économie mondiale entraînant une augmentation de la demande en pétrole apporte de l’optimisme sur le marché », a-t-il ajouté.

L’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses principaux partenaires, réunis au sein de l’OPEP+, se sont accordés le 12 avril sur une réduction de leur production de 9,7 millions de barils par jour (mbj) sur deux mois, une mesure exceptionnelle qui est entrée en vigueur le vendredi 1er mai. La réduction sera ensuite progressivement assouplie: elle sera de 7,7 mbj de juillet à décembre puis de 5,8 mbj de janvier prochain à avril 2022. « Le respect par les parties prenantes à l’accord de leurs quotas respectifs va être essentiel pour déterminer les prix du pétrole dans les mois à venir », a estimé Robbie Fraser de Schneider Electric.

Hors de l’accord, les États-Unis ont vu leur production diminuer pour la quatrième semaine de suite, selon les chiffres publiés le mercredi 29 avril par l’Agence américaine d’information sur l’Énergie (EIA). La Norvège, plus gros producteur d’hydrocarbures d’Europe de l’Ouest, a annoncé le même mercredi une réduction de sa production de pétrole jusqu’à la fin de l’année afin de contribuer elle-aussi à une stabilisation des prix. Malgré ces efforts de retrait de millions de barils quotidiens « en trop » sur le marché, Tan n’est pas le seul analyste à les trouver insuffisants face à une demande plombée par la pandémie de Covid-19.

L’angoisse des investisseurs porte également sur une des conséquences du surplus: la saturation des capacités de stockage à court terme. Le marché scrute par conséquent les différents plans nationaux de « déconfinement », à même de permettre un redémarrage de l’activité économique et des transports, et donc de la demande en pétrole, mais aussi les signaux d’une « deuxième vague » de Covid-19 qui pourraient de nouveau précipiter les cours vers le bas. « Les prix restent cependant extrêmement bas et les deux prochaines semaines verront probablement le retour d’une extrême volatilité », a rappelé Craig Erlam, d’Oanda.