MÊME si cela « n’est pas alarmant » pour le moment, étant donné l’accroissement de la production minière au pays et même si le déficit dans les finances publiques a été comblé grâce à la « gestion orthodoxe » dans le cadre du « Pacte de stabilité » et à des « moyens sains », notamment des appuis budgétaires, Désiré Osako, analyste économique, pense que l’on doit rester extrêmement prudents. « En cette période de fin d’année, période de tension sociale à cause des fêtes de Noël et de Nouvel an, même si le comité de conjoncture économique rassure que la baisse des réserves internationales n’a pas une grande incidence sur la bonne tenue du franc congolais face au dollar sur le marché de change, la situation nous inquiète », déclare-t-il.
Pendant que le comité de conjoncture économique se réunissait autour de Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, à la Primature, le jeudi 3 décembre, les députés nationaux, eux, votaient le même jour le Budget 2021 aménagé à hauteur de 7,1 milliards de dollars, contre 6.8 milliards dans le projet présenté par le gouvernement, et l’ont aussitôt transmis au Sénat pour une seconde lecture.
Ce budget intervient dans un contexte international particulièrement marqué par les effets néfastes de la pandémie de Covid-19 sur l’activité économique et les finances publiques à travers le monde. « Il ne faut pas faire un dessin pour comprendre que le Budget 2021 risque de connaître des difficultés dans son exécution, comme d’ailleurs le Budget 2020, contraignant ainsi le gouvernement à actionner le mécanisme de collectif budgétaire », souligne Désiré Osako. En effet, la pandémie de Covi-19 a entraîné la baisse des cours mondiaux, notamment des principaux produits d’exportation miniers de la République démocratique du Congo.
Rapport ITIE
Selon le rapport de suivi de 2019 de l’Initiative de la transparence dans les industries extractives (ITIE), les revenus provenant du secteur extractif contribuent à plus de 20 % des recettes publiques en RDC. Le non rapatriement des recettes d’exportation par certaines entreprises minières en phase de production prive l’État de devises à même de permettre au gouvernement de stabiliser la politique de change et de crédit. « La réforme du code minier en 2018 répond à cette exigence, d’une part, de renforcer le contrôle du secteur minier, repréciser les obligations des compagnies minières en rapport avec leur responsabilité sociale et environnementale à l’égard des communautés affectées par leurs projets, mais répond surtout à cette exigence d’équilibrer le régime fiscal, douanier et de change dans le cadre du partenariat entre l’État et les opérateurs miniers », explique cet analyste. Et, d’autre part, ajoute-il, la réforme a été motivée par l’exigence législative de conformer le code minier à l’évolution ». Depuis que la réforme du code minier a été opérée en 2018, les recettes d’exportation autour de 40 % des recettes publiques ont chuté pratiquement de moitié parce que les compagnies minières refusaient de se conformer au code minier révisé. L’article 309 bis sur le non rapatriement des recettes d’exportation (inséré par l’article 28 de la loi n° 18/001 du 9 mars 2018) stipule que le titulaire qui ne rapatrie pas les 60 % des recettes d’exportation, conformément aux dispositions de l’article 268 alinéa 2 du code minier, est puni d’une amende d’un montant égal à 5 % du montant non rapatrié.
L’article 269 du code minier stipule que le titulaire qui, en phase d’amortissement de son investissement, exporte les produits marchands des mines, est autorisé à garder et à gérer dans son compte principal et ses comptes de service de la dette étrangère les recettes de ses ventes à l’exportation à concurrence de 40 %. Il a aussi l’obligation de rapatrier dans son compte en RDC, 60 % des recettes d’exportation dans les quinze jours à dater de l’encaissement au compte principal prévu à l’article 267 du code minier.
En cas d’amortissement de son investissement, il est tenu de rapatrier 100 % des recettes de ses ventes à l’exportation dans son compte national principal en RDC.
Par ailleurs, ne peut garder une quotité des recettes d’exportation ou des préfinancements à l’étranger que le titulaire des droits miniers qui a communiqué les coordonnées bancaires et qui transmet trimestriellement à la Banque centrale du Congo (BCC) le rapport de ses activités enregistrées dans le compte principal, conformément à l’article 271 du code minier.
Pendant deux ans, des sociétés minières installées en RDC ne rapatriaient pas 60 % des recettes d’exportation au pays. Heureusement, Sylvestre Ilunga Ilunkamba a rappelé les uns et les autres au respect strict de de cette disposition sur le rapatriement des recettes d’exportation. Et l’effet de cette mesure gouvernementale s’est ressenti sur les réserves internationales, qui étaient au plus mal au cours du premier semestre de 2020. Avec la crise sanitaire, les entreprises minières en phase de production se montrent encore frileuses pour s’acquitter de cette obligation légale. Des analystes pensent que c’est la conséquence de la défaillance de l’État à travers tous ses services intervenant dans le processus ainsi que celle de BCC et des banques commerciales.
Les réserves de change
Produit de la vente des matières premières (cuivre, cobalt, pétrole, étain, etc.), les réserves de change permettent généralement de soutenir la monnaie nationale (le franc congolais) et encouragent l’afflux de capitaux étrangers vers le pays. Dans le cas de la RDC, quand les cours des matières premières chutent, les réserves de change périclitent. Les réserves de change de la RDC étaient de 1,32 milliard de dollars, couvrant plus d’un mois d’importations, avant la crise des cours des matières premières d’avant 2016. Elles étaient tombées jusqu’en deçà de 800 millions de dollars, avant de remonter pour atteindre pratiquement le même niveau d’avant la crise des cours des matières premières, et avant l’entrée en fonction de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le nouveau président de la République élu en décembre 2019. Aujourd’hui, on parle d’environ 600 millions de dollars. Selon le Fonds monétaire international (FMI), les régimes de change en Afrique subsaharienne influent, depuis 1980, sur l’inflation, la croissance économique et sa volatilité (résultats macroéconomiques) ainsi que sur les résultats budgétaires, comparés à ceux d’autres pays émergents et en développement. Un grand nombre de pays exportateurs de produits de base se sont efforcés de contrer l’appréciation nominale de leur monnaie face à l’afflux de devises lorsque les cours de ces produits étaient élevés. Pour le FMI, des politiques d’accompagnement sont donc nécessaires pour tirer profit au maximum de chaque régime de change (fixe ou flexible) d’ancrage de la monnaie nationale. Dans les pays à régime de change plus flexible, comme la RDC, la mise en place de cadres de politique monétaire reposant expressément sur un mandat de stabilité des prix peut soutenir le régime de change, de même que l’application de politiques budgétaire et monétaire suffisamment restrictives pour contenir les tensions inflationnistes engendrées par la dépréciation de la monnaie.