MARK CARNEY, le gouverneur de la Banque centrale du Royaume-Uni, a récemment prévenu sur la BBC que « des entreprises ne seront plus en capacité de fonctionner » dans l’hypothèse de la sortie de l’Union européenne (UE) sans accord, comme le laisse entendre Boris Johnson, le 1ER Ministre britannique, a-t-il averti. Interrogé sur le nombre d’entreprises qui pourraient se retrouver dans ce cas, il a répondu : « Potentiellement, un nombre important. »
C’est donc un défi pour la grande distribution britannique. Le gouverneur de la Banque centrale britannique a souligné que certains secteurs seraient particulièrement touchés par un Brexit sans accord, qui ferait brusquement passer les relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’UE sous l’égide des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec à la clé des droits de douane et des barrières non tarifaires. Mark Carney a désigné notamment les secteurs de l’automobile et plus généralement des transports, ainsi que l’industrie chimique et l’industrie alimentaire.
Risque de hausse des prix
Du côté de l’alimentation, il a souligné que la grande distribution britannique serait confrontée à un problème très compliqué du côté « des produits périssables » importés de l’UE, qui ne peuvent être gardés longtemps et qui sont donc difficilement stockables par avance.In fine, le banquier central a prévenu que nombre de produits de consommation courante, comme « l’alimentation et l’essence », verraient sans doute leurs prix augmenter au Royaume-Uni. Les habitants subiraient une baisse « de leur revenu réel par rapport à ce qu’il aurait été » dans une situation autre que le « no deal ». Mark Carney a expliqué qu’un Brexit sans accord entraînerait une baisse de la livre, donc un renchérissement des biens importés. Le gouverneur de la Banque d’Angleterre (BoE) était interrogé au lendemain de la publication d’un rapport trimestriel de l’institution sur l’économie britannique.
Dans ce rapport, la BoE a abaissé ses prévisions de croissance à 1,3 % pour 2019 et 2020, notamment du fait des incertitudes entourant le Brexit qui dissuadent les entreprises d’investir. Le ton actuel contraste avec celui adopté en mai lors de la publication du précédent rapport, lorsque les responsables de la Banque d’Angleterre avaient relevé leurs prévisions de croissance, prenant acte de la bonne santé de l’économie du Royaume-Uni et de la résilience de l’économie mondiale.
En juin, les membres du Comité de politique monétaire avaient cependant commencé à rectifier leur tir en accusant la montée des risques économiques. Certains observateurs se sont toutefois montrés surpris du fait que la BoE ne présente pas de chiffres précis sur les conséquences d’un Brexit sans accord. Mark Carney et la BoE ont été régulièrement accusés par les partisans convaincus du Brexit d’être trop alarmistes quant aux conséquences économiques du départ de l’UE.
Opportunité économique ?
Les craintes d’un Brexit abrupt se sont accentuées avec l’arrivée au pouvoir du Brexiter Boris Johnson, qui a promis de sortir de l’UE fin octobre quoi qu’il arrive. Pour Boris Johnson, le Brexit constitue une « énorme opportunité économique ». Alors que la date limite du Brexit avait été initialement prévue le 29 mars, de nombreuses entreprises au Royaume-Uni et sur le continent avaient augmenté leurs stocks par précaution en cas de désordre sur la chaîne d’approvisionnement.
La peur grandissante d’un « no deal » s’est déjà répercutée sur la livre sterling, qui est tombée à un niveau sans précédent depuis 2017 face au dollar. Le scénario d’un Brexit sans accord est privilégié par Boris Johnson qui n’entend pas renégocier les termes de l’accord de retrait auquel Theresa May était parvenue, ont déclaré plusieurs diplomates européens au Guardian. « Il est évident que le Royaume-Uni n’a pas d’autre projet », écrit le quotidien, citant un haut responsable européen. « Aucune intention de négocier (…) », a poursuivi cette source. Qui ajoute : « Le no deal semble désormais le scénario central du gouvernement britannique. »
Officiellement, le gouvernement veut un accord. S’exprimant sous le sceau de l’anonymat, une source gouvernementale britannique a réfuté ce point de vue et assuré que le Royaume-Uni était disposé à trouver un accord, rejetant l’absence de progrès sur Bruxelles. « Nous voulons un accord. C’est dommage qu’ils ne veuillent pas négocier avec nous », dit cette source britannique. « Le fait que l’accord de retrait ait été à trois reprises largement rejeté par la Chambre des communes signifie que s’ils veulent un accord, il faut qu’ils soient prêts à renégocier. Nous y sommes prêts et nous voulons qu’il en soit ainsi. »
De son côté, le nouveau ministre Michael Gove, chargé des préparatifs en cas de « no deal », s’est dit « profondément attristé » par le refus européen de renégocier l’accord de retrait. « Le 1ER Ministre a été clair : il veut renégocier un bon accord avec l’Union européenne et il y mettra toute l’énergie du gouvernement », a dit Gove sur Sky News. « Il nous faut absolument une nouvelle approche », a-t-il ajouté. « Quoi qu’il arrive, alors que nous sommes prêts et disposés à négocier, l’UE doit comprendre que nous partirons le 31 octobre, avec ou sans accord. »
Cependant, il y a le problème irlandais à résoudre. Une porte-parole de la Commission européenne a de son côté fait savoir que l’exécutif européen « resterait disponible au cours des semaines à venir si le Royaume-Uni souhaitait discuter et clarifier sa position, que ce soit par téléphone ou physiquement ». L’Union européenne veut éviter une sortie sans accord, mais elle se prépare à l’hypothèse du « no deal », a-t-elle également déclaré. Lors d’une visite en Irlande du Nord, Leo Varadkar, le 1ER Ministre irlandais, a estimé que même si le Royaume-Uni quittait l’Union européenne sans accord, les discussions entre Londres et Bruxelles se prolongeraient pendant des années.
« Cela ne se termine pas le 31 octobre. S’il n’y a pas d’accord, alors à un certain stade, nous devrons recommencer à négocier et les premiers sujets à l’ordre du jour seront les droits des citoyens, le règlement de la facture et la solution à la frontière irlandaise. Une sortie sans accord ne mettra pas fin au backstop (le mécanisme censé éviter le rétablissement d’une frontière physique entre Irlande et Irlande du Nord) », a déclaré Leo Varadkar.