La Banque mondiale encourage la RDC à investir dans l’urbanisation

Le pays a intérêt à tirer profit du potentiel que recèle sa population urbaine sans cesse croissante. La planification et l’achèvement du processus de décentralisation peuvent  permettre d’accéder aux services, à l’emploi et au logement. 

Vue aérienne de la ville de Goma chef-lieu du Nord-Kivu.
Vue aérienne de la ville de Goma chef-lieu du Nord-Kivu.

Une étude réalisée en 2010 parla Banque mondiale évalue les besoins d’investissements dans les zones urbaines de la RDC à 12 dollars par habitant, soit trois fois le niveau actuel d’investissement. Sameh Naguib Wahba, directeursectoriel de la Banque mondiale chargé de la ville et de la gestion du risque de catastrophes est arrivé à Kinshasa pour discuter avec le gouvernement sur l’urbanisation et la croissance.  Au menu des discussions : l’appui potentiel de la Banque mondiale au secteur urbain. Mais, aussi,l’appui à la mise en œuvre du Projet de développement urbain (PDU)  et la revue approfondie des résultats dudit projet. Dans le cadre du projet, les échanges ont tourné autour de mesures correctives éventuelles visant le rattrapage du retard enregistré dans le cadre du projet. La Banque mondiale, avec ses experts, est déterminée à aider le gouvernement congolais à relever le défi du développement en mettant à profit le potentiel de l’urbanisation. Devant la presse, le 9 juin, Sameh Naguib Wahbaa expliqué en quoi consiste sa mission : ce sont, entre autres,des programmes qui peuvent  aider le pays à créer des emplois, le foncier ainsi que le renforcement des capacités aussi bien au niveau central que local.

Croissance et pauvreté

Le directeursectoriel de la Banque mondiale chargé de la ville et de la gestion du risque de catastrophesa annoncéla réalisation d’une étude sur le secteur urbain de la RDC au mois de juillet prochain. Pour lui, le revenu moyen par habitant en Afrique est de loin inférieur à celui que les autres régions du monde ont connu il y a quelques décennies.« En Afrique aujourd’hui, 472 millions de personnes vivent dans des centres urbains. En 2025, ce chiffre va passer à 659 millions et en 2040 il atteindra un milliard. D’où le problème de gestion de cette urbanisation rapide. L’Amérique latine, par exemple, a connu ce phénomène vers les années 1950, mais avec un revenu par habitant de 2860 dollars. En 1968, le Moyen-Orient et l’Asie avaient respectivement 1800 et 3600 dollars. En Afrique, le revenu par habitant était de 1000 dollars en 2013. L’urbanisation du continent africain se fait rapidement, soit de 20 à 40 % mais les ressources diminuent dans presque tous les domaines, y compris l’agriculture », déplore Sameh Naguib Wahba.

Gestion du foncier 

Pour tirer profit du processus d’urbanisation, l’expert de la Banque mondiale préconise trois piliers : la gestion du foncier, de la collectivité et le financement des infrastructures des villes.Concernant le domaine foncier, les villes de laRDC ont besoin de se conformer à la structure des autres villes du monde. « Dans la capitale vietnamienne, par exemple, l’équivalent de 23 % de la superficie de la ville est un espace consacré aux activités industrielles et commerciales. Mais, dans la plupart de villes africaines, très peu de foncier est dédié aux activités économiques. À Nairobi, au Kenya, c’est 5,9 % et à Kigali, au Rwanda, 0,9 % », indique-t-il. Il félicite le gouvernement congolais pour avoir créé la zone économique spéciale de Maluku.En général, la planification urbaine est pratiquement inexistante dans les pays africains et le secteur formel est incapable de fournir des logements. À cause des mauvaises  pratiques foncières, les villes deviennent difficiles à gérer. « Par manque de sécurité foncière, 10 % du foncier seulement est enregistré », souligne Sameh Naguib Wahba.

Perte d’emplois à cause de la mobilité

Bien urbanisées, les villes évitent des pertes économiques grâce à la bonne mobilité de la population. « Le manque d’urbanisation réduit la capacité de création d’emplois. À cause d’une mobilité difficile, la population se déplace pendant des heures pour trouver du travail. À Nairobi, 72 % de la population se déplacent à pied ou dans des minibus appelés ‘’matatu’’. Les 42 % de la population qui se déplacent à pied trouvent 8 % des emploiset 28 % de ceux qui utilisent les matatu atteignent les 14 % des emplois », insiste le fonctionnaire de la Banque mondiale.

La pesanteur 

Une certaine pesanteur tire les efforts d’urbanisation vers le bas. Au niveau national et local, la responsabilité de la planification urbaine et de développement est partagée entre plusieurs services ou ministères. Alors que le processus inachevé de décentralisation ne permet pas aux provinces, villes et communes de la RDC de remplir leurs missions, la population ne fait qu’augmenter dans les centres urbains. « La croissance de la population urbaine des douze plus grandes villes de la RDC est estimée à 24 millions d’habitants et pourrait atteindre 40 millions d’habitants en 2025. Ce processus d’urbanisation rapide se traduit par un développement non contrôlé des villes. De plus l’absence d’investissements substantiels et la dégradation des infrastructures urbaines entraînent des faibles niveaux d’accès aux services et des niveaux élevés de pauvreté », prévient Mahine Diop, ingénieur municipal principal, chargé de projets de développement urbain à la Banque mondiale. La croissance de la population urbaine, sans planification, est inversement proportionnelle au niveau de revenus par habitant.

Projet de développement urbain

L’autre mission qui a conduit Sameh Naguib Wahba en RDC est l’important Projet de développement urbain (PDU) que la Banque mondiale finance depuis 2013 à hauteur de cent millions de dollars. Ce projet,qui se clôture en 2019, concerne six villes : Bukavu, Kalemie, Kikwit, Kindu, Matadi et Mbandaka. L’objectif poursuivi dans ce projet est l’amélioration de l’accès aux services de base et le renforcement de la gestion urbaine et municipale de ces villes. Il vise deux buts. Premièrement, rendre l’État efficace au niveau central et de ses entités territoriales décentralisées. Deuxièmement, encourager la compétitivité pour accélérer la croissance, laquelle doit être tirée par le secteur privé pour créer des emplois. Le PDU a deux composantes. L’une concerne les infrastructures et l’autre la gouvernance urbaine. Dans la première, ce sont les infrastructures urbaines structurantes des villes ciblées qui sont financées. Le financement concerne les routes, le drainage, les marchés, l’eau et l’électricité. Le but de la deuxième composante est l’amélioration de la gouvernance urbaine au niveau national et local. « La performance lie les résultats de la gestion municipale et urbaine au financement d’infrastructures de proximité. Le financement des infrastructures de proximité tirées des plans locaux de développement des villes issus d’un processus participatif ne pourront être déclenchés que si la ville, dirigée par son maire, remplit les critères de performances définis actuellement dans les contrats de villes signés avec l’État. Par ce mécanisme, on renforce les liens de redevabilité entre le maire et ses administrés », explique Mahine Diop.

Les résultats du projet

Les maires de différentes villes concernées par le projet ont été invités à Kinshasa pour rencontrer Sameh Naguib Wahba. C’est le cas d’Annie Bomboko, maire de Mbandaka, qui est venue faire le point sur l’état d’avancement du Projet de développement urbain. «À Mbandaka, la Banque mondiale nous a aidés à réhabiliter l’avenue Yasanyama, un tronçon d’environ 5km. Elle nous a aussi aidés à élaborer le plan de développement local, le plan triennal d’investissement et à préparer le budget de la ville », confie-t-elle. Toujours dans la province de l’Équateur, il existe d’autres projets concernant l’éclairage public. «Ce que nous apporte le PDU, c’est le développement parce que cela nous permet de gérer avec nos ressources propres», conclut-elle.