La Banque mondiale et le HCR ensemble pour trouver des solutions

Les déplacés internes de la région des Grands Lacs devraient être considérés comme une problématique de développement car ils ne relèvent pas seulement de l’urgence humanitaire. C’est ce que démontrent conjointement les deux institutions.

Des déplacés installés dans les environs de Goma.
Des déplacés installés dans les environs de Goma.

 

Le 8 juillet, Maurizia Tovo, spécialiste en protection sociale de la Banque mondiale ;  Calle-Norena Francisco Sergio, représentant régional adjoint du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) et Carolyn Ennis, de la même structure, ont présenté au public un rapport qui met un accent particulier sur cette question. Il concerne des déplacés internes de la région des Grands Lacs dans six pays : Burundi, RDC,  Rwanda, Tanzanie, Ouganda et Zambie. Selon le rapport, plus de 3,3 millions de personnes sont actuellement en situation de déplacées dans cette partie du continent. La grande majorité de ces déplacements, soit 82 %, se font à l’intérieur même du pays. Elle est constituée de 18 %  de réfugiés et de 60 % de personnes de moins de 18 ans. À elle seule, la République démocratique du Congo compte 2,7 millions de déplacés internes. Ce sont, pour la plupart, des gens qui vivent dans une pauvreté extrême, dans des abris temporaires et n’accèdent souvent à l’éducation et à la santé. Aussi, révèle l’étude, beaucoup de ceux qui sont adultes ne peuvent pas exercer pleinement leur potentiel économique, car ils dépendent de l’aide humanitaire.

Objectif et objet de l’étude

L’étude analyse l’ampleur, les causes et les caractéristiques du déplacement forcé dans la région des Grands Lacs afin d’informer les gouvernements, la Banque mondiale, le HCR et d’autres partenaires sur les besoins des déplacés en matière de développement. Elle aborde la question des opportunités et contraintes des politiques et cadres juridiques qui régissent actuellement les déplacements des populations dans les Grands Lacs.  Par ailleurs, elle donne des perspectives en matière de retour et d’intégration et des besoins de développement des déplacés.

La distinction entre le déplacement lié au conflit et les autres 

Le déplacement forcé dont parle l’étude se définit comme « une situation où les habitants originaires ou résidents d’un pays se voient contraints de prendre la fuite devant les risques de persécutions, de conflits armés ou de violence généralisée ». Il est différent des déplacements liés à la dégradation de l’environnement, aux catastrophes naturelles et à  la migration économique. L’étude fait aussi la distinction entre les réfugiés et les déplacés. « Les réfugiés, généralement placés sous protection internationale, fuient leur pays d’origine ou de résidence suite à l’occurrence de violence, de conflits ou d’une crainte justifiée de persécution. Les déplacés internes se sont vus contraints de fuir leur milieu d’origine, mais n’ont franchi aucune frontière étatique internationalement reconnue et restent donc soumis à la protection juridique de leurs propres gouvernements », précise le rapport.

Rendre les déplacés autonomes et contributeurs à l’économie 

Le rapport démontre comment les communautés vivant en Tanzanie, en Ouganda et en Zambie participent de manière fructueuse à l’économie de ces pays à travers une production agricole dont l’excédent est destiné au marché local. Mais la question du logement des déplacés est un grand problème. La capacité d’autosuffisance et d’accès aux services dépend de la situation d’hébergement des déplacés. Les enquêteurs de la Banque mondiale et du HCR ont découvert que, lorsqu’ils sont logés dans des installations plutôt que dans les camps, les réfugiés peuvent faire la preuve de leur capacité d’autosuffisance financière.

Des défis de réintégration et de développement qui découragent 

Selon l’étude, d’importants retours des réfugiés rwandais depuis l’Ouganda, la RDC et la Tanzanie se sont faits ces dernières années. Dans la plupart des cas, les déplacés préfèrent rentrer dans leurs pays, mais, ce retour s’accompagne souvent de défis de réintégration et de développement. Au Burundi, par exemple, illustre l’étude, les rapatriés ont eu difficilement accès aux parcelles nécessaires au redémarrage d’une agriculture productive. « Les recherches indiquent que, dans la région, le retour librement consenti, sécuritaire et dans la dignité des déplacés reste la solution durable préférée par la plupart des personnes concernées et gouvernements hôtes. Toutes les enquêtes menées dans la région des Grands Lacs sur les intentions de retour indiquent que, pour que ce dernier soit possible, la sécurité et la restitution des terres doivent être garanties ». D’autre part, il arrive aux déplacés de retourner chez eux, mais il se fait que les facteurs qui les avaient poussés à se déplacer n’aient pas trouvé de solution. Cela peut être un conflit qui perdure et qui rend le retour moins sûr. Il y a beaucoup de causes qui sont à la base des conflits : la prévalence de politiques patrimoniales, la rareté des terres, les tensions ethniques, la pauvreté, la vulnérabilité et l’absence d’opportunités économiques.

Une politique robuste et un cadre juridique qui protègent

Les six pays concernés par l’étude ont signé et ratifié la Convention relative au statut des réfugiés des Nations unies et la Convention de l’Union africaine (UA) sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (la Convention de Kampala). Tenant compte de ces différentes conventions, chaque pays membre de la région des Grands Lacs a instauré un cadre législatif qui protège et définit à divers degrés les responsabilités de prise en charge des personnes déplacées. L’une des grandes réformes dans ce domaine reste le « Refugee Act » de l’Ouganda. Ce cadre juridique fait la promotion de l’autonomisation des réfugiés en autorisant le travail et l’établissement non pas dans des camps, mais dans des installations qui ont accès à la terre  et aux services. En RDC, le gouvernement a ratifié en 2002 la loi portant statut des réfugiés et la Constitution du pays reconnaît le droit de demande d’asile. Pour confirmer son engagement à protéger les déplacés internes, Kinshasa a aussi ratifié la Convention de Kampala le 8 juillet 2014. Toutefois, selon l’étude, les politiques en matière de réfugiés sont restées élémentaires. Raison pour laquelle il est conseillé aux gouvernements de prévenir le déplacement forcé et d’adopter plusieurs mesures dont l’allocation des ressources additionnelles à la recherche de solutions durables et contextuelles aux questions de déplacement dans leur propre pays. Cela,  de manière à accroître l’autosuffisance des réfugiés, des déplacés internes et de personnes de retour. Il est aussi demandé d’inclure les déplacés, y compris les communautés d’accueil, dans les stratégies et programmes de développement.

L’intégration et autonomisation des déplacés

L’autonomisation des déplacés empêche que ceux-ci soient dépendants des gouvernements ou de l’aide humanitaire. « Plusieurs