C’est devenu le mot à la mode. Kodak, Carrefour, Telegram… On ne compte plus les entreprises qui se lancent dans l’aventure de la blockchain, cette technologie innovante qui s’est fait connaître grâce au succès du bitcoin. Le phénomène touche tous les secteurs, de la banque à la santé en passant par la musique, et toutes les entreprises, des start-up aux groupes cotés.
Tout le monde veut « sa » blockchain. Signe que le mouvement est d’ampleur, il ne se passe plus une semaine en France, et pas 24 heures dans le monde, sans qu’au moins une entreprise n’annonce un nouveau projet, avec, potentiellement, une levée de fonds numérique pour le financer (ICO). Mais comment expliquer un tel succès ? Les raisons sont, en réalité, relativement simples. Elles tiennent aux avantages économiques et industriels inédits de cette technologie d’enregistrement des transactions, capable, grâce à un registre numérique, de désintermédier totalement les échanges, de manière sécurisée et décentralisée.
« Un des points essentiels dans l’économie, c’est la confiance. Et cette confiance est limitée à l’information que vous recevez », explique Gilles Babinet, « digital champion » de la France auprès de la Commission européenne. « La force de la blockchain, c’est justement qu’elle sécurise l’information, et donc met de la confiance dans le système. Et ça, c’est révolutionnaire. » Un aspect révolutionnaire que certaines entreprises ont saisi très vite. Des centaines de start-up se sont créées avec un business model simple : une blockchain privée, qu’elles ont développée en interne – contrairement à une blockchain publique, comme Ethereum – et des applications concrètes, qui vont du transfert de données à la protection de droits…
L’objectif ? Prendre d’assaut des pans entiers de l’économie, en supprimant tous les tiers de confiance, grâce à des offres comme celles proposées par la société GEM dans le domaine médical. Cette start-up californienne développe sa propre blockchain, financée par sa cryptomonnaie, « Gem », permettant aux hôpitaux et aux cliniques de stocker et d’échanger directement les dossiers médicaux avec les patients et le personnel. Une offre détonante dans un secteur de la santé, où le nombre d’intermédiaires et l’enjeu de la sécurité des données ont toujours rendu le partage d’informations très compliqué.
D’autres secteurs, comme la grande distribution ou la musique, sont également concernés par la « révolution blockchain ». La start-up Mycelia propose par exemple à des artistes d’enregistrer et de protéger leurs oeuvres en les codant dans une blockchain dédiée. L’objectif est avant tout de court-circuiter les labels et studios, qui se font rémunérer par les artistes tout au long de la chaîne de production, de distribution et de diffusion des oeuvres. Grâce à sa blockchain, Mycelia veut permettre, à terme, à des artistes d’être directement rémunérés par leur public.
Les grands groupes sont également concernés par le mouvement. « Mais plus pour optimiser un modèle déjà existant », comme le souligne Alex Stachtchenko, cofondateur de Blockchain Partner, à l’instar de la blockchain lancée par Carrefour pour apporter aux consommateurs des garanties sur la qualité des produits. Le secteur bancaire est l’un des terrains d’expérimentations les plus fertiles. Depuis 2015, « R3 », un consortium de près d’une centaine d’établissements, parmi lesquels BNP Paribas, ING et Commerzbank, travaille sur la mise en place d’un réseau « entièrement interopérable » entre les banques pour faciliter les échanges d’informations, notamment en matière de régulation.