La campagne de vulgarisation

Riposte ou programme à court ou moyen terme? Dans l’opinion, on se perd en conjectures

 

Kinshasa, juillet 2016. Le conseil des ministres fait l’évaluation du niveau d’exécution des 28 mesures urgentes dans sa lutte contre les effets néfastes de la crise économique provoquée par la chute de cours des minerais sur le marché mondial. En décembre 2016, au moment où Augustin Matata Ponyo cède le fauteuil de 1ER Ministre à Samy Badibanga Ntita, l’économie nationale continue de broyer du noir. Ces mesures sont axées fondamentalement sur les trois volets que sont l’augmentation des ressources financières, la rationalisation et l’encadrement de la qualité de la dépense, et la mise en œuvre des réformes structurelles à impact rapide. Kinshasa, mars 2017. Le président de la République, Joseph Kabila Kabange, préside une énième réunion du conseil des ministres. À l’issue de la réunion, le conseil des ministres décide de l’organisation d’une campagne de vulgarisation des 28 mesures urgentes pour la stabilisation et de relance économique de la RDC suite à la chute des cours des matières premières ». La campagne est lancée début mars à Kinshasa. Le gouvernement et ses partenaires du secteur privé, notamment la Fédération des entreprises du Congo (FEC), la Fédération nationale des petites entreprises (FENAPEC), la Confédération des petites et moyennes entreprises du Congo (COPEMECO) et d’autres associations patronales se réunissent pour la mise en œuvre efficace de ces différentes mesures.

Tout en dénonçant qu’elle n’ait pas été associée à la prise de ces « 28 mesures urgentes », la FEC transmet ses propositions dans un mémorandum remis au gouvernement pour la réussite de ces mesures, qui portent à la fois sur les finances, les dépenses et les réformes.

Kinshasa, mai 2017. Le président Kabila préside lui-même la réunion du Comité de pilotage de la mise en œuvre de 28 mesures économiques urgentes du gouvernement. À l’ordre du jour, évaluer l’exécution de ces mesures adoptées le 26 janvier 2016. Le ministre d’État au Plan annonce à la suite d’une réunion interministérielle qu’il a présidée, « la mise en œuvre des décisions et orientations du chef de l’État » sur les 28 mesures urgentes. Modeste Bahati fait savoir que l’application de ces 28 mesures urgentes débutera par « la lutte contre la fraude économique, fiscale et douanière ». Des équipes mixtes sont chargées d’effectuer des contrôles dans les secteurs précités. De même, une mission d’enquête est dépêchée auprès des entreprises qui s’adonnent au cumul des marges bénéficiaire. L’évaluation et l’audit des contrats d’amodiation et de partenariat conclus avec les sociétés minières de l’État, la sélection rigoureuse dans l’octroi de nouvelles exonérations et l’évaluation de celles en cours, la réduction des taxes à l’exportation de certains produits font également partie des matières de contrôle. La mission consiste également à encadrer des recettes dans les principaux centres d’ordonnancement du pays ; contrôler dans le secteur des transports et voies de communication, en application de l’ordre opérationnel relatif à la limitation du nombre de services aux frontières, d’une part, et, d’autre part, au marquage moléculaire du carburant, au renforcement du contrôle du Sim box ; à permettre à l’ARPTC à signer des contrats de partenariat avec des sociétés spécialisées, en application du décret du 1ER Ministre obligeant tout opérateur économique à s’affilier à une organisation patronale de son choix.

De même, le gouvernement décide d’élargir l’assiette fiscale, notamment en fiscalisant le secteur informel ; l’évaluation des partenariats avec les opérateurs économiques du secteur des télécommunications afin d’en résilier ceux jugés non rentables ; la réduction à la baisse du pourcentage de la prime octroyée aux aviseurs ; sanctionner sévèrement tous les responsables politiques, militaires ou autres ayant favorisé ou couvert la fraude ; ainsi que de la mise en œuvre de la mesure de performance pour renforcer l’efficacité des agents du fisc et des douanes et des mandataires des entreprises du portefeuille de l’État en renforçant les sanctions positives ou négatives.

Pour réformer le système fiscal, le secteur privé propose notamment d’unifier l’administration fiscale et accélérer la mise en place du système de gestion informatisé des contribuables permettant l’interconnexion de toutes les administrations financières.

Kinshasa, le 19 juin 2017, le ministre d’État Bahati préside une autre réunion interministérielle sur instruction du président Kabila. Les ministres dont les secteurs d’activité (Économie, Commerce extérieur, Agriculture) sont concernés par l’application de 28 mesures économiques urgentes initiées par le président de la République sont présents. La FEC, l’Agence nationale pour la promotion de l’industrie (ANAPI) sont associées aux discussions… Parmi les points débattus, les mécanismes d’octroi des crédits agricoles, la finalisation du projet de loi portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture. Ce projet de loi permettra au gouvernement de procéder à la diversification de l’économie, notamment en renforçant le secteur de l’agriculture.

En ce qui concerne les secteurs agricole, de la pêche et de l’élevage, le Comité de pilotage de 28 mesures économiques urgentes recommande un audit sérieux du parc agroindustriel de Bukanga-Lonzo et du domaine d’élevage de New DAIPN. Cet audit permettra de se rendre compte de la gestion et du fonctionnement de ces deux projets qui ont coûté des millions de dollars au gouvernement. Il est aussi question de la création de la société mixte de pêche industrielle, de l’examen et la validation des termes de référence relatifs aux missions de contrôle sur la fraude économique, fiscale et douanière ainsi que de la commission des équipes de contrôle. Des équipes d’experts issus de divers horizons sont constituées en vue de contrôle dans les différents postes frontaliers et autres structures de l’État.

Entretemps, au 1er juillet 2017, l’inflation est à 1,554 % au niveau national et à 1,574 % à Kinshasa. En cumul, elle se situe à 20,766 % au niveau national et à 20,425 % dans la capitale, tandis qu’en annualisée, elle se situe à 45,854 % au niveau national et 45,021 % au niveau de Kinshasa. En glissement annuel, l’inflation est de 32,859 % au niveau national et 33,204 % au niveau de la capitale. Selon l’Institut national de la statistique (INS) qui fournit toutes ces données, le niveau d’inflation est consécutif  à  la dépréciation du franc sur le marché de change,…

occasionnant ainsi la hausse des prix, des loyers, des meubles, des articles de ménage et d’entretien de la maison, des appareils électroménagers, des matériaux de construction, des pièces de rechange pour véhicules et des services de mécanicien.

Les prix des produits pharmaceutiques, des examens et services médicaux, des services d’hébergement et de restauration, des services de transport, des vêtements et chaussures, ainsi que des céréales ont également connu une hausse sur le marché. La dépréciation du franc entraîne la hausse des prix des poissons surgelés et salés, poulets surgelés, laits et produits laitiers, huiles importées, boissons alcoolisées importées, viandes, fournitures scolaires et de bureau, biens et services pour entretien courant de ménage et des ustensiles de cuisine.

Le ministre d’État et ministre du Plan, Modeste Bahati Lukwebo, fait remarquer que les 28 mesures préconisées doivent être mises en œuvre selon une approche bidimensionnelle.

D’une part, il faut des « actions correctives » visant à stabiliser la situation économique et, d’autre part, des « initiatives prospectives » afin d’exploiter les secteurs économiques porteurs, jusque-là insuffisamment, voire pas du tout considérés, et dans le but d’apporter des « revenus nouveaux et substantiels » à l’État et d’amorcer le processus de diversification de l’économie congolaise.

La baisse des cours des minerais a conduit au ralentissement de la croissance de la production. Il faut, par conséquent, « réajuster certaines pratiques ». La FEC et les autres partenaires du gouvernement ont souscrit à cette démarche. Pour le président de la FEC, Albert Yuma Mulimbi, il ne s’agit de se demander si ces mesures sont bonnes ou pas. L’important, à ses yeux, c’est de se pencher ensemble sur leur applicabilité et surtout de quantifier les résultats escomptés, mesure par mesure.

Le gouvernement et le secteur privé se sont mis d’accord pour harmoniser les mesures d’urgence avec le mémorandum de la FEC.

Kinshasa, 11-14 septembre. Le ministère des Finances organise un forum national sur la réforme fiscale en RDC à l’initiative du président de la République. Les assises débouchent sur plusieurs recommandations qui ne manquent pas d’intérêt.