Kinshasa, dont la population est estimée à plus de 10 millions d’habitants, consomme en moyenne 250 000 tonnes de cultures maraichères par an, selon l’environnementaliste Jean de Dieu Minengu. La pollution les aurait souillées tandis que la pénurie n’est pas loin.
La capitale congoalise n’est pas à l’abri d’une crise de légumes, conséquence du boom des constructions qui a fait disparaitre des espaces agricoles entiers. La gestion chaotique des affaires foncières où conservateurs des titres immobiliers, bourgmestres, chefs coutumiers voire de simples géomètres lotissent même des sites réservés au nez et à la barbe des autorités de tutelle, a totalement perturbé le système agricole de la ville. Cecomaf, Nsele, Tadi, Mbudi, la banlieue kinoise, d’est à l’ouest formait ce qu’on appelait la ceinture verte de Kinshasa. Tous ces sites agricoles, dont certains remontent à 1954, ont quasiment été réduits à de simples platebandes de quelques ares. Le site de Kingabwa remis en 2014 aux maraîchers sur décision du ministre des Affaires foncières de l’époque, Robert Mbuinga, est désormais menacé de lotissement par un groupe d’intérêts dans lequel se retrouveraient des élus de Kinshasa. Une demande tributaire du Kongo-Central Selon Jean de Dieu Minengu, la demande en légumes à Kinshasa est, à ce jour, tributaire de l’offre du Kongo-Central (ex-Bas-Congo) et des importations. Mais cette offre serait largement inférieure à la demande sans l’apport des cultures maraîchères qui se sont développées le long des principales artères de la ville. Les pépinières qui s’étirent, notamment, de part et d’autre du boulevard Lumumba ou de la route dite By-Pass, dans l’ancien cimetière de Kasa-Vubu en face de l’usine de panification de Mama Poto, produiraient jusqu’à 50 000 tonnes de légumes par an, selon des sources au secrétariat général du ministère de l’Agriculture. «Les sites agricoles sont spoliés alors que le nombre d’agriculteurs ne cesse de croître du fait de la crise économique. On a des enseignants parmi nous, des fonctionnaires et même des agents de la Foire internationale de Kinshasa (FIKIN) qui ont préféré cultiver des légumes à la foire», constate cet agronome de formation qui, faute d’emploi, s’est résolu à cultiver la terre vers la Place commerciale dans la commune de Limete, le long du boulevard Lumumba. Un endroit qu’il reconnaît inapproprié pour une culture maraîchère. Le boulevard Lumumba relie le centre des affaires de Kinshasa (administration, entreprises, marché, grandes écoles…) à l’aéroport de Ndjili, en passant par le district le plus peuplé de la capitale, la Tshangu. C’est, donc, l’une des artères où la circulation est dense du matin au soir. C’est sur ce boulevard, avec ses flottilles de teufs-teufs qui assurent le transport en commun où l’on enregistrerait le taux le plus élevé d’exhalation de plomb dans la capitale. Il y a un peu plus de dix-huit mois, le 2 janvier 2014, le gouvernement provincial de Kinshasa avait appelé la population kinoise à ne plus consommer les légumes cultivés le long des grandes artères du fait de leur pollution au plomb. Mais cette décision n’a jamais été accompagnée de mesures d’encadrement ou coercitives. «Nous arrosons nos légumes avec beaucoup d’eau pour atténuer toute pollution au plomb provenant des tuyaux d’échappement des véhicules. Il revient plutôt aux autorités d’être davantage regardants sur la qualité du carburant commercialisé en RDC», d’après l’agronome. La norme congolaise en matière de produits pếtroliers est très restrictive sur le carburant contenant du plomb. Elle précise : plomb non détectable. (Lire encadré). Et l’agronome de poursuivre : « La bouffe polluée, c’est plutôt vos surgelés, des produits importés ! ». « Pendant la guerre d’août 1998, quand la route du Bas-Congo était fermée à tout trafic, ce sont les légumes des rues qui ont nourri tout Kinshasa », rappelle un maraîcher. « Il y avait », poursuit-il, « des pépinières là où sont érigés aujourd’hui le marché de la Liberté et l’hôpital Marie Biamba de Mutombo Dikembe. C’est que tout le monde venait s’approvisionner. Nous constituons toujours une ceinture de sécurité alimentaire pour les 12 millions de Kinois ». un de ses camarades, qui se dit ingénieur agronome, remet également en cause la qualité des légumes dits importés. «Il y a de grandes dames, de grands messieurs qui viennent ici négocier d’importantes quantités de légumes », révèle-t-il. Et d’ajouter : « Ne vous fiez pas trop aux étiquettes. Il me suffit d’un bon emballage sur lequel je peux faire écrire made in France alors que le contenu est en réalité un produit local. C’est comme l’eau en bouteille. En se fiant à leur nom, vous croiriez que c’est en un produit venu du Canada ou des États-Unis, alors que tout se fait à Kingabwa».