es pluies qui s’abattent sur Kinshasa depuis novembre montrent les limites des autorités urbaines dans la prévention et la gestion des catastrophes naturelles.
La lutte contre les érosions qui minent Kinshasa ne semble pas être une priorité pour les autorités urbaines. L’Office des voiries et drainage (OVD) devait s’attaquer, en 2013, aux têtes d’érosion appelées Bolikango et Manenga dans la commune de Ngaliema. Le montage financier était chiffré à quelque 6,7 milliards de francs pour Bolikango et 5,6 milliards pour Manenga. Il devait également poursuivre les actions contre les érosions autour de l’université de Kinshasa pour plus de 2 milliards de francs en 2014. Dans le budget de 2014, il était prévu un crédit de 600 millions de francs pour la construction d’une digue au quartier Ndanu dans la commune de Limete. Rien n’a été fait. Ces quelques exemples suffisent pour montrer que le gouvernement et l’exécutif urbain ne sont guère préoccupés par ce problème. Avec le retour des pluies, les différentes têtes d’érosions répertoriées dans la capitale sont de plus en plus menaçantes. « Le phénomène est tout récent », explique Gérard Mbenza, qui habite à Kinshasa depuis 1954. « Il remonterait aux années 1980 ».
Pourquoi tant d’érosions à Kinshasa ?
La pluie n’est pas la seule cause des érosions à Kinshasa. Les constructions anarchiques exposent également la capitale aux érosions. Selon des experts en urbanisation, il y aurait 390 têtes d’érosion identifiées à Kinshasa. Mais les plus dévastatrices, selon l’OVD, se trouvent à la Cité Mama Mobutu et à Kindele, sur la route de Kimwenza, dans la commune de Mont Ngafula, ainsi qu’à Mataba II, au quartier Bolikango et sur l’avenue Lalou, au quartier Delvaux, dans la commune de Ngaliema. D’après certains spécialistes de l’aménagement du territoire, il est urgent que les autorités urbaines publient une carte répertoriant tous les sites érosifs afin d’informer la population. Anatole Kitomesa Kakala, ingénieur en urbanisme, explique qu’il existe quatre types de vulnérabilité à l’érosion. Il y a les zones dites de vulnérabilité naturelle, les zones considérées comme peu vulnérables, les zones marquées comme vulnérables et les zones classées très vulnérables. Kinshasa se trouve dans la catégorie des sites très vulnérables à l’érosion. Deux facteurs sont à l’origine du phénomène : la nature sableuse des sols et la forte intensité des pluies. Le processus érosif, quant à lui, est caractérisé par le ravinement, mais aussi par le glissement de terrain s’il y a des fortes pentes. Anatole Kitomesa souligne que Kinshasa devait être urbanisée en tenant compte de sa configuration physique. « Avant de lotir des nouveaux espaces pour la construction d’habitations, il faut une étude approfondie de la nature du sol pour s’assurer que le site est habitable ou non », insiste-t-il.
Depuis plusieurs jours, la désolation se lit sur les visages de nombreux Kinois. Et elle se transforme en psychose tant la météo ne paraît pas clémente. Selon une rumeur très répandue ces jours-ci, une dizaine d’intempéries menacent encore Kinshasa. Les dégâts causés par les dernières pluies sont innombrables : détérioration et impraticabilité des routes, inondation, propagation de maladies d’origine hydrique due aux eaux stagnantes, progression de têtes d’érosion…
La spéculation foncière
D’après Sylvain Mabinga, natif de Kinshasa, la spéculation foncière est à la base du problème. « Il y a plus de trois décennies qu’on assiste à une spéculation foncière. Des nouveaux quartiers naissent au mépris des normes urbanistiques », précise Sylvain Mabinga. Alors que la ville est dans la catégorie des sites très propices à l’érosion, les canalisations pour l’évacuation des eaux manquent cruellement. Les constructions anarchiques sont devenues la norme, même sur les sites où il est strictement interdit de bâtir des logements du fait de la nature du sol. Pour Sylvain Mabinga, l’apparition des têtes d’érosion est l’une des conséquences de cette situation. Depuis plusieurs années, les érosions progressent dangereusement et réduisent l’espace habitable dans la ville pendant la saison des pluies,.
À Kinshasa, les propriétés sont de plus en plus morcelées et vendues à cause de la forte demande de logements. Pire, les sites érosifs le sont également, à l’exemple de Kivulu, dans la commune de Mont Ngafula, en dépit du danger qu’ils représentent. D’après le ministre des Infrastructures et des Travaux publics, Fridolin Kasweshi, la construction et la modernisation des infrastructures routières butent souvent contre l’occupation anarchique des emprises de la route. La problématique de l’urbanisation des villes nécessite des moyens colossaux. Selon la Constitution, l’habitat urbain et rural, la voirie et les équipements collectifs provinciaux et locaux relèvent respectivement de la compétence exclusive des provinces et des entités territoriales décentralisées.