Quelque 3 000 navires étrangers pourraient bientôt naviguer sur les eaux intérieures du pays. Des accord existent pour aller dans ce sens.
Le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation est, en pratique, devenu caduc dans le bassin du Congo, selon Jean-Pierre Muongo ancien administrateur-directeur technique de la Régie des voies fluviales (RVF). La Commission internationale du Bassin du Congo-Oubangui et Sangha (CICOS) se fonde sur des traités internationaux datant du XIXe siècle, à l’époque où les puissances occidentales faisaient pression sur le roi Léopold II afin que le bassin du Congo s’ouvre au commerce international. La CICOS justifie sa raison d’être principalement par l’Acte final du Congrès de Vienne du 19 juin 1815 et l’Acte général de Berlin du 16 février 1885, revu par la Convention de Saint-Germain de 1919. « Ce n’est pas fortuit que le siège de la CICOS soit établi à Kinshasa », indique Jean-Pierre Muongo. Cela ramène à la situation d’avant l’État indépendant du Congo (EIC). Le gouvernement ne s’y est point opposé officiellement et n’a point posé de conditions, quelles qu’elles soient. Cette organisation comprend la République démocratique du Congo, la République du Congo, le Cameroun et la République centrafricaine. L’Angola, qui a l’une des grandes flottes du continent, aurait également manifesté son intérêt pour la CICOS.
La constitution du Congo consacre la primauté de l’unité africaine sur les intérêts vitaux de l’État, a rappelé cet expert. D’après lui, l’État irait jusqu’à céder une partie de sa souveraineté sur l’autel l’Union africaine, s’il le faut. Lors d’un déjeuner de presse tenu mi-août 2015 à Kinshasa, un expert du ministère du Commerce extérieur s’était montré dubitatif sur les capacités du Congo à se préparer à ce rendez-vous du donner et du recevoir. L’autre accord de coopération maritime est celui qui lie la République sud-africaine et le Congo depuis pratiquement cinq ans. Cet accord a été négocié du temps du régime de transition et ratifié en 2011. Les navires marchands sud-africains ont libre accès aux ports maritimes du Congo, notamment à Matadi et Boma, où transite le gros des importations et des exportations du pays. Naturellement, l’Afrique du Sud devra ouvrir ses ports (Durban, Cap, Port-Elisabeth…) à la flotte congolaise. Sauf que cette flotte n’existe pas.
La flotte sud-africaine arrive
L’accord, à l’état actuel, semble être en défaveur du Congo. L’unique armateur public de haute mer, la Compagnie maritime du Congo (CMDC), ex-CMZ n’est plus que l’ombre d’elle-même. Dans les années 1980, elle comptait neuf cargos et un navire mixte (cargo-passagers). « Mais les méthodes de gestion bien particulières ont entraîné une dette colossale au point que, régulièrement, des navires ont été mis à la chaîne dans divers ports étrangers », déplorait, au cours d’un forum sur les opportunités d’investir en RDC, le Belge Honoré Paelinckx, ancien PDG de l’ex-Office national des transports (ONATRA), l’actuelle SCTP. Finalement, tous les navires ont été vendus à des prix parfois dérisoires. La situation pécuniaire de l’entreprise est si pénible que beaucoup de créanciers attendent le moindre signe de reprise pour agir. La CMDC survit encore grâce à la firme belge Marinvest. Pourtant, le gouvernement s’était engagé, en 2012, à doter le pays d’un gros navire de haute mer. À Kinshasa, comme pour rassurer l’opinion, le gouvernement a affiché sur des panneaux publicitaires, placés dans les principaux carrefours, une image représentant un gros paquebot.
L’armement congolais est une véritable galère. Il n’y a, en réalité, qu’un seul navire marchand répondant aux normes qui vogue sur les eaux intérieures du Congo. C’est l’ITB Kokolo, propriété – jusqu’à quand ? – de la SCTP. L’entreprise s’est toutefois engagée à réhabiliter une dizaine d’unités flottantes dont les ITB Ngungu, Ebeya et Goma. L’armement privé n’est, au contraire, constitué, pour l’essentiel, que de pousseurs, barges et baleinières de fortune et autres pirogues motorisées. Le transport fluvial congolais compte parmi les moins sûrs. En 2010, le chef de l’État, Joseph Kabila, avait dû révoquer le ministre des Transports et Voies de communication, Laure-Marie Kawanda, à la suite d’une série de chavirements de navires occasionnant de lourdes pertes en vies humaines.