La Caisse nationale de sécurité sociale des agents publics de l’État (CNSSAP) est à la croisée des chemins. Yolande Ebongo Bosongo, la ministre de la Fonction publique, peut s’estimer heureuse parce que le dossier qu’elle a présenté au Conseil des ministres en vue de la participation de la CNSSAP au marché des bons et obligations du Trésor et de la mise en place des organes de gouvernance de ce fonds de pension, a trouvé un écho favorable auprès du gouvernement. En tout cas, José Sele Yalaghuli, le ministre des Finances, avisé, n’a pas trouvé d’inconvénient que la CNSSAP place désormais ses excédents financiers en bons et obligations du Trésor.
Pour cela, il va falloir modifier l’arrêté n°29/ME/MIN.F.P/2018 du 16 mars 2018 relatif à la gestion des placements de la CNSSAP. Au terme de cet arrêté, un comité de placement des excédents financiers a été institué en tant que structure de gestion stratégique et tactique du portefeuille de la CNSSAP. Ce comité est composé des cinq membres dont deux représentants de l’intersyndicale nationale de l’Administration publique (INAP), deux délégués de la CNSSAP et un délégué du ministère de la Fonction publique.
Par ailleurs, depuis sa création (décret n°15/031 du 14 décembre 2015), la CNSSAP est dirigée par un chargé de mission. Et la ministre de la Fonction publique a donc voulu mettre fin à cette situation et souhaite que les organes de gestion ou de gouvernance attitrés soient rapidement mis en place. Pour rappel, la création de la CNSSAP fait partie de la grande réforme de l’Administration publique et des innovations apportées au régime national de la sécurité sociale en République démocratique du Congo. On retiendra utilement que la CNSSAP est au service public ce qu’est la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) au secteur privé.
Avant 2015, les assurances de type social étaient fournies en RDC par l’Institut national de sécurité sociale (INSS), transformé en Caisse nationale de sécurité sociale en juillet 2018, conformément à la loi n°16/009 du 15 juillet 2016 relative à la sécurité sociale et aux Objectifs de développement durable (ODD) dont la cible 8.8 impute aux gouvernements de « garantir la défense des droits des travailleurs et d’assurer la protection de tous les travailleurs d’ici à 2030 ».
Cette loi remplace en fait le décret-loi organique du 29 juin 1961 et a le mérite d’offrir la couverture intégrale des branches du régime général de la sécurité sociale, de supprimer les restrictions et les discriminations dans l’application du décret-loi organique du 29 juin 1961. Les prestations de la CNSS sont les pensions de retraite et d’invalidité, les risques professionnels et les allocations familiales.
Deux systèmes
Par ailleurs, la loi n°16/013 du 15 juillet 2016, portant statut des agents de carrière des services publics de l’État, stipule que la gestion des prestations de sécurité sociale des agents publics de carrière dits fonctionnaires relève de la CNSSAP. Qui est également régie par la loi n° 008/2008 du 7 juillet 2008 portant dispositions générales applicables aux établissements publics. La CNSSAP est donc un établissement public à caractère administratif et social créé pour organiser et gérer les prestations de sécurité sociale des agents publics de l’État dans un régime contributif.
Elle couvre la branche des pensions pour les prestations d’invalidité, de vieillesse et des survivants ainsi que la branche des risques professionnels pour les prestations en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle. Cependant, elle pourra également couvrir toute autre branche. La mission de la CNSSAP est de recouvrer les cotisations sociales des fonctionnaires et agents de l’État employeur, servir les prestations de sécurité sociale et les prestations pour le compte des tiers, placer au mieux les excédents financiers et, à terme, contribuer au développement socioéconomique de la RDC.
Les assujettis au régime de sécurité sociale organisé par la CNSSAP sont les agents de carrières des services publics de l’État, les militaires, les policiers, les magistrats, les enseignants, les fonctionnaires contractuels de l’État, les stagiaires et les apprentis liés par un contrat d’apprentissage qui intègrent l’Administration publique. Cependant, faute de loi spéciale sur la sécurité sociale, en plus du fait que les autres catégories d’agents publics que ceux de carrière étant déjà soumis à des statuts spécifiques gérant leur couverture sociale, la CNSSAP n’a pour population cotisante que les fonctionnaires.
Avant la création de la CNSSAP, la retraite était directement gérée par le Trésor public. Il y avait au ministère du Budget une division qui s’occupait de la sécurité sociale spécialisée. Mais le Trésor public n’était pas suffisamment outillé pour maîtriser les bénéficiaires, retraités et ayant-droits. On était donc dans le régime dit régime octroyé. Étant donné que le financement de la sécurité sociale coûte cher et dans le cadre de la réforme et la modernisation de l’Administration publique, il a donc fallu changer de paradigme.
Nouvelle problématique
C’est dans ce contexte que la CNSSAP a été créée pour « répondre à une nouvelle problématique », selon Tombola Muke, le chargé de mission. « C’est une caisse de retraite contributive parce qu’elle génère non seulement des économies mais aussi des bénéfices pour une pension décente et une reconversion facile de la retraite ».
Concrètement, la CNSSAP qui a effectivement été lancée en 2017, a pour principales missions d’offrir aux agents publics de l’État et à leurs familles des prestations de sécurité sociale sur la base des cotisations recouvrées auprès de ces derniers et de l’État-employeur. Quant au financement des prestations de la branche des pensions, le taux de cotisation est fixé à 9 %, à raison de 6 % à charge de l’État-employeur et 3 % à charge de l’agent.
À terme, plus d’un million d’agents encore actifs seront couverts, conformément à la loi n°16/013 du 15 juillet 2016 et au décret n°15/031 du 14 décembre 2015.
Les autres catégories (armée, police, enseignement supérieur, magistrature, etc.) seront intégrées dès que leurs statuts spécifiques le permettront ou à l’adoption d’une loi spécifique sur la sécurité sociale des agents publics. La formule utilisée pour le calcul de la pension de vieillesse est celle des annuités liquidables avec un taux d’annuité liquidable fixé à 1,33 %, soit un taux de remplacement de 45,55 % du salaire de base pour une carrière pleine de 35 ans.
Les cotisations sont retenues sur les traitements de base. Les cotisations, mensuelles et obligatoires, sont retenues à la source et versées au compte de la CNSSAP. Le système contributif a ceci d’avantage que les cotisations sont une assurance et une garantie d’un revenu de remplacement décent au moment de la retraite. L’agent public contribue lui-même pour assurer sa retraite et une rente de survie à ses ayant droits.