La crise à la CVM est révélatrice du flop du système maritime national

LA CRISE à la Congolaise des voies maritimes (CVM) est en réalité la partie visible de l’iceberg. La compagnie est confrontée à des difficultés que connaissent tous les prestataires étatiques dans le bief maritime de la République démocratique du Congo. Il y a encore quelques mois, les Lignes maritimes du Congo (LMC), ex-CMDC, anciennement CMZ, était aussi en plein marasme. L’État avait recouru à la même procédure : paiement des arriérés et promesse d’achat d’un navire de haute mer. D’ailleurs la délégation syndicale avait adressé aux autorités du pays, un memo dit de « gratitude ».  Cependant, les principales sources d’autofinancement de l’une ou de l’autre entreprise d’État font l’objet d’une vive contestation, sinon un rejet catégorique de la part des opérateurs économiques regroupés au sein de la Fédération des Entreprises du Congo (FEC).  

Des taxes récusées par la FEC  

Du temps d’Augustin Matata Ponyo, comme 1ER Ministre, le gouvernement avait  approuvé l’instauration d’une nouvelle redevance maritime de 2,47 dollars la tonne devant être payée par les armateurs à la CVM. Les frais collectés devraient servir à financer les travaux de balisage du bief maritime qui ouvre sur les trois ports internationaux de la RDC, à savoir Banana, Boma et Matadi. L’autre source des recettes de l’ex-RVM est la taxe à la navigation maritime. Mais ces actes des recettes ne sont pas des impôts qui sont payés sans contrepartie. 

La CVM a donc du mal à convaincre lkes opérateurs économiques de payer la redevance précitée dès lors qu’elle ne rend aucun service en contrepartie. Par ailleurs, un conseiller du ministère des Transports et des Voies de communication a reconnu que la taxe à la navigation ne représente pas grand’chose, faute d’armateurs qui préfèrent la voie de Pointe-Noire. L’État a offert à la CVM un contrat de partenariat public-privé (PPP) avec la firme Trading qui dorénavant devrait s’appliquer à baliser le bief maritime. 

Ledit contrat est de 10 ans renouvelable. La firme Trading, non autrement identifiée, avait déjà réalisé trois opérations de balisage sur le bief maritime. Hélas, le rapprochement entre les deux sociétés aurait visiblement chaviré. La CVM veut une drague propre. Selon les estimations du temps du cabinet Matata, il faut 35 millions de dollars pour doter la CVM d’une drague adéquate à ses missions régaliennes. Alors que les Lignes maritimes congolaises attendent de l’État 3 navires cargo polyvalent ou multipurpose et de 2 000 conteneurs. 

Alors que l’arrêté ministériel n°028/CAB/VPM/MIN/TC/2017 du 7 août 2017, modifiant les taux définis par l’arrêté ministériel n°409/CAB/MIN/TVC/093/2012 du 28 avril 2012 applicables au trafic maritime en provenance et à destination de la RDC, se heurte toujours à la bouderie de la FEC. À la suite de la hausse de la taxe du trafic maritime, les LMC taxent un container de 20 pieds (soit 28 t environ), 40 dollars ; celui de 40 pieds, 80 dollars ; voiture et minibus, 20 dollars ; voiture utilitaire (fourgon, pick-up, camion, camionnette, véhicule frigorifique, benne…), 35 dollars ; engins lourds et de génie civile, 70 dollars l’unité. Pour ce qui est des hydrocarbures, les LMC taxent le m3, 2 dollars ; les produits miniers exportés, 2 dollars la tonne, tout comme le cargo général (sac de ciment, sac de riz, etc.). 

La FEC, principal patronat, s’est opposée à la nouvelle grille des LMC. Pour le Comité professionnel des agents maritimes de la FEC, l’application de cette mesure devrait continuellement entraîner la hausse des prix des biens et services d’importation. Depuis, aux Lignes maritimes, on explore de nouvelles voies de survie. Les LMC veulent carrément passer dans le multimodal comme l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM). 

Sélection naturelle

Expert maritime, auteur de « Le guide de la conteneurisation et du transport multimodal », paru en 2011 aux Éditions Shipping Guides/Ghana, Gabriel Mukunda Simbwa n’accorde guère de chance de survie à l’armateur public face aux enjeux internationaux actuels. « Depuis le retrait des armements européens des conférences maritimes, le glas venait de sonner pour les armements africains qui n’ont pas pu faire face à la libre concurrence devant désormais régner dans l’industrie maritime mondiale », note-t-il. 

Et d’ajouter : « Les armements africains tels que Black Stars du Ghana, CMZ de l’ancien Zaïre (RDC), SITRAM de la Côte d’Ivoire et CAMSHIP du Cameroun ont été liquidés car n’ayant pas été capables de sortir la tête hors de l’eau suite à la concurrence féroce des armements de grandes puissances maritimes sur diverses lignes. Après l’élimination du circuit de l’Afrique, les géants de la conteneurisation se sont jetés sur l’Afrique, comme un fauve sur une proie, pour y asseoir le contrôle et l’exploitation du fret entrant et sortant de l’Afrique. » 

L’expert maritime congolais relève que le commerce international se réalise à 80 % par voie maritime. Les biens produits dans certains pays du monde sont transportés à l’aide des navires vers les pays de consommation. D’où, tout l’intérêt de la conteneurisation. « C’est une activité qui consiste à transporter les marchandises au moyen des conteneurs par voie routière, maritime ou par la navigation intérieure. La conteneurisation permet donc le transport multimodal des marchandises : les différents modes de transport peuvent être combinés pour réaliser le transport porte à porte », note-t-il. 

Des nouvelles lignes maritimes conteneurisées desservent l’Afrique désormais de cette partie du monde à travers le Cap de Bonne Esperance en Afrique du Sud sans passer par l’Europe. La desserte de l’Afrique du Nord passe par l’Océan Indien, la Méditerranée, le détroit de Gibraltar et le canal de Suez. 

Toutes  ces lignes sont assurées par des armements, tels que Maersk, Line/Saf Marine, CMA, CGM/Delmas et MSC qui ont des succursales ou filiales en RDC, notamment à Boma, Matadi et Kinshasa. Ainsi, un commerçant en déplacement en Chine peut faire conteneuriser ses marchandises et confier son conteneur à Guangzhou à un transporteur maritime pour son acheminement, d’abord par voie maritime, jusqu’à un port africain et de là, le conteneur pourra continuer par chemin de fer ou par route jusqu’à la cité du commerçant à l’intérieur du pays. Au besoin, le même conteneur pourrait éventuellement continuer son voyage par voie fluviale jusqu’à sa destination finale. Tous ces segments de transport se font sous la responsabilité d’un seul opérateur car le fret perçu au départ inclue la livraison porte à porte.