À TRAVERS ce protocole d’accord, la Direction générale des impôts (DGI) veut notamment s’assurer un « meilleur suivi des obligations déclaratives et de paiement, particulièrement dans les secteurs miniers, pétroliers producteurs, des télécommunications et bancaires où les rémunérations sont indexées ». Cela est clairement mentionné dans le « Cahier des Mesures à mettre en œuvre pour la réalisation des prévisions 2018 ».
La Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) fait, en pratique, office de branche de l’Agence nationale des renseignements (ANR) dans le secteur du business et des finances publiques. Elle est, pour ce faire, rattachée à la trésorerie nationale, la Banque centrale du Congo (BCC).
Le protocole d’accord en vue entre la DGI et la CENAREF découle, selon des experts, de l’évaluation des finances publiques réalisée, mi-2017. Laquelle a notamment décelé « une discordance des chiffres entre les statistiques collectées auprès des banques commerciales et ceux du compte général du trésor de la Banque centrale du Congo, BCC ». La DGI, selon nos sources, devrait ainsi exploiter à fonds « des données de recoupement de la Direction générale de migration, DGM, ainsi que des licences de transfert de fonds vers l’étranger obtenues auprès des banques commerciales en vue de faire la lumière sur la gestion du rapatriement des devises en RDC à titre d’impôts, redevances et autres droits », soulignent des sources autorisées à l’Hôtel des impôts.
Quand Luzolo s’emmêle
Pour ce faire, la régie financière compte se baser sur des données de recoupement du ministère du Travail, de l’ex-INSS transformé en Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et l’Institut national de préparation professionnelle (INPP) ainsi que des licences de transferts de fonds vers l’étranger obtenues auprès des banques commerciales.
Il sied, en effet, de rappeler qu’Emmanuel Luzolo Bambi, le conseiller spécial anti-corruption du chef de l’État, s’en était mêlé et avait soupçonné certaines banques commerciales de se livrer à des opérations de blanchiment des capitaux. Le préjudice s’élèverait à des milliards de dollars au détriment du Trésor public. En témoigne cette correspondance datée du 31 août 2017 de Luzolo Bambi à Yves Cuypers, directeur général Banque commerciale du Congo (BCDC) et président de l’Association congolaise des banques (ACB) : « […] Il est regrettable que votre attitude frise l’arrogance et le mépris à une institution de la République au point de vous permettre d’inviter les banques à se rebeller contre l’exécution d’une Ordonnance présidentielle à laquelle vous opposez des notes circulaires du Procureur Général de la République avec une interprétation biaisée. Et de poursuivre : « Je vous invite une ultime fois à lire utilement les instruments juridiques sus-indiqués [Ndlr, loi portant lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, loi relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit, l’ordonnance organisant les services du conseiller spécial anti-corruption particulièrement au sujet du secret bancaire, etc.] pour ne plus induire les membres de votre Association dans une abstention coupable et dans une obstruction délibérée aux enquêtes à l’occasion imminente des nouvelles missions d’investigations. Vous aurez ainsi été prévenu ».
Le « procureur spécial », comme on a surnommé le conseiller spécial, a habitué l’opinion à ses sorties médiatiques « fracassantes et tonitruantes », affichant sa détermination de ne pas s’arrêter là. Mais ses déclarations « effets d’annonce » se terminent en eau de boudin. Près d’une année donc, après cette correspondance, aucun responsable de la dizaine de banques mises à l’index par Luzolo Bambi n’a été inquiété. Bien au contraire, la DGI fait toujours face à la persistance du phénomène « des restes à recouvrer » alors que d’énormes masses d’argent en devises fortes font des mouvements sujets à caution.
Selon le Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale (GABAC) dont la République démocratique du Congo est devenue membre associé depuis juin 2018, « pour cause d’asymétries d’information », les activités de la finance mobile en Afrique centrale sont sujettes à plusieurs manquements. Car, la variété d’acteurs répertoriés dans cette chaîne d’activités (banque, opérateur, agent, marchand, client utilisateur final), n’appréhendent pas tous de la même manière les risques liés au blanchiment des capitaux et au financement du terrorisme. L’institution fustige surtout l’attitude des banques, pourtant directement liées aux organismes de régulation, qui ne sont pas toujours bien équipées pour assurer la conformité des activités de la finance mobile chez les opérateurs.
Assujettis établis hors de la RDC
Pour l’exercice 2018, le fisc a tablé sur des recettes de l’ordre de 73 milliards de FC (72 916 651 520 FC) sur l’impôt sur les prestations des services de toute nature fournies par des personnes physiques ou morales non établies en RDC. Mais la DGI courrait après une bagatelle somme de plus de 20 milliards de francs à recouvrer en 2015 et 2016.
Le taux de 14 % de l’impôt sur les prestations de services de non résidents s’applique, en effet, sur le montant brut des factures en rémunération des prestations de services de toute nature fournies par des personnes physiques ou morales non établies en RDC. Les recettes de l’exercice 2017 n’auraient été captées qu’à 70 % de leurs assignations qui étaient de 62 146 305 877 FC. Pourtant, les assignations de l’impôt sur les prestations de services de non résidents reposent sur des données dont la marge d’erreur est quasi-nulle. Il s’agit notamment des rémunérations brutes des services rendus au précédent exercice, les rémunérations brutes des services rendus redressés de l’exercice passée, des indicateurs macroéconomiques ainsi que du taux d’imposition.
Hélas, en attendant le concours de la CENAREF, la DGI compte procéder à des recouvrements forcés, des saisies mobilières et immobilières ainsi que des comptes bancaires. La DGI envisage également de procéder au recouvrement forcé pour ce qui est des impôts sur les revenus salariaux des expatriés dont les assignations sont de 127 249 863 588 FC pour 2018, contre 82 190 229 689 FC en 2017.
S’agissant des impôts sur les revenus des capitaux mobiliers qui couvrent la distribution des dividendes et autres revenus provenant des capitaux investis, tantièmes alloués et montant net de redevances pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit de propriété intellectuelle ou industrielle, le fisc compte percevoir environ 82 milliards de francs (81 547 973 101 FC) courant 2018. Pour ce faire, la DGI programmées s’est engagée, dans un premier temps, à renforcer le système de suivi des défaillants en déclaration, à organiser des contrôles ponctuels de l’impôt mobilier, au suivi périodique des déclarations de l’impôt mobilier et l’incidence des résultats du contrôle de l’impôt sur les bénéfices et profits (IBP), sur le comportement des recettes en matière d’impôt mobilier.
Si ces actions se révèlent infructueuses, le fisc devra se résoudre à l’application rigoureuse de la procédure de recouvrement forcé en ce qui concerne des restes à recouvrer. La DGI compte alors procéder à lancer des avis à tiers détenteurs, des saisies mobilières, immobilières et les ventes qui en découlent ; à la fermeture provisoire des établissements par l’apposition de scellés. On retiendra utilement que le taux de perception des impôts sur les revenus des capitaux mobiliers est de 20 % et que, pour le secteur minier, le taux appliqué sur les dividendes et autres distributions est de 10 %.
Rémunérations des expatriés
De cinq types d’impôts professionnels sur les rémunérations (IPR), deux posent problème : l’impôt exceptionnel sur les rémunérations versées aux expatriés (IERE) et l’impôt sur les revenus salariaux des expatriés (IRSE). Selon les projections 2018 de la DGI, l’IERE est de l’ordre de 63 627 232 816 FC, contre 59 426 833 715 FC en 2017. Et les assignations 2018 de l’IRSE sont de 127 249 863 588 FC, contre 82 190 229 689 FC en 2017. En 2015, l’IRSE n’a rapporté que 40 920 642 343 FC sur 85 582 867 811 FC attendus, soit un taux de réalisation de 40 %. En 2016, la DGI a collecté 60 741 125 064 FC alors qu’elle en espérait au moins 63 milliards de francs.
Concernant, l’IERE, la DGI applique non seulement le taux d’imposition de 25 % relevant de la législation fiscale de droit commun, mais aussi de 10 % appliqué en tenant compte du Code minier. L’IERE est établi, en effet, en fonction de rémunérations générées par l’activité du travail exercé ou l’emploi occupé au Congo, et est déductible de la base imposable à l’IBP. Lequel est imposable, selon le Code minier, au taux de 30 %.