La Direction générale des douanes et accises (DGDA) ne compte percevoir cette année que 17,8 milliards de francs des droits d’importations des véhicules. Au taux moyen de 1 450 francs le dollar, ce montant représente un peu plus de 12 millions de dollars. Les assignations de 2017 équivalent pratiquement aux recettes réalisées par la douane en 2016, soit 12 milliards de francs contre des prévisions de 21 milliards, quand le décret du 2 octobre 2012 portant interdiction d’importation des véhicules d’occasion de plus de 10 ans de vie était de stricte application. En 2015, ces importations ont rapporté plus de 15,7 milliards de francs, soit plus de 17 millions de dollars contre des prévisions de plus de 30 millions de dollars.
Loin derrière tabacs et allumettes
Les recettes attendues des importations des véhicules représentent 0,17 % des prévisions générales de la Direction générale des douanes et accises. Elles comptent avec les boissons alcoolisées, parmi les grands postes contributeurs des droits d’accises perçues à l’importation. Il sied de noter tout de même que dans cette rubrique, les prévisions à titre des droits d’accises perçues à l’importation, les tabacs et les allumettes importés de plus de 60,8 milliards de francs, soit plus du triple des assignations des véhicules importés.
Pourtant début 2017, les agents des services portuaires à Boma (DGDA, OCC, OGEFREM et SCTP) ont, dans un mémo adressé à l’alors 1ER Ministre, Samy Badibanga Ntita, fait remarquer que le décret Matata interdisant l’importation des véhicules de plus de dix ans d’âge avait fini par plomber les activités d’import-export. Les navires qui ramenaient plus de deux mille voitures au port de Boma, en déchargent moins de cinq cents. Par conséquent, les recettes liées à l’importation ont sensiblement baissé. Et ils ont réclamé au chef du gouvernement le retrait du décret sans autre forme de procès.
Dans le budget de l’État pour l’exercice 2017, l’apport de l’Office congolais de contrôle (OCC) ou de l’OGEFREM dans les recettes de la République démocratique du Congo est nul. Comme en 2015 et 2016. Alors que la Société commerciale des transports et des ports, l’ex-ONATRA qui revendiquait également la levée du décret de Matata, voit ses assignations de 2017 porter à plus de 725.9 millions de francs. En 2016, pour des assignations de 842.148. 293 francs, la SCTP a réalisé 3.730.156.942 francs, soit un taux de réalisation de 442,93 %.
Garantie de paix sociale
Il est vrai que depuis que cette mesure de restriction dans les importations des véhicules était entrée en vigueur, le mécontentement s’était généralisé, non seulement à Boma mais aussi dans l’autre ville portuaire, Matadi. L’importation des véhicules d’occasion couvre en effet plusieurs autres commerces des produits manufacturiers, dont les appareils électroménagers, de seconde main. Ce sont les très célèbres « Bill of cost » appelés « bilokos » dans le parler kinois. Plutôt qu’à l’État, l’amendement porté au décret de Matata faisant passer de 10 à 20 ans, l’âge des véhicules devant être importés en RDC a, selon toute vraisemblance, profité aux particuliers, aux entreprises d’export-import privés ainsi qu’à des agences en douane. La paix sociale prime le souci écologique, estime-t-on dans la mouvance de la société civile. Le décret de Matata se fondait, en effet, sur la volonté de l’État de « limiter l’impact nuisible des véhicules polluant l’environnement ».
Mais des leaders d’opinion ont laissé entendre qu’à Boma et Matadi, nombre de jeunes déclarants, livrés à l’oisiveté, avaient fini par se lancer dans le grand banditisme dans la ville. Et que l’appel à la désobéissance civique et à la chasse aux non-originaires de la province du Kongo-Central, lancé par le gourou du mouvement politico-religieux Bundu-dia-Kongo, le député Ne Muanda Nsemi, n’a pas eu large écho grâce à la reprise des activités économiques boostées non seulement par les nouvelles cimenteries mais surtout par l’importation des véhicules qui a repris de plus belle. L’on se souviendra que, c’est pour des motivations du genre que le gouverneur de la province du Kongo-Central, Jacques Mbadu, avait passé outre, en 2013, le décret de Matata sur l’importation des véhicules.
Contrairement à une certaine presse, la RDC est loin d’être l’unique pays au monde à recourir aux vieilles voitures pour soutenir son économie. Aux portes de l’Europe, l’Algérie qui a fait le frais comme la RDC de la baisse des cours mondiaux des matières premières, a aussi décidé, dans le cadre du projet de loi de finances 2017, de lever l’interdiction de l’importation des véhicules d’occasion décidée en 2002.
« On va lever cette interdiction et élaborer un cahier des charges bien précis qui permet de ne pas importer des véhicules représentant des dangers à la circulation », a laissé entendre le ministre algérien du Commerce, Bakhti Belaïb. « L’essentiel pour nous est que ce soit un marché transparent où l’acheteur a des garanties suffisants », a-t-il ajouté.
Selon les chiffres communiqués par les douanes algériennes, la facture des importations de véhicules s’est chiffrée à 3,14 milliards de dollars en 2015, contre 5,7 milliards en 2014. En RDC, le gouvernement a installé des centres de contrôle technique notamment dans la capitale pour détecter toute anomalie sur un véhicule.
Ce check-up, foi de cet importateur auto coûte au bas mot 75 dollars. En 2015, le gouvernement s’est engagé à implanter une usine de montage des véhicules dans la capitale. Rien n’est venu depuis lors. Par ailleurs, pour un véhicule d’occasion acheté à 1 000 euros en Europe, il va falloir payer 4 000 dollars à la douane, sans compter les sempiternels pourboires. Plutôt des déboires pour les services de l’État.